Marché de la publicité digitale en France : quels enjeux pour les annonceurs en 2022 ?

Comment évolue le marché de la publicité digitale en France en 2022 ? Toutes les réponses avec Alban Peltier, CEO de l’agence AntVoice.

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L'adoption d'un marketing responsable devient primordial pour les marques. © Sammby - stock.adobe.com

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Alban Peltier, CEO et cofondateur d'AntVoice

Alban Peltier évolue dans le digital depuis 20 ans, et a multiplié les expériences dans des startups (iBazar, Sporever), de grands groupes (MSN), ou en tant que business angel (Geolid, MHD) et entrepreneur (Looneo). Il est aujourd’hui CEO et cofondateur de l’agence AntVoice ainsi que Président du College Techno du CPA (Collectif pour les acteurs du Marketing Digital).

Comment se porte le marché de la publicité digitale en France et dans le monde ?

Le marché de la publicité digitale est un secteur qui se porte très bien avec une croissance de 24 % en 2021 à 7,7 milliards d’euros en France. Le digital, c’est quasiment la moitié de tous les investissements publicitaires, tous médias confondus. On retrouve la même dynamique dans le monde, avec une croissance de 20 % en 2021 et plus de 450 milliards de dollars, soit 60% de tous les investissements publicitaires. La France, avec 50 %, possède donc un fort potentiel de croissance !

Quelles tendances avez-vous constaté concernant les investissements digitaux des annonceurs ?

Il y a plusieurs tendances fortes actuellement sur le marché qui montrent que le digital est en perpétuelle évolution. Avec la crise du covid et son impact sur les ventes des entreprises, les marques essaient de retrouver leur rythme de croissance d’avant covid. En conséquence, il existe toujours un focus très fort sur les campagnes à la performance permettant de générer des ventes ou des leads. En parallèle, pour ancrer davantage leurs valeurs et se différencier, les marques misent sur la vidéo (levier avec la croissance la plus importante en 2021) et les nouvelles expériences.

En 2021, il fallait absolument lancer une campagne sur TikTok. En 2022, c’est plutôt le Web3 et les metaverses qui sont en pointe. On est plus sur de la posture que du réel impact à ce stade.

En fond, il y a un changement qui est en train de s’opérer avec la montée en puissance du marketing responsable. C’est sans doute la tendance qui va structurer le plus le marché de la publicité dans les prochaines années. Nous n’en sommes qu’aux prémisses, certes, mais les quelques marques pionnières en la matière vont bientôt être rejointes par la plupart des marques, la pression des consommateurs étant de plus en plus forte.

Pour moi, les 4 piliers du marketing responsable sont :

  • L’impact social et sociétal : pas de publicités sur les plateformes propageant des fake news, des propos haineux, ne respectant pas les lois ou les impératifs fiscaux, etc.
  • L’impact environnemental : mesure de l’empreinte carbone des campagnes, mise en avant d’offres de seconde main, etc.
  • Le respect de l’internaute : respect de ses données personnelles, de son intérêt ou non pour la marque, maîtrise de la pression publicitaire, etc.
  • Le respect des marques elles-mêmes par les partenaires des marques gérant les campagnes (agences, adtech, régies, plateformes, etc.) : transparence sur la gestion des campagnes de la part des partenaires, sélection des supports de diffusion, fiabilité des statistiques, etc.

Quand on voit cette liste, on se rend compte facilement que cela ne décrit pas réellement la façon dont les plateformes américaines gèrent la publicité.

La majorité des investissements se font sur les plateformes américaines de Google, Facebook et Amazon. Quels risques cela engendre pour les annonceurs ? Y a-t-il une dépendance à ces plateformes ?

Clairement les GAMA (Google, Amazon, Meta et Apple qui revient dans le jeu) ont créé un déséquilibre total. D’un côté ces 4 acteurs, avec Google et Meta en tête, détiennent 50 % du marché publicitaire mondial, tous médias confondus, et 70 à 80 % du digital, et de l’autre des milliers d’entreprises (régies, adtech, etc.) se partagent le reste. Lorsque si peu d’acteurs maîtrisent autant un marché, on peut clairement évoquer un duopole (Google et Meta) ou un oligopole (les GAMA). Ce n’est pas tenable.

Surtout que depuis plusieurs mois, les marques avec lesquelles nous échangeons nous remontent plusieurs signaux forts :

  • Une forte hausse des CPC en search : 30 à 40 % sur certains secteurs depuis la rentrée dernière. À noter que le bénéfice de Google a doublé en 2021 (à 76 milliards de dollars). De là à voir un lien de cause à effet entre hausse des CPC et hausse du bénéfice.
  • Une forte baisse des performances en social : avec les nouvelles dispositions d’Apple (l’App Tracking Transparency) obligeant le consentement explicite pour pouvoir poser un tracking. Comme une large partie de l’usage de Facebook est faite sur iPhone, la plateforme se trouve fortement touchée par cette disparition du tracking tiers.
  • Une baisse continue de la transparence : avec de nouveaux dispositifs comme Google Performance Max, la transparence sur ce qui est réellement effectué en termes d’achat est de plus en plus modérée. Une marque ne sait plus réellement où elle se trouve, sur quels sites, avec quels formats, quelles stratégies, quelle répétition, etc. C’est un réel problème pour la brand safety notamment !

Et dernier point, les consommateurs citoyens sont de plus en plus attentifs aux comportements des marques et des diffuseurs quant à la gestion de leurs données personnelles et à la qualité de l’expérience publicitaire et d’une manière plus globale sur une approche responsable. Et force est de constater que les plateformes américaines ne sont pas forcément à la pointe de ces combats. Il suffit de se rappeler les propos de Mark Zuckerberg qui sous-entendaient que Meta pourrait se retirer de l’Europe si on lui imposait le RGPD ou les annonces récentes de la CNIL à propos de Google Analytics …

Les marques se posent donc de plus en plus de questions sur le poids et la pérennité de leurs investissements sur ces plateformes. D’ailleurs de plus en plus de marques décident de se retirer des réseaux sociaux par exemple, comme Patagonia et Lush. Et ce n’est qu’un début !

Quelles alternatives s’offrent aux annonceurs pour réduire leur dépendance actuelle aux plateformes des géants de la tech ?

Si une marque souhaite baisser ses investissements sur les GFA, la seule question alors est : quelles sont les alternatives ? C’est dans cette logique que nous avons présenté il y a quelques jours notre mapping des partenaires pouvant accompagner les marques dans les investissements à la place des GAFA : c’est l’équipe de France de la pub digitale ! Cette cartographie a pour vocation à aider une marque à trouver le bon partenaire en fonction de ses problématiques et de ses besoins, pour ainsi obtenir un meilleur équilibre et une approche plus responsable.

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Les alternatives françaises dans le secteur de l’AdTech. © AntVoice

Quels conseils donneriez-vous aux annonceurs pour diversifier leurs investissements avec efficacité ?

Dans le mapping ci-dessus, nous avons répertorié une centaine d’acteurs français, levier par levier, régies de grands groupes ou jeunes startups. Ce n’est pas les possibilités qui manquent indéniablement ! Je pense que les facteurs clés de changement sont l’audace et le courage. Les GAFA ont su créer une véritable addiction, à travers les solutions publicitaires fournies mais aussi celles de tracking comme Google Analytics qui permet à Google de donner ses propres résultats et ceux de ses concurrents. Inutile de dire que cela apporte un certain avantage et que les performances de Google sont rarement les plus mauvaises.

Pour une direction marketing, collaborer avec les GAFA, c’est plus simple (un acteur pour le search, un pour le social, un pour le retail media ; toutes les stratégies sont proposées, du top of mind au reciblage, etc.) et plus valorisant en interne. Quelle direction générale dirait que ce n’est pas bien de travailler avec Google et Facebook ? Mais en fait Google et Facebook, ce n’est pas si bien que cela. C’est H&M et Zara dans la mode. Une mode peu responsable, peu respectueuse et globale.
Ce qui est bien, ce sont les petites marques locales et responsables, les DNVB.

Notre challenge est de faire en sorte qu’un(e) responsable marketing soit fier(e) de dire à son DG qu’il bosse avec une startup locale et responsable plutôt qu’un GAFA. Nous allons y arriver car la pression sur la RSE va pousser les directions marketing à sortir de leur zone de confort et de leur addiction aux GAFA. Elles ne vont pas avoir le choix. À nous, acteurs de la publicité responsable et performante, de les aider à retrouver un meilleur équilibre. Clairement nous avons un vrai rôle actif à jouer dans ce changement.

Selon vous, quelles sont les stratégies gagnantes en termes de publicité en 2022 ?

Nous avons le plaisir de collaborer chez AntVoice avec des dizaines de marques de tous les secteurs : Maisons du Monde, Orange Bank, Renault, Damart, Tryba, Jules, etc. Cela nous donne donc une bonne vision de ce qui fonctionne.

Ma recommandation pour une direction marketing serait vraiment de créer une véritable scénarisation dans sa prise de parole : identifier une cible intéressante puis l’activer en évoquant la marque et ses valeurs en vidéo, puis en recommandant des sélections personnalisées de produits via des bannières puis en proposant une promotion via un format natif par exemple. Cela permet de raconter véritablement une histoire complète, tout en maitrisant l’expérience publicitaire proposée.
Sur ce dernier point, il est impératif que les marques fassent extrêmement attention à la pression publicitaire. Quand je suis retouché des dizaines de fois après une visite sur un site, je me demande comment une marque peut encore accepter de telles pratiques de la part de quelques prestataires, et Google en tête.
Mais encore faut-il que la direction marketing soit au courant, d’où le besoin impétueux en matière de transparence.

On constate de plus en plus de restrictions sur le ciblage : fin des cookies, modification des ciblages Google ou Facebook. Quelle est votre vision sur ce changement ?  Comment les annonceurs peuvent-ils s’adapter ?

Depuis quelques années, il y a une accélération des contraintes, techniques ou juridiques, sur les directions marketing. Clairement, gérer une campagne publicitaire devient de plus en plus complexe. C’est sûrement une bonne chose pour les internautes (et encore quand on vit l’expérience catastrophique des bandeaux de consentement que l’on voit 30 fois par jour …), mais c‘est un véritable enjeu pour les directions marketing qui ont souvent des ressources limitées.

C’est pourquoi je pense qu’en tant que professionnels de la publicité digitale, c’est notre rôle d’aider les annonceurs à comprendre tous les enjeux et les challenges et à les accompagner dans leurs choix. Le mapping AntVoice de l’équipe de France des adtech a été construit dans cette optique. Nous créons également des livres blancs pour bien expliquer ces changements comme celui que nous avons réalisé sur la fin des cookies tiers.

Plus globalement, je pense aussi que le marché doit se structurer autour d’acteurs responsables proposant toutes les solutions publicitaires, comme peuvent le faire les GAFA. Comme je l’évoquais précédemment, il y a près de 100 entreprises françaises dans la publicité digitale. Je pense que c’est beaucoup trop et que cela n’aide pas les annonceurs à se défaire de leur addiction GAFA. Je milite donc clairement pour des rapprochements pour proposer des solutions globales aux marques. À nous, acteurs de la publicité digitale, d’avancer en ce sens pour proposer des solutions solides aux marques pouvant gérer tous ces challenges à venir !

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