X : le réseau social bloqué au Brésil, pour quelles raisons ?

Samedi 31 août 2024, le réseau social X a commencé à être bloqué au Brésil, après la décision d’un juge de la Cour suprême. Mais pour quelles raisons ?

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Elon Musk accuse la justice brésilienne de "censure", mais celle-ci a de bonnes raisons de bloquer l'accès à X. © Rafael Henrique - stock.adobe.com

Le juge Alexandre de Moraes, magistrat à la Cour suprême brésilienne, a ordonné « la suspension immédiate, complète et intégrale » du réseau social X, propriété d’Elon Musk, dans le plus grand pays d’Amérique latine. Une décision qui a commencé à être appliquée dès ce samedi 31 août 2024, et qui marque un nouvel épisode de la bataille entre le milliardaire et la justice brésilienne.

X bloqué au Brésil : quelle est la situation ?

Au Brésil, l’accès à X, anciennement connu sous le nom de Twitter, n’est plus possible pour certains utilisateurs. La « suspension immédiate » ordonnée par le juge Alexandre de Moraes a valeur « sur tout le territoire brésilien ». Pour ce faire, le magistrat a demandé à l’Anatel, l’agence nationale des télécommunications, « d’adopter toutes les mesures nécessaires » pour faire appliquer cette décision sans délai ou presque. Google, Apple et les fournisseurs d’accès à Internet se sont aussi vus exiger « d’introduire des obstacles technologiques capables d’empêcher l’utilisation de l’application X et l’accès au site web », informe Le Monde.

8 000 euros d’amende en cas d’utilisation d’un VPN.

Alexandre de Moraes a également menacé d’une amende les utilisateurs qui tenteraient d’utiliser des « subterfuges technologiques », principalement des VPN, pour accéder à la plateforme. Le réseau social restera suspendu jusqu’à ce qu’il se conforme aux décisions de la justice brésilienne. Celles-ci sont le fruit d’une longue bataille du juge Alexandre de Moraes face à la désinformation de masse produite sur la plateforme, et pour la suspension de certains comptes influents.

Un nouvel épisode d’une longue bataille judiciaire

Le blocage de X au Brésil est soudain mais pas inattendu. Les déboires de la plateforme avec la justice locale ne datent pas d’hier, et le combat d’Alexandre de Moraes non plus. Le Monde le présente comme la « bête noire de l’extrême droite » : il est chargé « des principales enquêtes visant l’ex-président Jair Bolsonaro », notamment celles concernant la diffusion de fausses informations sur les réseaux sociaux via des « milices numériques ». Après le saccage des institutions à Brasilia par des partisans bolsonaristes en janvier 2023, comme un écho des actes de militants trumpiste au Capitole à Washington deux ans plus tôt, le ton se durcit. Le juge ordonne ainsi le blocage des comptes de certaines personnalités « accusées de menacer la démocratie ou d’avoir intenté un coup d’État ».

Une « censure » pour le libertarien Elon Musk, aussitôt ajouté à la liste noire d’Alexandre de Moraes et donc menacé de poursuites au Brésil, notamment pour « obstruction à la justice ». Et face au refus du milliardaire de suspendre les comptes incriminés sur X, le juge inflige une amende quotidienne de 32 000 euros à la plateforme dès le 15 août 2024. Le propriétaire du réseau social réplique en ne payant pas l’amende et en annonçant la fermeture des bureaux brésiliens de X. Sans représentant légal sur le territoire, le réseau est hors la loi : malgré un ultimatum de 24 heures, personne n’est nommé. Alexandre de Moraes ordonne donc la suspension de la plateforme.

« Pour qui se prend » Elon Musk ?, interroge le président Lula

En dénonçant la tentative de X de se soustraire à « l’ordre juridique et au pouvoir judiciaire brésiliens, pour instaurer un climat de totale impunité et d’anarchie sur les réseaux sociaux, y compris durant les élections municipales de 2024 », Alexandre de Moraes a clairement montré sa volonté de tenir éloignée du processus démocratique la désinformation relayée massivement par certains comptes influents. Bien sûr, Elon Musk, qui fait plus qu’ouvertement campagne pour Donald Trump aux États-Unis et promoteur d’une liberté de parole sans barrière, s’est montré outré par les décisions de la justice brésilienne.

Alexandre de Moraes est un dictateur diabolique déguisé en juge, a écrit Elon Musk sur X.

« La liberté d’expression est le fondement de la démocratie et, au Brésil, un pseudo-juge non élu est en train de la détruire à cause de motivations politiques », a ajouté le milliardaire. Ce n’était pas la première fois qu’Elon Musk s’en prenait personnellement au juge brésilien, qu’il avait déjà qualifié, via son réseau social, de « honte pour la justice », invitant « le peuple brésilien » à « faire un choix : la démocratie ou Alexandre de Moraes ». Une situation et des propos qui ont obligé le président du Brésil, Lula, à réagir : « Pour qui se prend-il ? », a-t-il interrogé à propos d’Elon Musk, sur la radio MaisPB. « Tout citoyen de n’importe quelle partie du monde qui a des investissements au Brésil est soumis à la Constitution et aux lois brésiliennes. »

Bluesky bénéficie du blocage de X

Le duel entre la justice brésilienne et X est éminemment politique. Le pays d’Amérique latine est sorti avec peine de l’ère Bolsonaro, marquée notamment par les événements de Brasilia, et tente balayer les vestiges de ce moment important de son histoire récente. En face, Elon Musk peut regretter un bolsonarisme similaire au trumpisme qu’il affectionne. Avec X, au Brésil, il joue sur ces positions, arguant en façade que les demandes de la justice brésilienne sont contraires aux lois du pays, raison pour laquelle il ne les fait pas appliquer. Pourtant, le réseau social a déjà accepté des requêtes de blocage ou de restriction similaires, en Turquie, en Inde ou en Allemagne. Mais il semble que les décisions de X servent quelque part toujours les intérêts d’Elon Musk, soit pour appuyer sa vision, soit pour ne pas la décrédibiliser.

La suspension de X au Brésil a parallèlement fait quelques heureux. Bluesky, plateforme de microblogging décentralisée, a annoncé un record historique d’activité, avec 500 000 nouveaux utilisateurs en seulement deux jours. Le réseau social occupe actuellement la première position du classement des applications gratuites sur iPhone, juste devant Threads, le concurrent de X appartenant à Meta. « Félicitations Brésil, vous avez fait le bon choix », a publié la CEO de Bluesky, Jay Graber.

Bom trabalho Brasil, você fez a escolha certa

(good job Brazil, you made the right choice)

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— Jay 🦋 (@jay.bsky.team) Aug 31, 2024 at 22:54

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