Interview : un prof se fait passer pour un élève sur Facebook

L’histoire a été relayée par quelques médias généralistes, mais elle mérite qu’on s’y attarde. Un enseignant a décidé de s’immerger dans le quotidien de ses élèves en se faisant passer pour l’un d’entre-eux sur Facebook. Une expérience étonnante qui montre que chez les plus jeunes, le concept d’identité numérique a encore quelques progrès à faire (chez les moins jeunes aussi d’ailleurs). Si certaines réponses peuvent surprendre, n’oublions pas qu’il n’est pas un professionnel du web, mais un enseignant !

Tout d’abord, pouvez-vous vous présenter ? 

J’ai 51 ans, je suis professeur d’économie gestion dans un lycée professionnel. Roger Trémoureux est un pseudo.

Pour résumer, vous vous êtes fait passer pour un lycéen sur Facebook. Dans le détail, comment s’est fait cette immersion ?

Au départ, je voulais m’inscrire sur Facebook simplement pour voir ce qui s’y passait par curiosité. Ne voulant pas afficher ma véritable identité, j’ai inventé un faux : Bob, 19 ans. La seule véritable information que j’ai indiquée, c’était le nom de mon lycée. Vu mon âge et la mention de mon lycée, la machine FB m’a rapidement proposé des lycéens pour une relation « amicale ». Bob s’est alors mis en quête d’amis. J’ai copié-collé des photos visibles en public sur un profil d’élève pour les poster sur le mur de Bob. Puis Bob s’est même permis de répondre à des commentaires. Très crédible ce Bob : 12 amis, des vraies photos et des échanges de messages.

Quelle était votre identité fictive auprès de vos élèves ?

Bob Issand en référence à Bobby Sands.

N’avez-vous pas l’impression de les avoir trompé en agissant de la sorte. Ou au contraire, est-ce une vraie démarche pédagogique ?

En fait, je n’ai rien prémédité. Je me suis laissé entrainer comme dans un jeu virtuel. Je me suis arrêté net à la 40^ème heure d’existence de Bob, car une « amie » commençait à se poser trop de questions à mon sujet. Cette expérience est devenue une démarche pédagogique quand j’ai raconté cette histoire à mes élèves. Par la suite, 40 % d’entre ont modifié leur profil Facebook, peut-être 100 % de ceux qui avaient besoin de le faire.

Vous ne connaissiez rien aux réseaux sociaux, après cette immersion dans le monde 2.0, qu’en retirez-vous à titre personnel ?

Facebook est un excellent outil, mais comme tous les outils perfectionnés il faut savoir s’en servir. La maîtrise des critères de confidentialité est essentielle et peu de gens (jeunes ou adultes) en sont conscients. Trop souvent la naïveté l’emporte sur l’intelligence. Le « Big Brother » promis pour 1984 est en train de se construire avec la complicité de chacun. Aujourd’hui j’ai un compte Facebook sous le nom de Roger Trémoureux. Je continue à découvrir et à apprendre.

Vous avez dans votre démarche bien identifié les dangers liés aux problématiques d’identité numérique. Pensez-vous que vos élèves et les jeunes en général manquent de maturité sur le sujet ?

L’immaturité en la matière n’a pas d’âge. C’est la méconnaissance qui crée le danger. Tout va trop vite, nous n’avons aucun recul, les acteurs du Web 2.0 inventent tous les jours de nouveaux procédés. Comment voulez-vous que l’utilisateur lambda, jeune ou adulte, s’y retrouve ?

Vous avez exploré Facebook, allez-vous vous intéresser aux autres réseaux sociaux (Twitter, Google Plus, Instagram…) ?

J’ai également un compte Twitter depuis peu de temps, je découvre… J’ai la vague impression d’un retour en arrière : interface minimaliste, limitation des messages à 140 caractères, peu ou pas de confidentialité. Récemment je me suis intercalé dans une conversation entre deux élèves, surpris de mon intrusion l’un d’eux a tweeté « mdrr le prof il tue tout ^^ ». Nous en avons parlé le lendemain… A mon avis, Twitter est plus un média d’informations qu’un outil de communication privé. Je pense que les jeunes qui migrent en ce moment vers Twitter vont vite s’en lasser. Quand l’effet mode sera retombé, ils passeront à autre chose : Google+ peut être ? Je viens de créer un compte Google+ : je les attends ! 

Pensez-vous que l’école a un rôle à jouer dans « l’éducation numérique » des plus jeunes ?

Je fais partie de l’Education Nationale, donc « l’éducation numérique » est une prérogative évidente de cette institution.

Et si vous voulez savoir comment configurer votre compte Facebook pour bien maîtriser vos paramètres de confidentialité, pensez à consulter notre ebook dédié au réseau social !