Pourquoi Ouest-France continue de miser sur Facebook

Moins puissant qu’il n’a été, notamment pour générer du trafic, Facebook conserve néanmoins une place centrale dans la stratégie social media de Ouest-France. Loup Lassinat-Foubert, social media manager du quotidien, nous explique pourquoi.

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Sur Facebook, Ouest-France partage quotidiennement 60 publications entre 6h et 23h. © sharafmaksumov - stock.adobe.com

Facebook décline depuis des années, parait-il. Les jeunes l’abandonnent, son aura s’étiole, il est devenu impossible d’y exister sans payer. Voilà pour la théorie. Mais pour certaines marques ou certains médias qui ont patiemment construit leur communauté sur la plateforme – qui n’est « ni morte, ni mourante », avait dû rappeler Tom Alison, responsable de Facebook, dans un communiqué en 2023 – la réalité est plus nuancée. Pourquoi s’y investissent-elles encore, alors que la plupart des stratégies se concentrent désormais sur TikTok, Instagram et LinkedIn ? Qu’y trouvent-elles que les autres ne voient plus ?

Ouest-France fait partie de ceux qui y croient encore. Lors d’un entretien accordé à BDM, Loup Lassinat-Foubert, qui a occupé le poste de social media manager jusqu’en septembre 2025 avant de prendre en charge la diffusion des contenus audiovisuels, explique pourquoi le journal continue de miser sur cette plateforme lancée en 2004, certes désertée par la jeune génération, mais prisée par une partie du lectorat.

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Loup Lassinat Foubert, Social media manager chez Ouest-France

Journaliste de formation, passé notamment par les rédactions de Gamekult ou de Jeux Vidéo Magazine, Loup Lassinat-Foubert a intégré Ouest-France comme social media manager en 2019. Depuis septembre 2025, il occupe le poste de responsable de la diffusion des contenus audiovisuels.

Quelle place Facebook occupe-t-il aujourd’hui dans votre stratégie social media ?

Actuellement, c’est toujours l’un des réseaux principaux. La social room de Ouest-France a deux missions : d’un côté, la question du trafic et de l’autre, la question de la notoriété. Sur le trafic, il n’y a pas photo, Facebook reste le réseau par excellence pour générer de l’audience, encore aujourd’hui, notamment pour des raisons structurelles. D’une part, on peut envoyer des liens, contrairement à TikTok, ou Instagram qui fonctionnent davantage en vase clos. D’autre part, le public de Facebook est plus habitué à transiter vers des plateformes tierces, contrairement à X par exemple, où il était plus difficile de générer du clic. Dans cette perspective, Facebook reste très important. C’est d’ailleurs le seul réseau actuellement pour lequel on a un community manager dédié à temps plein. Chez Ouest-France, Facebook représente une page générale et 64 pages locales ou thématiques, ce qui représente au total plus de 2 millions d’abonnés. Ça fait une très grosse galaxie de pages, qui rapportent la quasi-totalité du trafic social du site.

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Ouest-France capitalise sur un large réseau de pages locales et thématiques. © Capture BDM

Ouest-France n’a pas été impacté par la baisse du trafic organique constatée depuis plusieurs années ?

Cette baisse, on l’a véritablement senti en novembre 2022. Il y a eu plusieurs étapes, en réalité. En janvier 2018, de mémoire, une modification de l’algorithme a été très favorable aux pages locales. Le fait d’avoir un tissu d’audience aussi large nous a permis d’avoir un « matelas », si je puis dire. Mais en novembre 2022, on a ressenti une baisse, comme d’autres médias. Et depuis janvier dernier, l’algorithme remet à nouveau les médias en avant : on constate que nos chiffres sont en forte hausse, et c’est vrai pour l’ensemble de la presse.

Le problème, c’est que Meta, qui était auparavant un partenaire avec qui il était simple de discuter, manifeste moins d’intérêt envers les médias aujourd’hui.

Quand Facebook News a été supprimé, Mark Zuckerberg expliquait que l’actualité ne représentait que 3 % des contenus consommés…

Ça dépend de ce que lui considère comme média. Et dans son algorithme, il met bien ce qu’il veut. S’il dit que les médias sont moins consommés, c’est aussi peut-être parce qu’il les met volontairement moins en avant. C’est facile de dire que son chien a la rage pour le tuer après.

À titre personnel, je pense que Mark Zuckerberg ne sait pas vraiment comment ses utilisateurs consomment Facebook, comme le prouvent ses dernières décisions sur le metaverse, qui en est l’exemple le plus coûteux et le plus parlant.

Facebook est-il devenu, selon vous, une plateforme moins virale que les autres ?

Effectivement, on réalise moins de “gros coups” sur Facebook, même si certaines publications fonctionnent très bien. On est sur une construction plus régulière, mais le rythme y est aussi plus soutenu. On partage 60 publications par jour, soit une toutes les 15 minutes entre 6h et 23h, d’où le besoin d’un community manager à temps plein.

La différence avec d’autres plateformes est aussi structurelle. Facebook n’est plus en phase de croissance, contrairement à TikTok où Instagram, où il est plus facile de faire des « coups ». Même si notre page principale et nos pages locales continuent de croître, globalement, le public est figé. Donc c’est moins spectaculaire, plus régulier.

Meta recycle souvent ses formats populaires, sans toujours se demander s’ils sont vraiment adaptés à chaque plateforme. Les formats Reels ou Stories sont-ils, par exemple, pertinents sur Facebook ?

Nous les utilisons. Ça a moins d’impact que sur Instagram, c’est une certitude. Chez Ouest-France, on est sur dix réseaux, avec une petite équipe, donc notre objectif est toujours de travailler en synergie, de créer des contenus polyvalents pour répondre aux habitudes de consommation. Ça ne veut pas dire qu’on publie tout partout, mais certaines choses se retrouvent sur différentes plateformes, pour différents publics. Il y a une certaine porosité entre Facebook et Instagram, même si ce n’est pas le même profil d’utilisateur : Instagram est plus jeune, plus centré sur l’image et la vidéo. Néanmoins, les contenus natifs sont aussi une bonne locomotive pour Facebook. Et toujours important, sur un réseau social, d’exploiter toutes les possibilités, qu’elles soient visuelles ou textuelles. Pour toucher différents publics, mais aussi envoyer les bons signaux à la plateforme, afin que l’algorithme soit le plus favorable possible.

Certains Reels cumulent plusieurs centaines de milliers de vues. © Capture BDM

Un des reproches faits à Facebook, c’est qu’il vieillit avec son audience. Est-ce que vous le constatez aussi ?

Oui. Et c’est assez amusant de voir que la moyenne d’âge sur Facebook augmente plus vite que la moyenne réelle. En cinq ans, on a l’impression que l’utilisateur moyen a pris dix ans, simplement parce que la jeune génération n’y est pas du tout, et qu’elle ne viendra probablement jamais. Mais la population au-delà de 40 ou 50 ans est toujours présente sur la plateforme. On décrit souvent Facebook comme un réseau mort ou inexistant, mais il ne faut pas oublier que la majorité de la population française a plus de 50 ans. C’est donc encore le réseau principal en termes d’utilisation. Et cette cible est proche de celle de nos lecteurs du journal. On n’y conquiert pas un nouveau lectorat, mais on est en affinité avec le lectorat classique du journal.

Pour une marque ou un média, n’est-il pas plus difficile de fédérer une communauté sur Facebook qu’il y a quelques années ?

Si, très clairement. Il est très difficile de se lancer aujourd’hui, et ce sera encore pire demain. Dès 2019, quand je suis arrivé chez Ouest-France, on faisait ce constat avec d’autres social media managers. Le marché de l’attention y est sclérosé, parce qu’il y a une immense foule d’acteurs. Miser uniquement sur l’organique est impossible, il faut un appui marketing. Sur Instagram, TikTok ou même Bluesky, dont les algorithmes fonctionnent différemment, il est plus simple de partir de zéro.

Ouest-France a-t-il déjà envisagé d’abandonner Facebook ?

Je ne crois pas qu’on se soit posé la question pour Facebook. Mais ça ne veut pas dire qu’on ne se la posera jamais. Nous observons l’évolution des différentes plateformes, pour s’assurer qu’elles soient toujours alignées avec nos valeurs. Ça, c’est la chose qui nous paraît la plus primordiale. En novembre, ça fera par exemple un an qu’on a quitté X.

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Si Meta assouplissait fortement la modération de Facebook, comme annoncé en janvier, cela pourrait-il vous faire changer d’avis ?

On est très attentifs à la modération. C’est ce qui nous a fait quitter X, mais les deux plateformes ne sont pas comparables. Sur Facebook, actuellement, on a encore les outils pour modérer nos pages : bloquer des gens, supprimer des messages, etc. Ce qui n’a jamais été possible sur X où il y a un refus de la modération, par principe. Heureusement, sur Facebook, les outils sont efficaces. Un multi-compte sera vite bloqué par un robot, par exemple. Donc, pour l’instant, les outils nous paraissent suffisants pour nous défendre contre la désinformation, le trolling, les agressions. Il n’y a pas de raison de partir, mais ça peut toujours évoluer.

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