« C’est la première enveloppe de dépenses » : Meta, le géant préféré des annonceurs
Pour sortir de la 1re crise de son histoire, en 2022, Meta a réalisé des économies drastiques, mais a aussi musclé son offre publicitaire, notamment grâce à l’IA. Une stratégie payante.
« Ce fut un trimestre positif avec une bonne dynamique des produits et du business. » Lors de la traditionnelle conférence avec ses investisseurs, mercredi 30 octobre 2024, Mark Zuckerberg avait des raisons de se réjouir. Au troisième trimestre, Meta a une fois de plus surpassé les prévisions des analystes, enregistrant un chiffre d’affaires de 40,5 milliards de dollars, soit une augmentation de 19 % par rapport à l’année précédente. En juillet, déjà, Meta avait surpris Wall Street en publiant des résultats prometteurs pour le deuxième trimestre, malgré des investissements conséquents dans l’intelligence artificielle : 39 milliards de dollars de chiffres d’affaires (+22 %) et 13,5 milliards de dollars de bénéfices nets (+73 %).
Au-delà des chiffres, qui peuvent donner le tournis, ces bilan successifs révèlent autre chose : la capacité de l’entreprise californienne à renforcer son offre publicitaire – qui génère plus de 98 % de ses revenus – pour traverser les périodes de crises. Notamment celle de 2022, lorsque son statut hégémonique sur le marché était menacé pour la première fois.
2022, une année noire pour Meta
Car oui, il aurait fallu faire preuve d’un certain optimisme pour prévoir un rebond d’une telle ampleur en quelques mois. Les derniers bilans financiers de Meta contrastent en effet fortement avec celui qui avait été présenté par Mark Zuckerberg à ses investisseurs à l’automne 2022, lorsque l’entreprise californienne connaissait la première baisse de chiffres d’affaires de son histoire, et s’apprêtait à procéder à une vague de licenciements. Embourbé dans le développement du métaverse – qui avait, à l’époque, déjà coûté 21 milliards d’euros -, critiqué pour sa gestion d’Instagram par de nombreuses personnalités et enregistrant ses premières pertes d’utilisateurs sur Facebook, le groupe californien n’était plus vraiment en odeur de sainteté du côté de Wall Street. « En ce début novembre 2022, l’action avait alors touché son niveau le plus bas, sous les 90 dollars (83 euros, au cours actuel). Une division par quatre en quinze mois », contextualise le journaliste Arnaud Leparmentier dans un article du Monde.
Sur le plan commercial, en plus de la réduction des budgets publicitaires alloués par les annonceurs, la firme californienne subissait, comme d’autres géants de la tech, les effets de l’App Tracking Transparency (ATT) : un dispositif, déployé sur iOS 14.5, permettant de limiter le pistage publicitaire sur l’iPhone. Présenté par Apple en 2020, l’App Tracking Transparency imposait, à partir d’avril 2021, une nouvelle contrainte aux développeurs d’applications : obtenir le consentement explicite de l’utilisateur avant de suivre son activité sur d’autres applications et sites web à des fins publicitaires. Selon The Verge, le déploiement de ce dispositif aurait coûté près de 10 milliards de revenus à Meta, rien qu’en 2022.
« L’ATT a radicalement transformé le paysage publicitaire, confirme Théo Lion, PDG de l’agence Coudac, lors d’un entretien accordé à BDM. Il a affecté le ciblage des utilisateurs et la mesure des performances. Pour les utilisateurs qui refusent le suivi, il devient impossible de savoir s’ils ont converti sur le site des annonceurs. La métrique ROAS (Return on Ad Spend), qui est la plus importante pour les annonceurs, devient bien moins fiable. » Après avoir connu un âge d’or publicitaire de 2015 jusqu’à la pandémie de Covid en misant sur le « marketing push », afin de se distinguer de Google « qui s’était déjà positionné sur la publicité en réponse aux requêtes », rappelle Théo Lion, le numéro deux mondial de la publicité en ligne, derrière Alphabet (Google), connaissait cette année-là sa première véritable crise, qui a érodé au passage la fortune de son fondateur.
Pour retrouver le chemin de la croissance, Meta a renforcé son offre publicitaire
Pour sortir de cette spirale négative, Mark Zuckerberg avait annoncé que 2023 serait « l’année de l’efficacité », une promesse qu’il a tenue. Pour renouer avec la croissance, au-delà des économies drastiques et des changements structurels, Meta a musclé son offre publicitaire pour fidéliser davantage toutes les typologies d’annonceurs. Comment ? En misant sur le développement de technologies en interne, dont certaines s’appuient sur l’IA. Un pari semble-t-il payant : au troisième trimestre 2024, Meta génère 13 milliards de dollars de recettes publicitaires supplémentaires par rapport à la même période en 2022.
Une intégration croissante de l’intelligence artificielle
Selon Théo Lion, dont l’agence accompagne de nombreux clients comme la startup LegalStart ou les laboratoires Pierre Fabre, Meta a effectivement apporté plusieurs changements à son produit depuis 2022. Et ceux-ci ont rapidement montré des résultats positifs. Par exemple, l’entreprise californienne a drastiquement amélioré le rendement de ses outils automatisés, dont la suite Meta Advantage, grâce à ses investissements dans l’intelligence artificielle. « À ce stade, Meta réalise un meilleur ciblage que les annonceurs, Mark Zuckerberg l’a dit très clairement lors d’une conférence avec ses investisseurs », confirme Théo Lion, qui estime que le prochain chantier de Meta sera d’automatiser la création des assets publicitaires. « L’enjeu est de lever la dernière barrière qui limite la performance des annonceurs sur ses plateformes, la qualité des assets. C’est un domaine où Meta n’excelle pas encore, mais ils ont commencé à déployer quelques fonctionnalités. »
Meta s’est également amélioré sur la mesure avec l’introduction de l’AEM, ou Aggregated Event Measurement. Un outil qui permet de modéliser certaines conversions que Meta n’est pas en mesure de tracer directement, mais qui, selon l’entreprise, ont eu lieu grâce à ses plateformes.
Une alternative crédible aux cookies
En outre, Meta a trouvé des moyens technologiques lui permettant de compenser la disparition des cookies de navigation. « Meta a fortement encouragé l’utilisation de l’API Conversions, pour contourner la fin des cookies. Avec cette technologie, les entreprises peuvent choisir de partager les événements de conversion qu’ils ont collecté à Facebook, afin d’optimiser le ciblage publicitaire, de réduire le coût par résultat et de mesurer les résultats sur l’ensemble des technologies Meta. »
L’engagement pour retrouver le chemin de la croissance
Enfin, au-delà des progrès technologiques, Meta a capitalisé sur son point fort : générer et monétiser l’engagement de sa manne inépuisable d’utilisateurs. « Pour compenser la perte d’efficacité publicitaire et des données third-party, Meta devait exceller dans l’engagement et rester la première option sur Internet pour capter l’attention, toujours dans cette logique ‘push' », explique le PDG de l’agence Coudac. Pour cela, l’entreprise a repensé, affiné et renforcé ses formats les plus populaires auprès de ses milliards d’utilisateurs, notamment les Reels et les Stories, tout en améliorant les capacités de ciblage de ses algorithmes.
Aujourd’hui, Meta propose trois placements performants, même s’il y en a beaucoup d’autres : le fil d’actualité (feed) sur Facebook et Instagram, les Stories – principalement sur Instagram, car elles sont moins regardées sur Facebook – et enfin les Reels, qui commencent tout juste à être monétisés.
La somme de ces efforts technologiques et stratégiques a eu l’effet recherché : Meta a renoué avec la croissance, tant en termes d’utilisateurs que de revenus. Réfutant ainsi l’idée que ses plateformes, notamment Facebook, soient vieillissantes. Et qu’elles puissent être désertées par les annonceurs au profit d’applications plus populaires auprès de la jeune génération, notamment TikTok. « Personne n’a aujourd’hui le scale de Meta, qui bénéficie d’un volume massif d’utilisateurs, estime Théo Lion. « Seuls deux acteurs peuvent le concurrencer en termes d’usage : Google, avec YouTube, qui essaie de progresser sur les actions de conversion mais qui reste plus efficace sur le branding. Et TikTok, qui s’améliore rapidement mais qui, en termes d’utilisateurs, reste en dessous avec 21 millions d’utilisateurs actifs mensuels en France. » Pour l’expert Ads, aucun doute : « Quand tu es un annonceur, ta première enveloppe de dépenses, c’est Meta. »
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