Roxanne Varza : « une start-up avec de bons chiffres n’est plus suffisant en soi, ce sont ses valeurs qui déterminent son succès »

Roxanne Varza exprime dans cette interview l’importance que Station F accorde aux valeurs des start-ups qu’elle accueille.

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Roxanne Varza, directrice de Station F, le plus grand campus de start-ups du monde, a fait une intervention remarquée sur la scène du Web2day. Prenant à contre-pieds les considérations habituelles sur la croissance des start-ups, elle affirmait la place centrale des valeurs dans leur développement et leurs perspectives. Le chiffre d’affaires ne peut pas se suffire à lui-même si on souhaite développer un projet de manière durable. Nous l’avons interviewé pour en savoir plus sur ce sujet et sur la place que Station F accorde aux valeurs chez les start-ups qu’elle accueille.

Pour commencer, où en est Station F, en termes de chiffres ?

Nous arrivons sur la fin de la deuxième année, nous aurons donc des choses à annoncer dans les prochaines semaines. Comme nous l’avions prévu dès le projet initial, nous accueillons 1 000 start-ups. 11 000 projets avaient candidaté la première année ! Nous avons donc eu le luxe de choisir les dossiers auxquels nous adhérions. Certains rachats ont déjà été annoncés, et plus de 230 levées de fonds ont été faites lors de notre première année. Maintenant que ce travail de fond a été fourni et que la structure tourne à plein régime, nous avons fait le choix de nous concentrer sur les valeurs portées par les start-ups candidates, qui sont désormais un critère d’entrée obligé pour venir à Station F.

Pourquoi ce changement de paradigme ? Est-ce une continuité logique dans votre développement ?

Nous souhaitions avoir assez de start-ups pour être représentatifs de l’écosystème, c’est actuellement le cas. Nous souhaitons désormais promouvoir nos valeurs auprès de ces acteurs, apporter du sens à leur activité économique et les accompagner vers des projets plus durables. Comme tout le monde, nous avons constaté la montée en puissance de différents mouvements de fond comme #MeToo, les différentes crises autour de l’utilisation des données privées ou encore les volontés affichées par certains candidats à l’élection présidentielle américaine de démanteler les plus grosses sociétés tech. Cette vague de ressentis négatifs envers l’industrie du numérique et les start-ups en particulier gagne du terrain. Pourtant, de nombreux acteurs font des choses incroyables et bénéfiques pour tous. Nous souhaitons encourager les entrepreneurs à en être conscients, et intégrer ce facteur dans les projets que nous portons. Une start-up avec de bons chiffres n’est plus suffisant en soi, ce sont ses valeurs qui déterminent son succès.

 

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Ces valeurs ne sont pas antinomiques avec le fait de devoir gagner de l’argent…

Bien sûr. D’ailleurs, quand une start-up a réellement des valeurs profondes, cela contribue grandement au fait de pouvoir mieux recruter, de mieux fidéliser ses clients, et donc de mieux se développer. Quand je parlais de ce thème autour de moi avant ma conférence, certains entrepreneurs me disaient « tu ne vas quand même pas parler de ça ! » Pourtant, leurs start-ups avaient justement des valeurs très fortes, et les aidait à générer des revenus. Tout est lié, il est important d’en prendre conscience. Avoir des valeurs n’est évidemment pas suffisant en soi, il faut également un bon produit, qui réponde à de réels besoins.

On peut mettre beaucoup de choses derrière le mot « valeurs ». Quelles sont celles que défend Station F ?

Certes, c’est un mot qui peut vouloir dire beaucoup de choses, mais justement il faut lui laisser de l’espace car toutes les start-ups n’ont pas les mêmes valeurs. C’est même ce qui les différencie, c’est important qu’elles se distinguent par celles-ci. Notre objectif est de promouvoir la diversité, que ce soit dans le recrutement, dans le traitement des clients dans les solutions qui sont proposées. Plus globalement, le mouvement Tech For Good est représentatif de cet esprit, avec la volonté de contribuer de manière positive à la planète. Et cela peut se concrétiser de multiples façons.

Les valeurs peuvent être liées à un secteur, mais pas seulement. Notre but est que toutes les start-ups que nous accueillons prennent en compte cette dimension. J’aime beaucoup le label B-Corp aux Etats-Unis, qui permet de certifier qu’une société réponde à 200 critères différents et puisse ainsi être identifiée comme solidaire et responsable. Nous avons de notre côté identifié également un certain nombre de critères pour obtenir un modèle qui permet de juger les start-ups. Par exemple, ont-elles intégré le sujet de la diversité dans leurs mission, le traitement de leurs salariés ou de leurs clients ? Cela ne doit pas être qu’un ressenti, cela doit se voir, s’exprimer, se concrétiser. Dire n’est pas suffisant, il faut que ce soit palpable.

Ce recentrement sur les valeurs est-elle une spécificité française ou un mouvement mondial global ?

Je pense que l’écosystème tech dans son ensemble a pris conscience de cela au même moment, à cause des mêmes problèmes. Les porteurs de projets n’avaient pas envie de vivre la même chose que ce qu’il s’était passé ailleurs, et voulaient agir différemment. C’était donc une réponse collective à un problème qui concernait tout le monde.

 

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As-tu des exemples de start-ups qui incarnent cette vision ?

Je cite souvent l’entreprise sociale et solidaire Meet My Mama, qui a aidé des femmes réfugiées ou migrantes à devenir cheffes en France. L’entreprise a intégré de nombreux profils provenant de multiples nationalités dans une équipe mixte, avec des valeurs portées sur l’ouverture, la solidarité et l’empowerment féminin. On peut citer aussi Maja Maja, société franco-finlandaise qui développe une maison écologique et 100% autonome avec une équipe aux profils très divers. Ce ne sont que deux exemples parmi tant d’autres, j’encourage aussi tout le monde à aller voir le documentaire Foundation, qui suit le quotidien de trois start-ups à Station F : Roger Voice (solution pour les malentendants), HD Rain (solution météo axée sur les pays en voie de développement) et Konexio (formations tech pour les réfugiés pour leur permettre de retrouver un emploi).

Pour finir sur une question plus générale, comment juges-tu l’évolution de l’écosystème start-up en France ces dernières années ?

Nous allons vraiment dans le bon sens selon moi. Nous sommes malheureusement aidés par les effets de bord de certaines politiques étrangères, comme l’élection de Donald Trump aux Etats-Unis ou le Brexit au Royaume-Uni. Mais les retours positifs viennent surtout de la qualité des projets qui se créent. Nous avons beaucoup de compétences sur notre territoire, et de très belles start-ups et scale-ups. Le gouvernement a fait énormément de choses pour faciliter l’arrivée d’acteurs et de talents étrangers, notamment en facilitant l’obtention de visas. Et n’oublions pas la French Tech, qui a également œuvré pour donner de la visibilité aux initiatives des entrepreneurs en France et à l’étranger. Nous avons une belle scène start-up, et les prochaines années devraient renforcer encore sa qualité !

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