Entretien avec le responsable des réseaux sociaux du Quai d’Orsay
Comment sont gérés les réseaux sociaux du ministère de l’Europe et des affaires étrangères ? Pour le savoir, nous avons rencontré le responsable des réseaux sociaux du Quai d’Orsay, Dimitri Arcanger. Il nous présente en détail sa stratégie, ses objectifs, ses plateformes et ses contenus privilégiés et décrypte les spécificités du community management d’une grande institution.
Quels sont les objectifs du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères sur les réseaux sociaux ?
Rares aujourd’hui sont les pays qui ne s’expriment pas sur les médias sociaux. Le ministère est la voix de la France à l’international : les réseaux sociaux en sont le porte-voix. Chaque jour, depuis le Quai d’Orsay, des déclarations sont partagées sur nos comptes.
Nous avons également vocation à informer sur nos relations avec les autres pays, à vous faire vivre et comprendre les grands rendez-vous internationaux (comme le One Planet Summit) ou encore, à promouvoir l’attractivité de la France. Cela passe notamment par le tourisme et l’économie. Nous avons également le rôle d’informer, d’aider, d’accompagner les Français qui vivent ou voyagent à l’étranger. Last but not least, la communication de crise (avec le centre de crise et de soutien) est activée par exemple lors des catastrophes naturelles (comme lors du tremblement de terre en Indonésie).
Quelles plateformes sont investies par le ministère ? Quels contenus partagez-vous ?
La diplomatie numérique s’exerce au quotidien sur nos réseaux sociaux, spécifiquement sur Twitter, Facebook, Instagram, LinkedIn et Youtube.
Nos agendas de publications sont denses, tout comme les champs d’actions du ministère. Il faut alors s’adapter entre l’actualité (élément central), les événements internationaux, les campagnes de précisions (explications) et le « soft power », indispensable sur les réseaux sociaux.
Parlez-vous plusieurs langues sur les réseaux sociaux ? Comment cela se traduit-il, concrètement ?
Oui, c’est une priorité. Le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères est le ministère qui, par ses fonctions, se tourne naturellement vers l’international. Nous disposons de pages Facebok en anglais et en arabe, et de comptes Twitter en anglais, arabe, espagnol, russe et allemand… en plus du français sur Twitter (plus d’un million de followers), Facebook (près de 400 000 fans), LinkedIn (87 000) et Instagram (44 000).
Le ministère via ses ambassades et consulats, couvre bien plus de langues comme le chinois par exemple. Le ministère cumule, avec ses consulats et ambassades, plus de 6 millions d’abonnés sur les réseaux sociaux.
L’animation des comptes est-elle centralisée au ministère ou décentralisée dans les consulats et ambassades ?
Les deux ! Au Quai d’Orsay, la cellule réseaux sociaux alimente les comptes officiels du ministère. Elle accompagne le réseau diplomatique (consulats et ambassades) dans sa communication en formant les communicants qui y partent en poste, pour qu’ils puissent être autonomes. Ils portent ainsi la voix de la France et travaillent sur leurs enjeux locaux.
D’ailleurs, avant de voyager dans un pays, nous vous conseillons de suivre les réseaux sociaux de l’ambassade et du consulat de votre destination.
Des systèmes de validation ou de consignes sont-ils mis en place ? Comment vous organisez-vous ?
Oui, bien sûr. D’un point de vue purement métier, les réseaux sociaux disposent d’une grande liberté de proposition et de création, dans une direction tournée vers le numérique de la conception à la réalisation.
Le plus difficile reste la temporalité. Les médias sociaux demandent une grande réactivité aux communicants, celle-ci n’est pas toujours compatible avec l’exercice de la diplomatie. Mais le défi est formidable.
Réalisez-vous des campagnes de diplomatie d’influence avec vos comptes ? Avez-vous des exemples à citer ?
Sur les réseaux sociaux, un message peut suffire pour être lu et entendu. L’un des plus gros succès émanant des réseaux sociaux du ministère, c’est ce message qui corrige une vidéo publiée sur le compte Twitter de la Maison-Blanche, lors du retrait des États-Unis de l’Accord de Paris sur le climat. Tweet repris par la presse internationale.
https://twitter.com/francediplo_EN/status/870699642509512704
Nous privilégions le compte anglais lors de prises de paroles de cette envergure. Ce qui implique d’adapter notre expression : nous ne pouvons pas décliner du français en anglais, nous créons en anglais. Nous appliquons des processus de conception et de validation des contenus assez stricts dans ce cas-là.
Vous semblez privilégier la vidéo sur les réseaux sociaux : quel est l’intérêt de ce format ?
- C’est un format privilégié par les plateformes. Une tendance à laquelle nous sommes également soumis (particulièrement sur Facebook)
- La vidéo est le format le plus consommé par les internautes, nous ne pouvons pas le négliger. Nous devons nous adapter aux usages.
- On y concentre le fond et la forme : Synergie du texte, de l’image et de l’émotion
Avec les nouvelles tailles, comme le format Story, nous prenons plus de place sur les écrans, meilleure attention portée sur nos contenus.
Réalisez-vous des campagnes de communication avec des influenceurs ?
Oui, par exemple, nous avons eu l’occasion de travailler avec les YouTubers, Hugo Travers (HugoDécrypte), Jean Massiet (Accropolis) et Gildas Leprince (Mister Geopolitix) lors d’un programme en direct. Avec eux, nous avons parlé des métiers de la diplomatie, des diplomates en chair et en os avec leurs abonnés.
Cette carte blanche nous a permis de toucher un public plus jeune, moins sensible à nos actions. Ce fut une belle expérience. À refaire !
Pouvez-vous décrire votre journée type et les outils que vous utilisez au quotidien ?
Le ministère ne dort jamais ! Toute l’organisation peut changer au fil de l’actualité. Cependant, chaque matin la direction se réunit pour faire le point sur l’actualité internationale. C’est important, cela engagera la voix du ministre et de la France.
La communication numérique doit s’insérer dans ce processus. Nous devons être réactif et pour cela, comme dans beaucoup d’endroits que ce soit dans le privé ou dans le public, il faut convaincre.
De plus, nous avons des projets événementiels de haut niveau que nous anticipons, les projets à plus court terme et du « jour le jour ».
Enfin, concernant les outils quotidiens :
- Visibrain pour la veille
- Facelift pour la gestion des réseaux sociaux
Difficile cependant de trouver l’outil parfait, nous avons donc nos multiples applications et astuces pour compléter.
Quelles sont les pistes de développement du ministère sur les réseaux sociaux pour 2019 ?
- Questionnement et évolution constante du format vidéo + YouTube avec une logique de test et retour sur expérience.
- Instagram et LinkedIn comme plateformes de références. Une parenthèse sur LinkedIn qui est devenue une plateforme incontournable pour nous. Si hier le réseau social était dédié 100% aux publications d’offres d’emploi, nos statistiques prouvent que ce n’est plus le cas. Nos publications hebdomadaires nous ont permis d’acquérir plus de 22 000 abonnés en 6 mois.
- La photographie / l’imagerie autour de l’institution.