Communication de crise : quand la réputation ne tient plus qu’à un feed
En 2025, un buzz, qu’il soit positif ou négatif, peut éclater en quelques secondes sur les réseaux sociaux. Anaïs Loubère nous explique comment l’anticiper et y répondre avec justesse.

Comment gérer un bad buzz en 2025, lorsqu’une vidéo d’un consommateur, ou même un simple commentaire, peut suffire à faire vaciller une marque ? Anaïs Loubère, fondatrice de Digital Pipelettes, revient pour BDM sur la nouvelle dynamique des crises, les erreurs récurrentes des marques, et les leviers pour transformer un bad buzz en opportunité ; à condition d’oser incarner sa communication et d’avoir un cap clair.
Les bad buzz ne sont pas nouveaux, mais leur ampleur et leur dynamique ont été profondément modifiées par les réseaux sociaux. Quelles évolutions majeures avez-vous observées dans la manière dont ces crises émergent et se propagent ?
Avant, une crise de réputation partait d’un article, d’une fuite ou d’un communiqué maladroit. En 2025, elle part d’un commentaire, d’une vidéo de 15 secondes ou d’un tweet capturé hors contexte.
La nouveauté, ce n’est pas la critique. C’est la viralité ultra-ciblée. Une crise ne se propage plus de manière linéaire : elle rebondit de micro-communauté en micro-communauté, chacune la reformulant avec ses propres codes. Et en quelques heures, elle devient un sujet mainstream.
Ce n’est plus seulement le contenu qui est en cause, c’est la manière dont il est repris, remixé, détourné. Et c’est là que tout s’emballe.
Body Minute, Delichoc, Bill’s Burger… plus que jamais en 2025, une crise peut éclater en quelques minutes sur les réseaux sociaux. Quelles sont les erreurs que commettent encore trop de marques lorsqu’elles font face à une crise en ligne ?
Très souvent, le second degré et l’humilité désamorcent la situation. Mais les marques tombent encore dans deux pièges classiques : soit elles se réfugient derrière une posture froide et institutionnelle, soit elles montent au créneau avec une communication défensive voire agressive.
Or les internautes d’aujourd’hui ne cherchent pas des marques parfaites. Ils attendent qu’elles soient humaines, qu’elles sachent reconnaître leurs erreurs… et parfois même rire d’elles-mêmes.
Face à l’emballement en ligne, faut-il toujours répondre rapidement ? Existe-t-il des situations où le silence ou la patience peuvent s’avérer plus stratégiques ?
Le timing est crucial. S’il faut savoir vite réagir, il ne faut pas non plus sur-réagir au risque de créer vous-même votre départ de feu. Dans un premier temps, il s’agit d’évaluer la situation de manière objective :
- Quelle est la portée du compte qui incrimine ma marque ?
- Quel est le volume d’interactions ?
- Que disent les commentaires ?
- Ces prises de paroles peuvent-elles avoir un impact sur ma cible / clientèle ?
- Est-ce que le volume d’interactions augmente significativement d’heure en heure ou est-ce que ça se tasse ?
Ce sont ces pronostics qui doivent guider notre choix de prise de parole ou non.
Dans le cas de Body Minute, la vidéo qui a allumé la mèche était certes dénigrante mais ne comptait qu’une “petite” dizaine de vues et datait d’il y a 2 ans. Le soufflé était retombé aussi vite qu’il était monté. C’est malheureusement ici que la marque a raté une occasion de se taire…
« Faute avouée à moitié pardonnée » : la transparence est-elle toujours la meilleure stratégie face à un bad buzz ?
La transparence n’est pas une stratégie de crise. C’est une posture de marque à adopter en amont. Face à un bad buzz, tout dépend du contexte : y a-t-il eu faute réelle ? Quelles sont les attentes de l’audience ?
Mais une chose est sûre : le faux mea culpa, l’excuse creuse ou le message aseptisé ne fonctionnent plus. Une excuse rédigée par le service juridique se voit à 10 km. En revanche, une excuse incarnée par un dirigeant touche. Aujourd’hui, mieux vaut une prise de parole directe, contextualisée, incarnée… même imparfaite.
Parce que ce que les gens attendent, ce n’est pas une excuse corporate, c’est un signe qu’il y a des humains derrière le logo.
Concrètement, comment une marque peut-elle se préparer à ce type de situation ? Quelles actions ou KPI mettre en place en amont pour mieux anticiper ?
La meilleure gestion de crise, c’est l’anticipation. Concrètement, cela passe par trois piliers :
- Veille active : ne pas juste surveiller les mentions de marque, mais écouter les signaux faibles dans les communautés sensibles à votre secteur, en commençant par s’outiller : par exemple Visibrain ou Onclusive peuvent vous permettre d’avoir un suivi en temps réel assez pointu.
- Scénarios de crise : avoir des protocoles préétablis selon les typologies de risques (produit, influence, discours, collaborateurs…).
- Indicateurs de seuil : définir des KPI d’alerte : pic d’interactions négatives, partages en hausse sur un contenu controversé, taux d’engagement anormalement élevé sur une vidéo critique… Ces données doivent permettre de décider : j’agis ou je laisse passer ?
Avez-vous des exemples de marques qui ont réussi à « surfer » sur un bad buzz pour le transformer en opportunité de communication ?
Il existe des exemples dans différents registres :
- Le rebond par l’humour : Astronomer embauche Gwyneth Paltrow, l’ex de Chris Martin après le bad buzz mondial sur l’infidélité de son PDG avec la DRH. Après être passée par plusieurs communiqués officiels, la marque a joué la carte du second degré. En une seule vidéo, l’entreprise a renversé la vapeur pour créer du capital sympathie.
- Le rebond par l’engagement : Decathlon et leur communication autour du hijab de sport avait provoqué une vague de critiques… au lieu de reculer, la marque a assumé son positionnement, réaffirmé ses valeurs, et fédéré une nouvelle base de clients engagés.
- Le rebond par le spectaculaire : en pleine rando, une influenceuse TikTok interpelle The North Face les accusant de publicité mensongère à cause de sa veste censée être imperméable et qui ne l’est pas. En quelques jours, la vidéo atteint 12,5 millions de vues. Ni une, ni deux, la marque met en scène une livraison express en hélicoptère. Résultat : des millions de réactions et une perception de marque reboostée en quelques secondes (on repassera tout de même pour l’empreinte carbone).
Autre exemple, plus subtil : certaines marques comme Burger King utilisent les détournements ou critiques pour montrer qu’elles savent écouter, s’adapter ou tout simplement pour prouver qu’elles sont partie prenante de la pop culture.
@burgerkingfr Réponse à @lou_pgt1 ♬ son original – Burger King France
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Mais attention : on ne « surfe » un bad buzz que si on a une boussole claire — ses valeurs — et un capitaine à la barre. Ce n’est pas un exercice d’improvisation.
Selon vous, faut-il toujours utiliser les réseaux sociaux comme le principal canal de communication de crise ?
En 2025, la question n’est plus de savoir s’il faut ou non sélectionner les réseaux sociaux comme canal de communication, votre marque y sera placardée quoi qu’il en soit. Si vous décidez de vous cantonner à une prise de parole moins conversationnelle et plus institutionnelle (comme un communiqué de presse par exemple), le débat s’animera sans vous… Laisseriez-vous la clé de chez vous à un inconnu ?
Que vous le vouliez ou non, l’après-match de vos déclarations se fera sur les réseaux sociaux.

Anaïs Loubère, Fondatrice
Experte en social media, Anaïs Loubère a fondé l’agence Digital Pipelettes en 2016. Depuis, elle accompagne les marques dans leur stratégie de communication social media, avec une approche créative et engagée. Elle intervient également comme conférencière sur les enjeux du numérique et des réseaux sociaux.