Superhuman, l’application bien trop curieuse qui relance le débat sur l’éthique dans la tech

Envoyez un email, cette application vous indiquera quand votre email a été lu ; et surtout, où il a été lu. L’application relance le débat sur l’éthique dans la tech.

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Cet email a été lu 9 fois, en Californie, aux Pays-Bas, en Floride et dans le Missouri. Crédits : Mike Davidson.

L’application qui délivrait des accusés de réception géolocalisés

Superhuman est l’appli du moment aux USA. C’est un client mail à 30 dollars par mois, accessible sur invitation uniquement. Il propose de nombreuses caractéristiques : une belle interface, rapide, la possibilité d’annuler l’envoi d’un email, de planifier un envoi, de trier facilement ses emails… Et surtout : lorsque votre interlocuteur ouvre votre email, vous recevez une notification et visualisez le lieu depuis lequel le mail a été lu.

Une polémique qui relance le débat de l’éthique dans la tech

Mike Davidson, ex-VP of design de Twitter, a publié un blogpost complet à ce sujet. Il dénonce, à raison, les problématiques que posent cette fonctionnalité trop intrusive. À noter que les accusés de réception étaient activés par défaut pour tous les utilisateurs ; depuis la polémique, son fondateur a réagi en supprimant le tracking géolocalisé et en désactivant, par défaut, les accusés de réception. Mais cette affaire a entaché la réputation de la startup, tout en relançant le débat de l’éthique dans la tech ; en mettant en lumière des pratiques que la grande majorité des internautes ne maîtrisent pas.

La puissance des pixels de tracking

Pour obtenir ces accusés de réception, Superhuman utilise des pixels de tracking. Il s’agit de petites images, invisibles (transparentes, 1x1px), intégrées dans les emails. Lorsque vous téléchargez les images, vous effectuez une requête sur un serveur de Superhuman. Cette requête permet de s’assurer qu’un email a été ouvert ; et votre adresse IP permet de vous géolocaliser. Vous vous demandez à quel point cette technique est précise ? Allez sur IPinfo et regardez les informations de géolocalisation qu’on peut récupérer…

L’IP permet de géolocaliser précisément les utilisateurs. Crédits : capture du site IPinfo.

Ce type de dispositif est à la fois puissant et limité : si vous n’activez pas les images sur votre messagerie, le serveur n’est pas contacté et le client mail n’est pas en mesure de savoir que l’email a été ouvert. D’autres services mails fonctionnent sur ce principe, mais nous n’avions pas encore vu de géolocalisation associée.

Le consentement des interlocuteurs, on en parle ?

L’une des problématiques de cette affaire est le consentement des interlocuteurs. Votre client mail vous demande simplement si vous souhaitez afficher des images et la très, très grande majorité des utilisateurs ne sait pas qu’il peut être pisté en chargeant simplement des images. Le consentement des utilisateurs n’est clairement pas obtenu, ni pour les accusés de réception, ni pour la géolocalisation.

Rappelons que le RGPD s’applique à l’ensemble des entreprises qui traitent des données personnelles de citoyens européens et on peut légitimement supposer que des Européens ont reçu des emails envoyés par Superhuman. La bonne nouvelle est la suivante : certains ont peut-être été protégés. Ceux qui utilisent un VPN, et ceux qui utilisent une messagerie qui fait passer les requêtes liées aux images par ses propres serveurs proxy (c’est le cas de Gmail notamment, selon TheVerge).

La responsabilité repose sur les professionnels du numérique

Cette affaire permet d’évoquer les pixels de tracking, largement utilisés sur le web pour suivre la navigation des internautes : Facebook, Google, Amazon et bien d’autres incitent les éditeurs à les intégrer sur leurs sites, pour optimiser les performances publicitaires. Les utilisateurs sont rarement informés clairement et ils ont rarement le choix, malgré l’entrée en vigueur du RGPD le 25 mai 2018.

La majorité des internautes n’entendra sans doute jamais parler de Superhuman et des pixels de tracking. La technologie va continuer à s’améliorer et élargir le champ des possibles. Il est donc de notre responsabilité, à nous, professionnels du web, d’assimiler le fait que ce n’est pas parce qu’on peut qu’on doit. Les intérêts de l’ensemble des personnes doit être pris en compte, l’éthique doit rester un élément immuable, les dark patterns doivent être combattus. Et comme le montre le cas Superhuman, de toute façon, ce type de pratique se retourne généralement contre ses initiateurs…

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