« Subscription fatigue » : le business model par abonnement est-il victime de son succès ?
Alors qu’Apple s’apprête à lancer son service de streaming par abonnement, une étude Deloitte décrypte les paradoxes de ce business model.
Un business model apprécié par les entreprises
En quelques années, la distribution des services a opéré une mue intéressante. L’achat unique a laissé place aux abonnements récurrents. La popularité des services par abonnement à reconduction tacite, symbolisés par Netflix, n’est plus à démontrer. Ce business model est efficace car il réduit les frictions et minimise les interrogations des consommateurs. Avant de s’abonner, ils se posent les mêmes questions qu’à l’occasion de l’achat d’un produit : ils comparent l’intérêt du service à son prix. Une fois abonnés, la reconduction mensuelle passe généralement comme une lettre à la Poste auprès des consommateurs. Ils n’ont pas à estimer l’intérêt d’un achat à chaque produit consommé, qu’il s’agisse d’un film, d’une série ou d’un album de musique. Ils souscrivent une fois, puis consomment et reconduisent tous les mois sans se poser de question.
Ce business model, qui n’est pas si récent, est particulièrement populaire dans le divertissement, pour les événements sportifs (Canal+, BeIn Sport…), les séries et les films (Netflix, OCS, HBO, Canal+…). Les entreprises du numérique apprécient également la vente de services par abonnement, comme Google (G Suite), Microsoft (365) ou Adobe (Creative Cloud).
Le streaming vidéo et musical en plein essor
La treizième édition de l’étude Digital media trends de Deloitte fait justement le point sur la consommation des médias aux USA. On apprend notamment que pour la première fois, les abonnés à des offres en streaming (69%) sont plus nombreux que ceux ayant opté pour une chaîne de télévision payante (65%) Certains points sont plutôt favorables à l’industrie du divertissement :
- 43% des consommateurs ont à la fois un abonnement TV et streaming.
- 52% des personnes de la génération X (36-52 ans) sont dans ce cas.
- En moyenne, les abonnés souscrivent à 3 abonnements de streaming vidéo.
- 41% des répondants sont abonnés à un service de streaming musical.
- 60% des personnes de la génération Z (14-21 ans) sont dans ce cas.
La souscription à des abonnements pour consommer des médias s’est clairement imposée en quelques années. Les jeunes générations apprécient ce mode de consommation, basé sur la location plutôt que sur le titre de propriété, mais pas seulement : les représentants de la génération X, plus âgés mais également plus fortunés, sont de grands consommateurs d’abonnements TV et streaming.
La multiplicité des acteurs ne facilite pas la tâche des consommateurs
Certains points de l’étude sont en revanche plus négatifs. Voici les principaux points de friction relevés par Deloitte.
- Des publicités trop nombreuses : les consommateurs sont critiques envers les chaînes TV payantes qui diffusent de la publicité. Elles proposent, en moyenne, 20 minutes de publicité par heure ; selon les abonnés, 8 minutes de publicité par heure correspond à une proportion acceptable.
- Des contenus qui disparaissent : 57% des abonnés déclarent que des séries ou des films qu’ils apprécient disparaissent des plateformes de streaming. De plus en plus de studios retirent leurs contenus des plateformes pour lancer leurs propres services propriétaires, ce qui diminue l’intérêt de chaque inventaire.
- Des services de plus en plus nombreux : cette quête d’indépendance des studios et la montée en puissance de nouveaux acteurs poussent les consommateurs à opter pour plusieurs services s’ils souhaitent accéder à l’ensemble de leurs contenus préférés. 48% des répondants déclarent qu’il est difficile de s’y retrouver et 47% sont frustrés du nombre grandissant d’abonnements pour lesquels opter.
- Les données personnelles en question : les consommateurs transmettent de nombreuses données pour chaque abonnement (identité, données bancaires, habitudes de consommation…). La multiplicité des acteurs et des données recueillies fait craindre aux utilisateurs de potentielles fuites de données personnelles.
Le business model de l’abonnement a de nombreuses vertus pour les entreprises. À l’origine, les créateurs de contenus ont délégué la distribution à des plateformes spécialisées, moyennant des commissions relativement élevées. Ils se réapproprient aujourd’hui cette distribution, en lançant leurs propres plateformes propriétaires, tandis que d’autres acteurs tentent d’intégrer ce marché fructueux. Mais celui-ci n’est pas extensible à l’infini. Les consommateurs commencent à ressentir de la « subscription fatigue », de la lassitude face aux abonnements qui se multiplient (Kevin Westcott, vice chairman and U.S. Telecom and Media and Entertainment leader, Deloitte LLP).
C’est dans ce contexte ambigu qu’Apple annoncera ce soir ses nouveaux produits, lors de sa conférence It’s show time : on s’attend à une plateforme vidéo par abonnement (Netflix killer) et la souscription à des centaines de titres de presse via son service Apple News.