Pourquoi et comment s’inspirer de la nature pour concevoir des produits numériques ?
Les produits numériques ne sont pas des objets inertes et froids. Ils sont interactifs, ils évoluent, tout comme les êtres vivants qui nous entourent. Comment s’en inspirer pour améliorer les services que nous concevons ?
En entreprise, nos choix dépendent notamment des situations que nous avons déjà connues. Nous avons été confrontés à des enjeux, nous avons parfois échoué, parfois réussi. Ces moments nous aident à grandir et améliorent la pertinence de nos actions futures. On s’appuie aussi sur le vécu de nos pairs, qu’il s’agisse de collègues, de confrères, de concurrents. Mais si les expériences passées sont si enrichissantes, pourquoi ne regardons-nous pas plus largement autour de nous ? Pourquoi ne nous intéressons-nous pas aux êtres vivants qui nous entourent et qui évoluent, survivent et s’adaptent aux situations auxquelles ils sont confrontés depuis près de 4 milliards d’années ?
Lors de l’édition 2022 du Web2day, dont BDM est partenaire, nous avons eu l’occasion d’assister à la conférence de Marion Simon, formatrice et consultante en redirection écologique, et Thomas Dupeyrat, designer associé chez Jujotte. Ils ont apporté un éclairage intéressant sur ce que la nature peut apporter à la conception des produits numériques.
S’inspirer des principes du vivant pour innover durablement
Le vivant fonctionne avec plusieurs principes clés : optimiser plutôt que maximiser, se fournir localement, se nourrir d’informations, utiliser des ressources avec parcimonie, perdre un peu pour mieux se protéger, adapter ses besoins aux ressources à disposition, miser sur la coopération plutôt que la compétition, maintenir un équilibre avec son écosystème, être ouvert pour créer des conditions favorables à la vie…
Le numérique n’applique que trop rarement ce type de fondement, et pourtant : s’inspirer de la nature présente des avantages intéressants. Notamment lorsque les crises, qu’elles soient sanitaires, écologiques ou économiques, interrogent nos modes de production et de consommation. Les conférenciers proposent alors une définition du biomimétisme.
C’est l’art de s’inspirer et de collaborer avec la nature pour innover de manière durable et soutenable afin d’essayer de répondre aux enjeux de notre époque, écologiques et humanistes.
Ils valorisent ensuite 3 manières de s’inspirer de la nature pour concevoir des produits, qu’ils soient d’ailleurs numériques ou non.
- Apprendre des résultats de l’évolution : c’est le biomimétisme de forme et de structure. Par exemple, en observant les baleines, on a amélioré le rendement énergétique des éoliennes et réduit les nuisances sonores.
- Apprendre des processus évolutifs : c’est le biomimétisme de fonction et de procédés. Par exemple, en observant les fourmis, on a créé des applications comme Waze pour optimiser les trajets en fonction des données d’utilisateurs.
- Apprendre des recettes des succès : c’est le biomimétisme d’organisation ou d’écosystème. Par exemple, les réseaux de mycélium communiquent des informations et des nutriments aux autres végétaux, on parle alors de Wood Wide Web, un parallèle évident avec le World Wide Web.
Créer des produits numériques responsables et « bio-inspirés »
Selon Marion et Thomas, cinq mots clés peuvent représenter la conception de produits responsables et inspirés par la nature : local, durable, sobre, résilient et systémique.
Local
Cela peut se traduire par l’usage de données stockées et échangées en circuits courts, avec une énergie produite localement, idéalement en boucle fermée. Les castors vont-ils chercher leur bois à l’autre bout de la planète ? On échange souvent avec des personnes proches de nous physiquement, les circuits empruntés ne sont malheureusement pas toujours les plus courts et transitent souvent par des serveurs trop distants.
Durable
Cela consiste à créer des produits solides, évolutifs, en boucle fermée, auto-régénérant – ou tout du moins, faciles à réparer, loin de toute notion d’obsolescence programmée. Le corps humain se répare naturellement, il évolue aussi en fonction de nous : on développe davantage de muscles si on fait du sport. Cela peut se traduire par des produits modulaires et personnalisables, des mises à jour plutôt qu’un remplacement de matériel.
Sobre
En utilisant des serveurs refroidis naturellement ? Les termitières bénéficient d’une ventilation naturelle, qui assure des températures fraîches même en plein désert. L’adaptation de l’énergie puisée est également citée, et cela rappelle par exemple l’intérêt d’un double CPU sur la future Pixel Watch, pour maximiser la performance ou l’économie en fonction du contexte d’usage. Globalement, l’idée est de faire preuve de sobriété dans les flux de données, dans les requêtes et les usages. Ne pas laisser Twitch en 4K en arrière-plan pour faire une présence, sur le modèle de nos parents qui laissaient parfois la TV allumée dans le salon.
Résilient
Dans la nature, tout est fait pour s’adapter et faire place à la vie, quoi qu’il arrive. On mise sur la diversité et la décentralisation. Si nous cultivons tous les mêmes plants de tomates et qu’une maladie s’attaque spécifiquement à cette variété, nous serons tous affectés. En diversifiant, on limite les risques. Le principe est similaire dans le numérique : si tout est basé sur des serveurs AWS et qu’Amazon tombe, on tombe tous ensemble ?
Systémique
Tout fonctionne en écosystème dans la vivant et le numérique a un intérêt fort à s’en inspirer. Plutôt que de penser individu, utilisateur isolé, on gagne à penser aux groupes, en réalisant des cartographies des parties prenantes et des impacts de nos conceptions. Les solutions trouvées pour un utilisateur peuvent décaler une problème vers quelqu’un d’autre, c’est à prendre en compte.
Si ces concepts vous intéressent, les auteurs de la conférence ont conçu ce document collaboratif pour référencer les exemples d’adaptation du vivant et leurs correspondances numériques. Vous pouvez aussi consulter asknature.org, une base de données complète sur les stratégies du vivant : un site intéressant pour élargir sa vision de la conception produit.