Signer un article rédigé par ChatGPT : c’est légal, ça ?

L’adoption massive des IA génératives a eu pour conséquence la prolifération de contenus générés par IA. Mais peut-on revendiquer la paternité d’un texte dont ChatGPT est le vrai auteur ?

ChatGPT Humain BDM
La loi n'interdit pas de signer un article pour lequel vous avez utilisé ChatGPT, mais vous êtes responsable du contenu. © mayucolor - stock.adobe.com

Certaines pratiques numériques courantes restent juridiquement ambiguës pour les non-initiés. Entre usages bien ancrés, zones grises du droit et récentes évolutions réglementaires, il est difficile de savoir précisément ce qui est autorisé, toléré ou interdit. Pour y voir plus clair, BDM publie une série d’articles qui explorent la légalité de ces pratiques, avec l’éclairage d’avocats spécialisés en droit du numérique et en propriété intellectuelle.

Dans cet article, nous nous intéressons à la publication d’un texte ou d’un article rédigé par ou à l’aide de ChatGPT, mais signé par un auteur humain. Dans quelle mesure cette pratique est-elle légale ? Pour répondre à cette question, BDM a bénéficié de la contribution de Maître Alan Walter, du cabinet Walter Billet Avocats, et de Maître Jérôme Giusti, du cabinet Metalaw.

ChatGPT, le rédacteur le plus prolifique du web

Avec la montée en puissance des IA génératives, la rédaction de contenus est devenue plus rapide et plus accessible. ChatGPT peut fournir, en quelques secondes, un texte structuré, prêt à être publié ou légèrement retravaillé. Et force est de constater que presque tous les médias ont désormais, de manière institutionnalisée ou non, recours à l’IA générative dans la création de leurs contenus, que ce soit pour la recherche d’information, pour la rédaction et la reformulation de texte ou la relecture de ces derniers. Seule subsiste la question du degré d’utilisation : certains rédacteurs ou journalistes ont recours à l’IA à la marge, pour perfectionner un contenu, quand d’autres lui délèguent la quasi-totalité de la rédaction.

Dans la pratique, ces contenus se retrouvent souvent publiés sous la signature d’un auteur humain, qu’il s’agisse d’un salarié ou d’un expert. Cette attribution vise à donner de la crédibilité au texte et à l’inscrire dans une logique traditionnelle de publication.

Outre la dimension morale, cette approche soulève une question juridique : peut-on réellement se déclarer auteur d’un texte généré par une IA ?

ChatGPT ne peut être crédité comme auteur

En droit français, une œuvre ne peut être créée que par une personne physique. L’article L121-1 du Code de la propriété intellectuelle précise que « l’auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son œuvre ». Dès lors, « une intelligence artificielle ne peut être reconnue comme étant auteur d’une œuvre et ne peut voir ses productions écrites protégées par des droits d’auteur », explique Alan Walter.

Lorsqu’un contenu est généré par ChatGPT, il ne possède donc pas en lui-même de statut juridique clair. Par défaut, il peut être ainsi publié sans auteur. Pour autant, l’humain qui l’utilise peut en revendiquer la paternité, à condition d’apporter une contribution créative suffisante : réécriture, sélection d’éléments, structuration ou enrichissement. « Un texte purement généré par IA n’est pas protégé, sauf si l’auteur humain apporte une contribution significative dans la réécriture du texte », confirme Jérôme Giusti.

Si l’IA n’admet aucun droit d’auteur pour ses créations, alors l’humain signataire de l’article, utilisant l’IA pour générer du contenu, pourrait être considéré comme l’auteur, à condition qu’il apporte une contribution créative suffisante, ajoute Maître Walter.

Toutefois, les sociétés d’IA peuvent intégrer leurs propres conditions. « Si l’entreprise qui a conçu l’IA se réserve des droits d’auteur sur les créations de l’IA, alors, la reproduction d’un article créé par celle-ci sera sanctionnée comme si elle était celle d’un article humain », prévient Alan Walter. Jérôme Giusti rappelle également que « certaines chartes déontologiques de journaux recommandent » de signaler l’usage de l’IA lors de la publication d’un texte.

Texte rédigé par IA : l’auteur engage sa responsabilité

Concrètement, un auteur ne prend donc aucun risque juridique en signant un texte généré par ChatGPT. Du moins, en termes de propriété intellectuelle. En effet, si vous pouvez revendiquer la paternité de l’œuvre, vous devez également en assumer les responsabilités. « En cas de contenu erroné ou diffamatoire, la responsabilité juridique incombe au directeur de publication et à défaut au journaliste, pas à l’outil d’IA », indique Jérôme Giusti. En somme, les règles qui s’appliquent sont les mêmes que pour un contenu rédigé par un humain.

Être considéré comme auteur implique que l’humain qui s’approprie le contenu créé par une IA sera tenu responsable si le contenu est inexact, illicite, fallacieux ou diffamatoire. Par conséquent, si l’IA plagie un ouvrage protégé par des droits d’auteur et qu’un humain signe la création de l’article, il sera lui-même tenu responsable de ce plagiat, complète Maître Alan Walter.

La vérification attentive des informations reste donc indispensable, surtout au regard de la difficulté de ChatGPT à corriger ses hallucinations

Picture of Jérôme Giusti

Jérôme Giusti, Avocat spécialisé en innovation et numérique

Jérôme Giusti est avocat au barreau de Paris, spécialisé en propriété intellectuelle et en droit du numérique. Engagé sur les questions d’innovation responsable, il codirige également l’Observatoire justice de la Fondation Jean Jaurès.

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Alan Walter, Avocat chez Walter Billet Avocats

Avocat au Barreau de Paris depuis 2006, Alan Walter a exercé son activité au sein de plusieurs cabinets spécialisés en nouvelles technologies, comme Alain Bensoussan Avocats et Kahn & Associés, avant de cofonder son propre cabinet en 2015. Il intervient également à Télécom Paris et l’université Paris-Nanterre.

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