Uberisation : la cour de cassation reconnaît le statut de salarié d’un livreur à vélo

Les dérives de l’uberisation touchent-elles à leur fin ? La cour de cassation a en effet reconnu dans un arrêt rendu le 28 novembre l’existence d’un lien de subordination entre la société Take Eat Easy et un livreur de la plateforme, provoquant ainsi la requalification du contrat de prestation en contrat de travail.

Une première saisie de la justice en 2016

En 2016, un homme postule à une offre de Take Eat Easy, plateforme de mise en relation entre restaurateurs partenaires et clients, et effectue les démarches d’inscription au statut d’auto-entrepreneur afin de conclure un contrat de prestation de service avec la société.

Quelques mois plus tard, le livreur saisit le conseil des prud’hommes afin de faire requalifier son contrat en contrat de travail. « Le conseil de prud’hommes puis la cour d’appel s’étaient déclarés incompétents pour juger cette demande, explique la cour de cassation dans sa note explicative. La liquidation judiciaire de la société Take Eat Easy avait été prononcée entre temps, et le liquidateur avait refusé d’inscrire au passif de la liquidation les demandes du coursier en paiement des courses effectuées. »

La Cour de cassation reconnaît un lien de subordination

Pour requalifier un contrat de prestation de services en un contrat de travail, le livreur avait pourtant prouvé l’existence d’un lien de subordination entre lui et la société. Take Eat Easy avait en effet fait usage d’un système de géolocalisation pour suivre en temps réel la progression de chaque course, mais avait également instauré un système de points et de pénalisation en cas de manquement à certaines de ses règles. Les livreurs pouvaient ainsi recevoir des « strikes », c’est-à-dire des pénalités pour diverses raisons :

  • un « strike » en cas de désinscription tardive d’un « shift »— créneau horaire de travail préréservé (inférieur à 48 heures), de connexion partielle au « shift » (en-dessous de 80 % du « shift »), d’absence de réponse à son téléphone pendant le « shift », d’incapacité de réparer une crevaison, de refus de faire une livraison »;
  • « deux « strikes » en cas de « No-show » (inscrit à un « shift » mais non connecté) »;
  • « trois « strikes » en cas d’insulte du « support » ou d’un client, de conservation des coordonnées de client, de tout autre comportement grave.
Crédits photo : iStock / nrqemi
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Le cumul de pénalités pouvait ainsi mener à une perte de bonus, à une convocation du livreur au bout de 3 « strikes » et à la désactivation de son compte une fois les 4 « strikes » atteints.

La cour de cassation annule la décision de la cour d’appel

« Le salarié est celui qui accomplit un travail sous un lien de subordination, celui-ci étant caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné« , indique très précisément la cour de cassation.

La haute juridiction a ainsi annulé la décision de la cour d’appel de Paris, rendue le 20 avril 2017, qui avait rejeté la demande de requalification du contrat « aux motifs que le coursier n’était lié à la plate-forme numérique par aucun lien d’exclusivité ou de non-concurrence et qu’il restait libre chaque semaine de déterminer lui-même les plages horaires au cours desquelles il souhaitait travailler ou de n’en sélectionner aucune s’il ne souhaitait pas travailler. »

La cour de cassation ayant cassé le jugement de la cour d’appel de Paris, celle-ci devra à nouveau juger l’affaire. Si elle se déclare en faveur du livreur, cette affaire fera jurisprudence et remettra en question le modèle de recrutement des plateformes telles que Deliveroo ou Uber Eats.

A noter qu’une décision similaire a également été rendue par le tribunal de Valence concernant le contrat d’un livreur Deliveroo. La société fait par ailleurs l’objet d’une enquête judiciaire menée par le Parquet de Paris, soupçonnée de « travail dissimulé ».

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