Prix Nobel : qui sont les chercheurs récompensés pour leurs travaux sur l’IA ?
Deux équipes de chercheurs ont été récompensées des prix Nobel de physique et de chimie pour leurs travaux sur les réseaux de neurones et l’application de l’IA en biochimie.
En 2024, l’Académie royale des sciences de Suède a surpris la communauté scientifique en attribuant les prestigieux prix Nobel de physique et de chimie à des chercheurs ayant marqué le domaine de l’intelligence artificielle. Deux équipes de scientifiques ont été honorées pour leurs travaux sur les réseaux de neurones et l’application de l’IA dans la biochimie.
D’un côté, John Hopfield et Geoffrey Hinton ont été récompensés pour leur rôle fondateur dans le développement des réseaux de neurones artificiels, au cœur de l’apprentissage automatique. De l’autre, Demis Hassabis et John Jumper ont transformé le domaine de la chimie grâce à AlphaFold, un outil révolutionnaire pour la prédiction des structures protéiques, développé au sein de DeepMind, racheté par Google en 2014.
Prix Nobel de physique 2024 : les pionniers des réseaux de neurones artificiels
John Hopfield : le père des réseaux de Hopfield
John Hopfield, physicien américain né en 1933, est aujourd’hui professeur émérite à l’université de Princeton. Formé à la physique statistique et passé par les laboratoires Bell, il a commencé sa carrière en se concentrant sur la physique des matériaux solides. Mais c’est dans les années 1980 qu’il effectue une percée décisive en concevant un modèle mathématique inspiré de la biologie neuronale : le réseau de Hopfield. Ce réseau, où chaque « neurone » numérique est connecté à d’autres par des liaisons de force variable, a permis de simuler des fonctions telles que la mémorisation et la reconnaissance de motifs.
John Hopfield a démontré que ces réseaux pouvaient atteindre plusieurs états stables correspondant à des mémoires. De plus, même perturbé par des erreurs, le réseau avait la capacité de retrouver la configuration initiale, ce qui en faisait une mémoire associative très robuste. Ses recherches ont posé les bases de nombreuses avancées en neuroscience computationnelle et ses travaux sur les réseaux de Hopfield, remis au goût du jour, restent utilisés pour modéliser certaines fonctions cognitives du cerveau humain.
Geoffrey Hinton : l’architecte des machines de Boltzmann
Geoffrey Hinton, Britannique né en 1947, est l’un des chercheurs les plus influents dans le domaine de l’intelligence artificielle. Formé en neurosciences, Hinton quitte le Royaume-Uni pour les États-Unis dans les années 1980, faute de financements suffisants pour ses recherches. Il développe alors la machine de Boltzmann, un réseau de neurones artificiels capable d’apprendre à partir d’échantillons de données en ajustant ses connexions internes. Ce modèle, inspiré par les lois de la physique statistique, a été utilisé dans des applications allant de la génération de protéines artificielles à la modélisation des fonctions cognitives.
Cependant, c’est en 2012 qu’il révolutionne le domaine avec un logiciel qui écrase la concurrence dans le domaine de la reconnaissance d’images, et en coécrivant un article sur le deep learning, popularisant ainsi une nouvelle approche de l’apprentissage profond. Ce travail a ouvert la voie aux grandes avancées de l’IA dans la reconnaissance d’images et a influencé la plupart des architectures de réseaux neuronaux utilisées aujourd’hui. Actuellement affilié à l’université de Toronto, Geoffrey Hinton a également été un acteur majeur du débat éthique autour de l’IA, plaidant pour une meilleure maîtrise de ces technologies.
Pourquoi sont-ils récompensés ?
John Hopfield et Geoffrey Hinton ont été honorés pour avoir développé des modèles fondateurs de l’intelligence artificielle, basés sur les réseaux de neurones, qui ont changé la manière dont les machines apprennent et traitent des informations complexes. Leurs travaux, bien que réalisés il y a plus de quarante ans, continuent d’influencer les technologies d’IA modernes. Leur contribution a permis de transformer ce domaine de recherche en un champ interdisciplinaire, combinant physique et informatique.
Prix Nobel de chimie 2024 : les architectes d’AlphaFold
Demis Hassabis : l’entrepreneur scientifique
Demis Hassabis, né en 1976, est un Britannique aux multiples talents, ayant débuté sa carrière en tant que concepteur de jeux vidéo avant de se tourner vers la recherche en sciences cognitives. En 2010, il cofonde DeepMind avec pour ambition de « résoudre la question de l’intelligence ». En 2014, l’entreprise est rachetée par Google, devenant un acteur central de la recherche sur l’IA. En 2020, DeepMind annonce un succès majeur : AlphaFold, un algorithme capable de prédire la structure tridimensionnelle des protéines avec une précision inégalée.
AlphaFold, dirigé par Demis Hassabis et développé avec l’aide de John Jumper, est aujourd’hui considéré comme une révolution dans la recherche en biochimie. En 2021, l’outil surpasse tous ses concurrents lors d’un concours international de prédiction de structures protéiques, doublant les performances précédemment obtenues. Son succès a rapidement conduit à la création d’une base de données recensant des millions de structures de protéines, ce qui simplifie grandement le travail des biologistes et chimistes à travers le monde.
John Jumper : le cerveau derrière l’algorithme
John Jumper, né en 1985, est un chimiste et informaticien américain formé notamment aux universités Vanderbilt, de Cambridge et de Chicago. Il rejoint DeepMind en 2017 et prend la tête de l’équipe qui créera AlphaFold. Utilisant des techniques d’apprentissage profond basées sur les réseaux de neurones, John Jumper conçoit un algorithme capable de transformer une simple séquence d’acides aminés en une structure tridimensionnelle précise, ce qui restait un défi majeur en biologie depuis des décennies. Cette prouesse a fait de lui une référence incontournable dans le domaine.
L’approche de John Jumper consiste à modéliser non seulement les relations locales entre les acides aminés, mais aussi les interactions globales qui déterminent la forme finale d’une protéine. Les modèles de prévision d’AlphaFold, rendus publics en 2021, ont changé la manière de travailler des laboratoires à travers le monde et ouvert de nouvelles perspectives pour la conception de médicaments.
Pourquoi ont-ils été récompensés ?
Demis Hassabis et John Jumper ont reçu le prix Nobel de chimie pour avoir développé AlphaFold, une avancée majeure dans la prédiction de la structure des protéines, facilitant la compréhension de nombreuses fonctions biologiques et accélérant les recherches en biotechnologie. Leur contribution a redéfini les limites de ce que l’IA pouvait accomplir dans le domaine des sciences naturelles, offrant un outil précieux à la recherche médicale et à la biochimie. Ils partagent leur prix avec David Baker, biochimiste de 62 ans, récompensé « pour la conception computationnelle de protéines ».
Google s’impose comme acteur majeur de l’IA et de ses applications
Ces quatre lauréats incarnent deux visions complémentaires de l’IA : l’une centrée sur la compréhension de l’apprentissage à travers des réseaux de neurones et l’autre orientée vers des applications concrètes en biochimie. Leurs travaux, bien que réalisés dans des contextes différents, montrent le rôle central que joue désormais l’intelligence artificielle dans la recherche scientifique.
Il est également à noter que ces distinctions illustrent la forte influence de Google dans le domaine : Demis Hassabis et John Jumper ont réalisé leurs recherches au sein de Google DeepMind, tandis que Geoffrey Hinton a également travaillé pour Google pendant près d’une décennie. La présence de ces trois chercheurs affiliés à la même entreprise, récompensés par deux Nobel consécutifs, témoigne de la capacité de Google à attirer des talents de premier plan et à investir massivement dans des projets d’IA d’envergure mondiale.