Utiliser des memes dans sa stratégie social media : c’est légal, ça ?
Les memes sont légion sur Internet et les réseaux sociaux. Mais les marques ont-elles vraiment le droit de les utiliser en toute légalité ?

Certaines pratiques numériques courantes restent juridiquement ambiguës pour les non-initiés. Entre usages bien ancrés, zones grises du droit et récentes évolutions réglementaires, il est difficile de savoir précisément ce qui est autorisé, toléré ou interdit. Pour y voir plus clair, BDM publie une série d’articles qui explorent la légalité de ces pratiques, avec l’éclairage d’avocats spécialisés en droit du numérique et en propriété intellectuelle.
Les memes font désormais partie intégrante du paysage social media. De la Disaster Girl au Grumpy Cat en passant par Chill Guy, ces contenus viraux se veulent particulièrement efficaces pour communiquer sur le ton de l’humour et renforcer le capital sympathie des marques qui s’en emparent. Mais, derrière ces contenus légers se cache une question juridique de taille : a-t-on vraiment le droit de les utiliser librement ? Pour y répondre, nous avons bénéficié d’expertise de Maître Yann-Maël Larher, du cabinet YML Avocat, et de Maître Jérôme Giusti, du cabinet Metalaw.
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Usage des memes : un cadre juridique strict en France
En France, le cadre légal qui entoure les memes (que ce soit des images, des GIF ou des extraits de vidéos) est relativement strict. Deux concepts juridiques s’appliquent : le droit d’auteur, inscrit dans le Code de la propriété intellectuelle, et le droit à l’image qui s’inscrit dans le cadre plus large du droit au respect de la vie privée (Article 9 du Code civil).
- Le droit d’auteur : Maître Lahrer explique que « toute œuvre originale (film, photo, vidéo, son, même un GIF) est protégée pendant 70 ans après la mort de l’auteur. Utiliser une partie même courte sans autorisation est une contrefaçon, sauf si une exception s’applique ». Par conséquent, créer et/ou diffuser un meme issu d’une œuvre originale est soumis à l’accord préalable de son auteur.
- Le droit à l’image : si un meme montre une personne identifiable dans un lieu privé ou public, il faut également l’accord de cette personne pour pouvoir diffuser le visuel.
En pratique, la culture du meme s’est d’abord imposée aux États-Unis, où le cadre juridique, basé sur la notion fair use, offre une plus grande souplesse pour la réutilisation de contenus protégés. Devenus viraux sur les réseaux sociaux et diffusés à l’échelle mondiale, ces contenus humoristiques ont progressivement bénéficié d’une forme de tolérance implicite, bien que juridiquement, ces usages puissent être contestés au regard du droit français.
En pratique, beaucoup d’usages passent sous silence faute de réaction des ayants droit, indique Maître Lahrer.
Mais cette tolérance relative ne protège pas de tout. En 2021, France Télévisions a ainsi été condamné pour avoir diffusé, sans autorisation, une séquence montrant un homme, Jean-Marc Dutouya, en sous-vêtement et armé d’une pelle. Une séquence devenue virale, transformée en meme, et reprise de nombreuses fois sur les réseaux sociaux et dans des médias. Le tribunal a retenu l’atteinte au droit à l’image et a condamné France Télévisions à verser 10 000 € de dommages et intérêts. À noter toutefois que les nombreux internautes ayant détourné l’image de Jean-Marc Dutouya sous forme de meme n’ont, eux, pas fait l’objet de poursuites.
L’exception pour l’usage de memes : le droit à la parodie
Sur le territoire français, le Code de la propriété intellectuelle prévoit une exception au droit d’auteur : le droit à la parodie (article L.122-5 4° du Code de la propriété intellectuelle). « L’exception de parodie peut s’appliquer si le meme détourne l’œuvre elle-même dans un but humoristique » explique Maître Giusti. En effet, pour être reconnue juridiquement, une parodie doit détourner l’œuvre d’origine de manière humoristique ou critique, sans créer de confusion avec l’œuvre initiale, ni porter atteinte à l’auteur ou à la personne représentée.
Or, la plupart des memes servent simplement à illustrer ou commenter une situation extérieure comme un fait d’actualité, par exemple, complète Maître Giusti.
Dans le cas des memes, cette exception peut donc s’appliquer, à condition que le détournement soit suffisamment clair, assumé et indépendant de l’intention commerciale. Mais en pratique, la frontière entre humour, moquerie et atteinte reste particulièrement floue et jugée au cas par cas. C’est aussi pourquoi « certaines plateformes (TikTok, Instagram…) ont passé des accords de licence avec des majors (musique, vidéos), ce qui peut couvrir partiellement certains usages » explique Maître Lahrer.

Jérôme Giusti, Avocat spécialisé en innovation et numérique
Jérôme Giusti est avocat au barreau de Paris, spécialisé en propriété intellectuelle et en droit du numérique. Engagé sur les questions d’innovation responsable, il codirige également l’Observatoire justice de la Fondation Jean Jaurès.

Yann-Maël Larher, Avocat en droit du travail et du numérique
Yann-Maël Larher est avocat au Barreau de Paris, docteur en Droit, spécialisé en droit du travail, droit du numérique et cybersécurité. Il conseille entreprises et collectivités sur l’impact des technologies sur le travail. Il est également membre du Conseil d’Administration de l’Association Française des Docteurs en Droit (AFDD).
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