Vente de produits illicites, mécaniques addictives : Temu est dans le viseur de l’UE

Temu est dans l’œil du cyclone. Dans un communiqué diffusé ce jeudi 31 octobre 2024, la Commission européenne a annoncé l’ouverture d’une procédure formelle à l’encontre du géant chinois du e-commerce, réputé pour sa stratégie agressive et ses prix cassés, qu’elle suspecte d’enfreindre la législation sur les marchés numériques (DSA). L’enquête de Bruxelles visera notamment à déterminer si Temu prend les mesures appropriées pour lutter contre la vente de produits illicites.

Temu, une plateforme particulièrement surveillée

L’ouverture d’une enquête formelle n’a rien de surprenant. Le fonctionnement de Temu, qui comptait 92 millions d’utilisateurs mensuels dans l’Union européenne en septembre 2024, est scruté depuis plusieurs mois. Souvent accusée d’un manque de rigueur dans le contrôle de la qualité des produits, ainsi que dans la vérification de l’identité des vendeurs, la plateforme a aussi été épinglée par l’association UFC-Que-Choisir, en juin, pour son recours répété aux dark patterns : ces procédés manipulatoires visant à altérer le jugement des consommateurs. Le site de e-commerce chinois était notamment accusé d’afficher des prix barrés ou des compteurs de temps pour inciter à l’achat.

Le 28 juin 2024, l’exécutif européen s’est officiellement saisi du dossier en adressant à Temu, ainsi qu’à Shein, une première demande formelle visant à éclaircir certaines zones d’ombres, notamment concernant l’utilisation de dark patterns ou les dispositifs permettant d’identifier les produits illicites. Le 11 octobre 2024, la Commission européenne a adressé une seconde requête au site de e-commerce chinois afin d’obtenir plus d’informations « sur les mesures adoptées pour atténuer le risque de diffusion de produits illégaux, ainsi que les risques liés à la protection des consommateurs, à la santé publique et au bien-être des utilisateurs », rappelle le communiqué.

Quelles sont les infractions présumées de Temu au DSA ?

Les explications fournies par la plateforme n’ont, semble-t-il, pas convaincu la Commission européenne. Dans son communiqué, Bruxelles explique que l’enquête, qui pourrait durer plusieurs semaines, visera notamment à évaluer :

• Les systèmes de lutte contre la vente de produits illicites : l’enquête vérifiera si Temu prend les mesures nécessaires pour « limiter la réapparition de commerçants malhonnêtes (…) et de produits non conformes » aux normes de l’UE, comme des contrefaçons.
• Les risques liés à la conception addictive du service : les programmes de récompenses de Temu seront étudiés par la Commission européenne, tout comme ses « systèmes mis en place pour atténuer les risques découlant d’une telle conception addictive ».
• Les outils de recommandation : Bruxelles s’attachera à évaluer si Temu divulgue « les principaux paramètres utilisés dans [ses] systèmes de recommandations » et fournit une option permettant à ses utilisateurs d’éviter le profilage.
• L’accessibilité des données : l’enquête doit déterminer si Temu, à l’instar d’autres plateformes soumises au DSA, permet aux chercheurs d’accéder facilement à ses données.

En cas de manquements avérés, Temu s’expose à une amende pouvant atteindre jusqu’à 6 % de son chiffre d’affaires. En France, 22 % des colis distribués par La Poste ont été achetés sur les plateformes Temu et Shein. Selon la Fevad, Temu est le septième site de e-commerce le plus visité en France, avec plus de 15 millions de visiteurs uniques moyens par mois.