Utiliser des photos générées par IA pour illustrer un article : c’est légal, ça ?
Les générateurs d’image par IA ont largement démocratisé la création visuelle. Mais l’utilisation de ce type de contenu pour illustrer un article ou un post sur les réseaux sociaux est-il conforme à la loi ?

Certaines pratiques numériques courantes restent juridiquement ambiguës pour les non-initiés. Entre usages bien ancrés, zones grises du droit et récentes évolutions réglementaires, il est difficile de savoir précisément ce qui est autorisé, toléré ou interdit. Pour y voir plus clair, BDM publie une série d’articles qui explorent la légalité de ces pratiques, avec l’éclairage d’avocats spécialisés en droit du numérique et en propriété intellectuelle.
Aujourd’hui, nous nous intéressons à la question suivante : est-il légal d’utiliser des photos générées par intelligence artificielle pour illustrer un article ou une publication sur les réseaux sociaux ?
Pour y répondre, nous avons bénéficié de la contribution de Maître Jérôme Giusti, du cabinet Metalaw, et de Maître Yann-Maël Larher, du cabinet YML Avocat.

Jérôme Giusti, Avocat spécialisé en innovation et numérique
Jérôme Giusti est avocat au barreau de Paris, spécialisé en propriété intellectuelle et en droit du numérique. Engagé sur les questions d’innovation responsable, il codirige également l’Observatoire justice de la Fondation Jean Jaurès.

Yann-Maël Larher, Avocat en droit du travail et du numérique
Yann-Maël Larher est avocat au Barreau de Paris, docteur en Droit, spécialisé en droit du travail, droit du numérique et cybersécurité. Il conseille entreprises et collectivités sur l’impact des technologies sur le travail. Il est également membre du Conseil d’Administration de l’Association Française des Docteurs en Droit (AFDD).
Les images générées par IA envahissent le web
Les générateurs d’images par intelligence artificielle, comme Midjourney, DALL·E ou le générateur intégré à ChatGPT, permettent aujourd’hui de créer des visuels à la demande, à partir d’une simple description textuelle. En quelques secondes, n’importe qui peut obtenir une image réaliste, artistique ou totalement fantaisiste. Et surtout, la qualité de ces outils ne cesse de progresser, à tel point que certains médias se sont aventurés sur ce chemin pour illustrer leurs contenus.
Sans surprise, ces nouvelles pratiques entraînent avec elles leur lot de questionnements, aussi bien politiques (que deviennent les métiers de l’image face à ces outils automatisés et gratuits ?) que juridiques (sur quoi se fondent ces IA pour créer leurs images ?). Car, derrière ces générateurs, se cachent d’immenses bases de données, souvent nourries d’œuvres existantes, généralement sans l’accord de leurs auteurs. En témoigne la récente polémique sur la reproduction du « Style Ghibli » par le générateur d’images de ChatGPT, jugée fascinante pour les uns, usurpatoire pour les autres. Mais dans quelle mesure cette pratique est-elle réellement conforme au droit ?
Illustrer son article grâce à l’IA : une pratique légale, sous conditions
« Il est légal d’utiliser une image générée par une IA comme Midjourney ou DALL·E pour illustrer un contenu », explique Maître Jérôme Giusti. Mais quelques précautions s’imposent. Par exemple, « l’utilisation d’une image générée par IA peut poser des difficultés si celle-ci intègre, même de façon partielle, des éléments issus d’œuvres préexistantes protégées par le droit d’auteur, sans autorisation », prévient Maître Yann-Maël Larher.
Disney et NBC Universal ont récemment attaqué Midjourney « qui génère à l’infini des copies non autorisées de travaux » comme Dark Vador ou les Minions, illustre Maître Larher.
Les contenus protégés incluent notamment les photographies, les œuvres d’art ou les portraits de personnes réelles. Sur ce dernier point, Yann-Maël Larher rappelle que « l’article 226-8 du Code pénal punit d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende au plus le fait de publier un montage réalisé avec les paroles ou l’image d’une personne sans son consentement, à moins qu’il n’apparaisse à l’évidence qu’il s’agit d’un montage ou qu’il n’en soit expressément fait mention ».
Enfin, Maître Giusti souligne qu’« en cas de large diffusion, le règlement européen sur l’IA impose d’informer clairement le public que l’image a été créée par une IA ». Autrement dit, la pratique est légale, mais encore faut-il l’assumer !
Image générée par IA : peut-on revendiquer la propriété intellectuelle ?
Dans le cas d’une création ne reprenant aucun élément protégé par le droit d’auteur — donc sans reproduction de personnages, d’œuvres ou de personnes identifiables — est-il possible de revendiquer un droit d’auteur ? Sur ce type de contenu, Jérôme Giusti est formel : « ces images ne sont pas protégées par le droit d’auteur, car elles ne répondent pas au critère d’originalité ». En effet, la création n’est pas considérée comme le fruit d’une démarche créative humaine, mais comme le résultat d’un processus automatisé.
L’utilisation de ces images n’est pas non plus totalement libre, car elle peut être encadrée par les conditions générales d’utilisation des outils. « Les outils génératifs comme Midjourney ou DALL·E imposent leurs propres conditions d’utilisation, qui peuvent prévoir des restrictions sur l’exploitation commerciale ou publique des images générées », précise Maître Yann-Maël Larher.
Autre point à prendre en compte : les plateformes se réservent souvent des droits étendus sur les contenus générés. Google, par exemple, indique dans ses conditions d’utilisation que l’utilisateur conserve ses droits de propriété intellectuelle, mais accorde à la plateforme une licence mondiale pour utiliser, héberger, reproduire, modifier ou encore créer des œuvres dérivées à partir du contenu fourni. « Ce type de clause peut soulever des risques de réutilisation technique ou algorithmique, même si vous conservez théoriquement le contrôle », ajoute Maître Larher.