Le retail à l’ère de la Gen Z : « L’acte de consommer est aussi un acte citoyen »
Pour Arnaud Gallet, la Gen Z impose de nouvelles règles au retail : plus de sens, plus d’engagement, et une expérience totalement repensée. Décryptage.

En quoi la Gen Z bouscule-t-elle les modèles traditionnels du retail, par rapport aux générations précédentes ?
La génération Z, née entre la fin des années 1990 et le début des années 2010, transforme en profondeur les modèles traditionnels du retail, en rompant avec les codes de consommation hérités des générations précédentes. Hyperconnectée, cette génération privilégie les expériences d’achat fluides, personnalisées et omnicanales. Elle n’hésite pas à jongler entre les plateformes sociales, les avis en ligne, les recommandations d’influenceurs et les expériences physiques en magasin, exigeant une cohérence totale entre tous les points de contact. L’approche transactionnelle classique laisse place à une logique d’engagement et d’interaction continue avec les marques.
Sur le plan des valeurs, la Gen Z affiche des attentes fortes en matière de durabilité, d’éthique et de responsabilité sociale. Elle ne se contente plus de consommer : elle interroge l’origine des produits, les conditions de fabrication, l’impact environnemental, et valorise les marques qui adoptent une posture transparente et authentique. Les labels, les traçabilités visibles, les engagements concrets et les preuves d’action deviennent autant de critères déterminants dans leurs décisions d’achat.
À leurs yeux, l’acte de consommer est aussi un acte citoyen.
Enfin, la Gen Z se distingue par une exigence de transparence radicale. Elle attend des marques qu’elles rendent des comptes, qu’elles soient cohérentes entre leur discours et leurs actes, et qu’elles s’engagent dans une conversation ouverte avec leur communauté. Les entreprises qui ne tiennent pas leurs promesses ou qui usent de greenwashing sont rapidement sanctionnées sur les réseaux sociaux. Ce nouveau rapport à la consommation, à la fois critique, responsable et émotionnel, oblige les retailers à repenser en profondeur leur modèle, tant sur le plan de l’offre que de la relation client.
Quels sont les leviers les plus efficaces aujourd’hui pour attirer et fidéliser cette génération en magasin ?
Il ne suffit plus de miser sur le simple produit ou sur des promotions classiques. Cette génération recherche une véritable expérience, du sens, et une forte cohérence entre les valeurs de l’enseigne et ses propres convictions. Il existe 3 leviers efficaces :
- L’expérience client immersive et interactive : les magasins doivent devenir des lieux de découverte, d’expérimentation et d’émotion. Cela peut passer par des animations, des espaces instagrammables, des événements exclusifs ou des technologies comme la réalité augmentée, les miroirs connectés, ou encore des parcours personnalisés via le mobile.
- L’authenticité et la transparence : les jeunes consommateurs veulent savoir ce qu’ils achètent, d’où ça vient, comment c’est fait et dans quelles conditions. Des outils de traçabilité visibles en magasin, des QR codes donnant accès à l’histoire du produit ou des engagements concrets affichés clairement renforcent la confiance. La présence de vendeurs formés, capables de raconter une histoire autour du produit et de la marque, est également essentielle.
- L’engagement environnemental et sociétal : un facteur de fidélisation clé pour la Gen Z. Proposer du recyclage en magasin, des programmes de seconde main ou de réparation, mettre en avant des marques responsables ou collaborer avec des artistes ou communautés locales permet de créer un lien émotionnel fort. En résumé, il faut transformer le magasin en un lieu vivant, porteur de sens, où l’on ne vient pas seulement acheter, mais aussi partager des valeurs et vivre une expérience engageante.
La Gen Z attend des magasins qu’ils offrent bien plus qu’un simple acte d’achat.
Selon vous, peut-on encore séduire la Gen Z sans passer par le digital ?
C’est aujourd’hui quasiment impossible. Le digital n’est pas un canal parmi d’autres pour cette génération, c’est leur environnement naturel, le prolongement de leur quotidien et de leur identité. Ils sont nés avec les réseaux sociaux, les smartphones et les plateformes de contenu instantané. Le digital façonne leurs opinions, leurs envies, leurs découvertes et leurs décisions d’achat. Ignorer cet univers revient à passer à côté de leur attention et de leur engagement.
Cependant, cela ne signifie pas que l’expérience physique ou en magasin est obsolète. Au contraire, la Gen Z apprécie les expériences concrètes, les interactions humaines et les lieux qui incarnent les valeurs de la marque. Mais ces expériences doivent être connectées, partageables et enrichies par le digital. Un magasin sans relais social, sans storytelling digital ou sans interaction mobile perd en attractivité.
Les marques doivent penser en termes d’écosystème : l’expérience commence souvent en ligne (sur TikTok, Instagram ou YouTube), se prolonge sur un site ou une app, et peut culminer en point de vente.
En somme, le digital n’est pas une option mais une condition préalable. C’est à travers lui que la Gen Z découvre les marques, teste leur crédibilité et décide de s’y engager. Pour capter cette génération, il faut donc maîtriser les codes des plateformes, travailler sa visibilité, son authenticité et son interactivité, tout en offrant des expériences physiques cohérentes, originales et alignées avec ce que le digital promet.
Quelles stratégies concrètes observez-vous chez les retailers pour créer une expérience fluide entre le digital et le physique ?
Les retailers qui réussissent à séduire la Gen Z adoptent une approche résolument omnicanale, où le digital et le physique ne s’opposent plus, mais se complètent dans une expérience continue et cohérente. Plusieurs stratégies concrètes existent :
- L’usage du mobile comme passerelle entre les deux mondes : de nombreuses enseignes intègrent aujourd’hui des fonctionnalités comme le scan produit en magasin pour obtenir des avis, des recommandations ou de la traçabilité en temps réel. Le smartphone devient à la fois outil d’information, de personnalisation et de transaction.
- Le « phygital » : une fonction qui consiste à digitaliser l’espace physique pour le rendre plus interactif. Cela passe par des bornes connectées, des cabines d’essayage intelligentes, des écrans immersifs, ou encore des dispositifs de réalité augmentée pour visualiser un produit en action. Dans certains cas, des services comme le click & collect, le live shopping, ou encore l’essayage virtuel en ligne avec récupération en magasin renforcent cette fluidité d’usage et répondent au besoin de flexibilité propre à la Gen Z.
- Les ponts communautaires : on voit apparaître des magasins conçus comme des lieux de rencontre pour les communautés issues des réseaux sociaux, des pop-up stores annoncés exclusivement sur Instagram ou TikTok, ou encore des expériences co-créées avec des influenceurs natifs du digital. L’important est de proposer une narration unifiée, où chaque point de contact — qu’il soit en ligne ou en boutique — enrichit l’expérience globale.
- Les données : en connectant les informations issues des parcours digitaux (navigation, préférences, achats en ligne) avec celles du magasin (visites, interactions, achats physiques), les marques peuvent offrir une personnalisation fine, à chaque étape. Ce niveau de fluidité et de reconnaissance crée un sentiment de considération très fort chez la Gen Z, qui attend des marques qu’elles comprennent ses attentes sans qu’elle ait à les répéter.
Pouvez-vous partager quelques exemples d’enseignes européennes et/ou françaises qui réussissent à séduire la Gen Z ?
Plusieurs enseignes européennes et françaises se démarquent aujourd’hui par leur capacité à séduire la Gen Z grâce à des stratégies audacieuses, engagées et bien connectées à leurs attentes.
Zara et son virage vers le phygital
L’enseigne espagnole déploie des magasins connectés, où le mobile joue un rôle central (essayage via app, paiement sans caisse, QR codes de traçabilité), tout en soignant l’esthétique des points de vente. Elle mise aussi sur des collections capsules, en édition limitée, très appréciées par une génération en quête d’exclusivité.
Sézane et son image responsable
Sézane, une marque française, a su conquérir la Gen Z grâce à son image responsable, ses engagements environnementaux clairs (traçabilité, production raisonnée, soutien à des causes sociales), et son storytelling authentique. Ses “Appartements” — des boutiques conçues comme des lieux de vie — incarnent une expérience chaleureuse et hautement instagrammable.
Monki et son approche inclusive et décomplexée
La marque suédoise, filiale d’H&M et désormais absorbée dans Weekday, mise sur des messages forts (body positivity, diversité), des campagnes très ancrées dans la culture pop et une forte interaction avec sa communauté sur TikTok et Instagram. En magasin, l’univers est fun, coloré, et pensé pour les jeunes.
@weekdayofficial
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Courir et son lien fort avec la Gen Z
La marque française spécialisée dans la sneaker, a su créer un lien fort avec la Gen Z en valorisant les marques tendances, les collaborations exclusives et un positionnement très urbain et culturel. Elle intègre aussi des logiques de seconde vie et de recyclage, qui résonnent bien avec cette génération.
Ces enseignes ont en commun de ne pas simplement vendre des produits, mais de proposer un univers, des engagements clairs et une expérience cohérente entre le digital et le physique.
Quelles évolutions vous semblent incontournables pour que le retail reste pertinent auprès des nouvelles générations dans les années à venir ?
Pour rester pertinent auprès des nouvelles générations, le retail devra aller au-delà des effets de mode et opérer des transformations profondes. D’abord, la personnalisation devra être omniprésente, grâce à une utilisation intelligente des données. Ensuite, la transparence totale sur les produits, les engagements et la chaîne de valeur sera indispensable.
Le passage vers un modèle circulaire (seconde main, réparation, recyclage) deviendra incontournable, porté par une génération qui refuse le gaspillage. Enfin, les enseignes devront aligner clairement leurs valeurs et leurs actions : la Gen Z attend des marques qu’elles s’engagent, sincèrement et visiblement, sur les enjeux sociaux et environnementaux.

Arnaud Gallet, Directeur du pôle retail chez Comexposium
Titulaire d’un mastère en management et marketing à l’UPEC, Arnaud Gallet est directeur du pôle retail au sein de Comexposium depuis 2020. Cette entité regroupe les salons Siec et NRF Retail’s Big Show Europe (anciennement Paris Retail Week). Arnaud Gallet assume désormais également la direction du Siec. Professionnel aguerri, il possède plus de 25 ans d’expérience dans les médias et le retail (Yahoo!, Pixmania, Comexposium).