X Premium, Meta Verified, Snapchat+ : que cachent les abonnements payants sur les réseaux sociaux ?
Facebook, Instagram, X et Snapchat ont tous récemment mis en place des abonnements payants. Pour quelles raisons ?

« C’est gratuit et ça le restera toujours ». L’emblématique slogan présent sur la page d’accueil de Facebook pendant plus de 10 ans a du plomb dans l’aile. Le réseau social, qui faisait de sa totale gratuité un argument imparable, a récemment intégré l’offre payante Meta Verified, également associée à Instagram. Cette nouvelle formule s’inspire de X Premium, fruit d’un changement de stratégie opéré par Elon Musk pour Twitter, devenu X. Mais pourquoi ces réseaux sociaux mettent-ils à contribution leurs utilisateurs après plus de 15 ans de totale gratuité ? Ce modèle peut-il devenir la norme ? Voici quelques éléments de réponse.
La quête de rentabilité
En arrivant à la tête de Twitter, Elon Musk s’est donné pour mission de rendre le réseau social rentable. Entrée en bourse en 2013, la plateforme de microblogging n’avait enregistré des bénéfices qu’en 2018 et 2019. Après avoir considérablement réduit les effectifs de l’entreprise, passant de 7 500 à 1 300 salariés, le milliardaire a entrepris de diversifier les sources de revenus, jusqu’ici essentiellement issues de la publicité. C’est ainsi que Twitter Blue est né. Devenu X Premium lors du changement de nom du réseau social, l’abonnement est proposé au prix de 11 € par mois sur smartphone et de 9,60 € sur ordinateur. Il donne accès à un badge de certification, la possibilité de modifier et d’annuler des tweets, une personnalisation de l’interface, l’accès à un système de monétisation, etc.
La stratégie de X est semblable à celle adoptée par Snapchat quelques mois plus tôt. Avec son offre Snapchat+, proposée au prix de 3,99 € par mois, le réseau social a aussi souhaité diversifier ses sources de revenus. Au moment du lancement de sa nouvelle formule, l’application venait d’essuyer des pertes financières significatives suite aux modifications des paramètres de confidentialité d’Apple.
Le problème de la publicité ciblée
Si les abonnements payants sont un moyen pour les plateformes d’obtenir des revenus supplémentaires, ils peuvent aussi constituer un moyen de s’accorder davantage de libertés sur les versions gratuites. C’est la raison pour laquelle Meta a annoncé vouloir mettre en place, en plus de Meta Verified, un abonnement sans publicité pour Facebook et Instagram. Accessible au prix de 9,99 € par mois sur le web et de 12,99 € par mois sur iOS et Android, cet abonnement ne sera proposé qu’aux utilisateurs européens.
Dans son blog post, Meta joue la carte de la transparence en indiquant que cet abonnement est destiné à se conformer à la législation européenne, qui exige un consentement explicite de l’utilisateur pour le ciblage publicitaire : « Dans sa décision, la Cour de justice de l’Union européenne a clairement reconnu qu’un modèle d’abonnement, tel que celui que nous proposons, constitue une forme de consentement valable pour les services financés par la publicité. » Autrement dit, les utilisateurs auront la possibilité de refuser la publicité ciblée, mais ils devront payer pour cela.
Toutefois, le Comité européen de la protection des données ne partage pas cette interprétation. Selon le régulateur, cette formule ne constitue pas un moyen adéquat pour garantir le consentement des utilisateurs. La formule sans publicité de Meta pourrait donc être une tentative vaine.
Quel premier bilan pour les abonnements payants sur les réseaux sociaux ?
À ce jour, Meta n’a pas encore divulgué les résultats de Meta Verified, déployé mondialement pendant l’été. Il paraît donc prématuré de dresser un bilan. Pour X et Snapchat en revanche, les premières données relatives aux abonnements payants peuvent permettre de tirer quelques enseignements.
Une stratégie perdante pour X
Les résultats d’X Premium sont pour le moins mitigés : seuls 1 % des utilisateurs de la plateforme ont souscrit à l’offre, soit moins d’un million d’abonnés. La plateforme, dont les revenus publicitaires ont chuté de 50 % entre octobre 2022 et juillet 2023, est désormais valorisée à 19 milliards de dollars. Pour rappel, Elon Musk l’a acquise pour 44 milliards de dollars en octobre 2022.
Mais l’échec d’X Premium dépasse les seules considérations financières. Le modèle a considérablement affecté l’expérience des utilisateurs sur X, en mettant en exergue les publications des comptes certifiés, souvent sans intérêt et parfois dangereuses. De nombreux comptes d’extrême-droite ont, en particulier, utilisé la pastille bleue pour accroître leur visibilité. Le programme de monétisation, inclus dans l’offre X Premium (et désormais X Premium +), a également encouragé les créateurs à publier des contenus générant un maximum d’engagement, en privilégiant des publications polémiques ou des interactions superficielles (tap-ins). Et les conséquences sont visibles : depuis le rachat, X a perdu 16 % des ses utilisateurs.
Un bilan bien plus positif pour Snapchat
Malgré la contre-performance de X Premium, les abonnements payants sur les réseaux sociaux ne sont pas nécessairement condamnés à l’échec. En effet, l’offre Snapchat+, lancée en juin 2022, a presque immédiatement trouvé son public. D’après les données de Snapchat, la formule comptait 1 million d’abonnés à peine deux mois après son lancement. Au troisième trimestre de 2023, le nombre de souscripteurs a dépassé les 5 millions.
Divers facteurs peuvent expliquer le succès de Snapchat+. Tout d’abord, l’offre est accessible à un tarif abordable de 3,99 € par mois sur mobile, bien moins que les 11 € demandés pour X Premium ou les 12,99 € pour Meta Verified. De plus, elle propose des fonctionnalités attrayantes pour les utilisateurs réguliers : agrandissement des snaps, suivi du nombre de relectures, meilleure visibilité auprès des Snap Stars, boosts pour les stories, option de renvoi des snaps avant leur disparition, récupération des snapstreaks perdus, etc.
Enfin, contrairement à X – et à l’exception de l’encombrant My AI – Snapchat+ n’a pas altéré l’expérience des utilisateurs ordinaires. Aucune fonctionnalité auparavant gratuite n’a été rendue payante sur la plateforme.
Des exemples de réussite sur le long terme
Meta, X et Snapchat ne sont pas les premières plateformes à avoir proposé des abonnements payants. LinkedIn, avec son offre Premium lancée dès 2005, en a fait un axe de développement majeur. Selon Statista, les différentes offres payantes de LinkedIn totalisaient près de 50 millions d’abonnés en 2021.
Il y a presque 10 ans, YouTube introduisait également sa formule payante YouTube Premium. Malgré quelques réticences initiales, YouTube Premium s’est solidement implanté, avec 80 millions d’abonnés à la fin de l’année 2022. Cette même année, le service a généré 11 milliards de dollars, d’après les estimations d’AllianceBernstein citées par Business Insider.
Dans les deux cas, les formules payantes ont apporté de réelles plus-values aux souscripteurs, avec des avantages sans cesse renouvelés, sans polluer l’expérience pour les autres utilisateurs. En outre, les deux plateformes ont mis en place des offres claires, témoignant d’une forme de stabilité, là où X semble amender ses abonnements au compte-goutte.
Les abonnements payants vont-ils se généraliser sur les réseaux sociaux ?
Il est actuellement difficile d’anticiper l’évolution des offres payantes, mais les plateformes semblent déterminées à poursuivre dans cette direction. Fin octobre, X a diversifié son offre en lançant deux nouvelles formules payantes : X Basic et X Premium +. Meta, quant à elle, prévoit de lancer son offre sans publicité en Europe ce mois-ci. Une stratégie également adoptée par TikTok, qui teste actuellement un service ad free à 4,99 $ dans les pays anglophones hors États-Unis. Pour Jean Cattan, secrétaire général du Conseil national du numérique, la généralisation des offres payantes est préoccupante, notamment pour la liberté d’expression :
S’il faut payer sur tous les réseaux demain, les riches pourront davantage s’exprimer […] On irait à l’encontre de la neutralité du net et d’un traitement égal des utilisateurs, a déclaré Jean Cattan à l’AFP.
L’avenir des abonnements payants sur les réseaux sociaux pourrait se jouer dans les prochains mois. Il dépendra en grande partie des performances économiques de X et Meta avec leurs différentes offres, de l’acceptation de ces modèles par le public, et des réactions des législateurs.
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