Telegram face à de nouveaux défis : coopérer ou disparaître ?
L’arrestation du PDG de Telegram, Pavel Durov, en France, a déclenché un tournant pour la modération de la plateforme et ses relations avec les autorités.
Le 24 août 2024, le PDG de Telegram, Pavel Durov, était arrêté en France à son arrivée à l’aéroport du Bourget. Cette interpellation a suscité de vives réactions dans l’univers des réseaux sociaux et de la tech, mettant en lumière des problématiques de modération sur la plateforme. Depuis, des changements discrets mais significatifs ont été observés au sein de Telegram, jusque-là réputée pour sa faible coopération avec les autorités et sa politique de confidentialité stricte.
Telegram face à une nouvelle réalité : la coopération forcée ?
Avant l’arrestation de Pavel Durov, Telegram se distinguait par son refus de répondre aux réquisitions judiciaires, sauf pour les affaires liées au terrorisme. Pourtant, comme l’ont confirmé plusieurs sources judiciaires au Monde, l’arrestation de son cofondateur a entraîné un revirement de cette politique. En effet, peu de temps après son interpellation, Telegram a fourni des informations à la justice française dans des enquêtes concernant des faits de pédocriminalité, un geste inédit pour l’entreprise basée aux Émirats arabes unis.
Les autorités françaises n’ont pas été pas les seules à remarquer ce changement. La Belgique a également constaté une coopération accrue de Telegram dans des affaires similaires. Ce revirement soudain, confirmé par le parquet fédéral belge, marque un tournant pour une entreprise qui avait bâti sa réputation sur l’anonymat et la confidentialité de ses utilisateurs. En revanche, d’autres pays, comme l’Allemagne ou le Canada, n’ont pas encore vu d’évolution majeure dans les relations avec la plateforme. Il reste donc à voir si cette ouverture restera limitée à certaines juridictions, si elle se généralisera, ou si elle n’est qu’une manière pour la plateforme de donner du grain à moudre à des autorités étatiques irritées.
Un dilemme entre confidentialité et modération
L’un des principaux reproches faits à Telegram est son manque de modération. L’application, avec près d’un milliard d’utilisateurs, permet une large diffusion de contenus illégaux, de la vente d’armes aux faux billets, en passant par la drogue et les images pédopornographiques. Si Pavel Durov, dans un message publié sur Telegram le 5 septembre, a insisté sur le fait que la plateforme modérait des « millions de messages et de chaînes nuisibles chaque jour », une simple recherche sur l’application permet encore de trouver ces contenus facilement.
Utiliser des lois datant de l’ère pré-smartphone pour accuser un PDG de crimes commis par des tiers sur la plateforme qu’il gère est une approche erronée, juge Pavel Durov, CEO de Telegram.
Pavel Durov, tout en dénonçant les accusations de la France, les qualifiant de « surprenantes » et « erronées », a reconnu que la croissance rapide de Telegram avait permis à certains utilisateurs de détourner l’usage de la plateforme. Il a promis des améliorations à ce sujet, affirmant qu’il s’agissait désormais d’un « objectif personnel » de veiller à ce que Telegram renforce ses efforts en matière de modération. Toutefois, ce revirement est perçu par certains comme une réponse directe aux pressions légales, plus qu’un réel changement de vision pour la plateforme.
Un avenir incertain pour Telegram et les messageries cryptées ?
L’arrestation de Pavel Durov pourrait néanmoins être un tournant pour la plateforme. Alors que Telegram se présente comme un bastion de la liberté d’expression et de la vie privée, l’évolution des régulations et les pressions gouvernementales pourraient contraindre l’entreprise à ajuster son approche. Pavel Durov lui-même a laissé entendre que, si Telegram ne parvenait pas à trouver un « bon équilibre entre vie privée et sécurité » avec les régulateurs, la plateforme serait prête à quitter certains pays.
Parallèlement, depuis le déclenchement de l’affaire et certains premiers efforts de coopération, plusieurs groupes liés à des activités illégales ont commencé à quitter l’application pour migrer vers des plateformes qu’ils pourraient désormais considérer comme plus sûres, telles que Signal, voire WhatsApp. Certains canaux de vente de drogues ou de faux papiers ont en effet annoncé leur retrait de l’application, craignant une surveillance accrue.
Des conséquences potentiellement graves pour Pavel Durov
Pour Pavel Durov, cette affaire pourrait avoir des conséquences bien au-delà de la gestion de Telegram. Mis en examen pour plusieurs chefs d’accusation, dont le « refus de collaborer avec les autorités » et la « facilitation de la diffusion de contenus illégaux », il fait face à des peines potentielles lourdes. Selon certaines sources judiciaires citées par Le Monde, les charges retenues contre lui pourraient entraîner jusqu’à 20 ans de prison. Actuellement sous contrôle judiciaire, le cofondateur de Telegram est contraint de rester en France, de verser une caution de 5 millions d’euros et de se présenter deux fois par semaine au commissariat.
Mais cette affaire soulève des questions plus larges sur l’avenir des plateformes cryptées. Avec des régulations européennes de plus en plus strictes sur la diffusion de contenus illicites et une pression croissante pour plus de transparence, Telegram et d’autres messageries sécurisées sont à un moment charnière. Le refus de coopérer pourrait nuire à leur réputation, tandis qu’une coopération accrue avec les autorités pourrait éloigner une partie de leurs utilisateurs.
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