Quelle place pour les marques sur le marché des podcasts ?

Alors que le podcast est devenu en quelques années un vrai phénomène, aussi bien du côté des créateurs que des marques ou du grand public, nous avons interrogé Grégory Pouy pour mieux comprendre ce marché. Podcasteur, expert en marketing digital et créateur du studio Plink ou du collectif Gang des mutants, il nous livre sa vision sur les bonnes pratiques, la place des marques ou encore le futur du secteur.

Podcast
Le podcast, un marché en pleine expansion. Crédit : Visual Generation / Getty.

Qu’est-ce qui t’a amené à t’intéresser aux podcasts ?

Grégory Pouy : Cela fait 15 ans que j’ai un blog. Ces dernières années, j’ai remarqué que les internautes lisaient moins. Je me suis toujours concentré sur des papiers longs formats, pas sur des news ou des articles courts. Les gens n’ont plus le temps pour cela, l’attention à 100% est complètement saturée. Je travaillais et vivais à l’époque à New York, où j’ai pu voir éclore la tendance des podcasts, et rencontrer des personnes qui s’impliquaient dans ce nouveau format. Cela m’a poussé à m’y mettre et à aller chercher une audience différente, l’audio m’aidant également à donner un vrai ton à mes interventions. J’ai donc passé du temps à explorer cet univers et à développer mon propre podcast, qui est par la suite devenu un acte politique dans ma manière de l’envisager.

Comment en es-tu venu à lancer ta propre société ?

Pierre-Henri Samion, qui était un ancien client, avait des studios depuis bien longtemps. Naturellement, dès que j’avais un problème en lien avec l’audio, je me tournais vers lui, car c’est un professionnel avec 30 ans d’expérience. Quand j’ai lancé mon podcast, il m’a proposé de venir l’enregistrer dans ses locaux. En parallèle, il avait des demandes de marques, tout comme moi. De manière naturelle, nous nous sommes donc associés pour unir nos compétences, qu’elles soient techniques, marketing ou de réseau. C’est comme cela qu’est né le studio de podcasts Plink.

Nous travaillons avec de nombreuses marques, comme Instagram avec qui nous venons de lancer « Instapodcast », mais aussi Uber (avec « Drive »), LVMH, L’Oréal, Orange, la Sacem ou encore Greenpeace. On travaille aussi bien sur des podcasts grand public que sur de l’interne, des workshops ou du corporate.

A quoi ressemble actuellement le marché du podcast ?

Je pense que la croissance du nombre de personnes qui proposent des podcasts est plus importante que la croissance du nombre de personnes qui en écoutent. Il y a deux types de podcasts. D’un côté, le replay de radio, qui prend une énorme place, et qui a un modèle économique en lien direct avec son activité historique. L’écoute différée est un usage de plus en plus répandu, dans la continuité de l’expérience radio classique. De l’autre, il y a les acteurs qui misent sur les créations originales, avec de nombreux studios qui se sont créés dans la lignée de Gimlet, acteur US qui a été acheté par Spotify 230 millions de dollars l’année dernière. Il y a également de nombreux indépendants qui se sont lancés et qui en créent. On assiste également actuellement à une montée en puissance de l’importance des géants du web. Google a complètement changé l’algorithme de référencement des podcasts, Apple commence à investir de l’argent dans la création, tout comme Netflix et Spotify. De manière naturelle, cette création de contenus de très bonne qualité devrait pousser plus de gens à en écouter.

En France, on peut chiffrer les auditeurs réguliers à 4 ou 5 millions. C’est à la fois peu et beaucoup. L’audience est très CSP+, très urbaine et très féminine. Pour moi, cela reste une niche. Plus globalement, je pense que l’on est encore à la première phase de la courbe de Gartner. Nous allons probablement aller vers une désillusion, avant une nouvelle croissance qui amènera sur un plateau.

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Dans ce contexte, quelle place peuvent prendre les marques dans la création des podcasts ?

Je pense qu’actuellement, 80% des demandes des marques sont de simples tentatives de surfer sur la vague, sans réel besoin ou stratégie. Souvent, cela signifie un manque de budget et un manque de volonté. Les agences, de leur côté, poussent aussi leurs clients vers ce nouveau format, qui est devenu la nouvelle poule aux œufs d’or.

Mais il y a aussi des marques qui ont compris ce qu’elles pouvaient faire. Elles tentent d’utiliser les podcasts pour toucher une attention particulière, pour être dans l’intimité, pour aborder des sujets qu’elles n’auraient pas abordé autrement. Ce ne sont pas les plus nombreuses, mais elles existent. Cela peut prendre la forme de fictions, de documentaires, de témoignages… Celui que l’on vient de lancer avec Instagram, par exemple, arrive de manière très logique. L’idée de faire des interviews de personnes qui ont réussi sur le réseau n’est pas compliquée, mais elle est très cohérente et apporte des réponses à de nombreuses questions posées par les utilisateurs.

Quels autres choix ont-elles pour être visibles dans le paysage des podcasts ?

Je ne favorise jamais le modèle purement publicitaire qui consisterait à mettre une pub « radio » sur un podcast. Selon moi, il y a trois manières pour les marques de se placer sur ce marché. La première est de créer son podcast. La deuxième est de se mettre en « host read », via un message en introduction du podcast (par exemple), par le podcasteur lui-même. Enfin, elle peut faire l’objet d’un podcast dédié, mais chez un podcasteur déjà établi, à travers un épisode sponsorisé. Dans tous les cas, c’est important de se positionner sur un modèle d’influence, et pas de publicité classique, et d’utiliser le pouvoir de recommandation du podcasteur choisi.

Reste-t-il de la place au niveau des sujets abordés par les podcasts ? D’ailleurs, tous les sujets méritent-ils d’être traités sous ce format ?

Tout dépend de qui le traite, comment il le traite et qui il vise. Selon moi, nous sommes dans un marché multi-niches. Certains sujets sont plus « grand public », comme Bliss Stories ou Change ma vie, qui s’intéressent au développement personnel et à la grossesse et qui cumulent plus de 500 000 écoutes chaque mois. Si le podcast que l’on souhaite faire traite de l’histoire médiévale, il y aura moins d’auditeurs, mais ils seront passionnés. Il reste donc beaucoup de place dans l’univers des podcasts, tout dépend des objectifs que l’on se donne. On dit que 75% de l’audience de YouTube est faite par les petites chaines. C’était la même chose pour les blogs à leur grande époque. On a le même schéma du côté des podcasts, où la nano-influence continuera à être forte, même si elle sera moins visible.

Tu as créé le Gang des mutants il y a quelques mois, tu as une activité de régie avec Plink, tu continues le podcast Vlan!… Peux-tu nous en dire plus sur ces activités ?

Le Gang des mutants est un groupe que j’ai créé sur WhatsApp, dans le but de nous aider entre indépendants créateurs de podcasts. On y retrouve par exemple Pauline Laigneau (Le Gratin), Clotilde Dusoulier (Change ma vie) Clémentine Galey (Bliss Stories), Mathieu Stefani (Generation do it yourself) ou encore Pauline Grisoni (La Leçon). Le marché se plateformise, les indépendants peuvent vite se sentir seuls. A côté, il y a la régie Plink, qui est une réponse à certains acteurs qui prennent des marges énormes sur les revenus publicitaires proposés aux podcasteurs. Nous prenons moitié moins, pour rémunérer de manière plus juste. Le respect est une valeur essentielle qui s’est perdue, qu’il s’agisse du respect des annonceurs, des auteurs ou des auditeurs. Le marché du podcast est assez récent, il ne faut pas oublier cette valeur essentielle dans sa construction.

Du côté de Vlan!, j’en suis à 120 épisodes, avec 150 000 auditeurs en moyenne. La suite s’inscrira comme une en(quête) sur ma manière d’envisager le monde. J’en profite pour réfléchir à comment on va s’en sortir face aux défis qui nous font face. Il y a deux énergies très fortes en ce moment, la peur, et une énergie plutôt positive. J’essaie de pencher vers la seconde avec Vlan!. J’ai envie d’entraîner les gens vers cette énergie positive de changement. Je vais d’ailleurs publier un livre sur le sujet le 25 mars, « Insoutenable paradis : écologie et mode de vie, réagir sans tout sacrifier ».

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