Comment organiser ses équipes tech pour développer plusieurs marques et produits

Quand une équipe technique grandit, il n’est pas toujours évident de déterminer une organisation optimale. Comment unifier les pratiques et les outils ? Comment gagner en efficacité tout en préservant l’ADN de chaque marque ou chaque produit ?

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Comment éviter les crises de croissance, harmoniser les pratiques et respecter l'ADN de chaque marque ? © REDPIXEL - stock.adobe.com

Lors du Web2day, dont BDM est partenaire, nous avons eu l’occasion d’assister à l’intervention de Nicolas Silberman. Le CTO et CPO de Unify, la filiale digitale de TF1 en charge de marques comme Marmiton, Doctissimo et aufeminin, a été confronté à un certain nombre de challenges. Les équipes surévaluaient leur capacité à faire, côté produit et développement. Elles devenaient des entonnoirs à projets, j’ai besoin de ceci, ce sera fait quand, plutôt que des entonnoirs à problèmes qui portent une expertise et doivent apporter des solutions, voici ma problématique, comment la résoudre. Il était nécessaire d’harmoniser les méthodes tout en conservant les propriétés uniques de chaque marque. L’objectif n’était pas de construire une usine à sites web, mais dans le même temps, il est inutile de réinventer la roue pour chaque marque. Il livre plusieurs axes de réflexion qui peuvent aider les services produits et techniques à structurer leurs pratiques.

Les rôles et l’organisation

La loi de Conway

Le premier axe consiste à définir les rôles des équipes. Nicolas s’appuie d’abord sur la Loi de Conway, qui consiste à dire que :

Les organisations qui conçoivent des systèmes […] tendent inévitablement à produire des designs qui sont des copies de la structure de communication de leur organisation.

Ce principe peut encourager les équipes techniques à tendre vers une organisation qui correspond à l’architecture des logiciels. Cette cohérence permet d’éviter un certain nombre d’écueils de conception et de communication.

La grille de Team Topologies

Il conseille également la lecture de Team Topologies, de Matthew Skelton et Manuel Pais. Cet ouvrage propose une définition des rôles et des modes de communication que peuvent adopter les équipes techniques pour gagner en efficacité. Vous pouvez d’ailleurs consulter le site officiel, qui met à disposition de nombreuses ressources pédagogiques. Le modèle consiste en la valorisation de 4 types d’équipes, dont les rôles sont définis.

  1. Stream-aligned : leur objectif est de satisfaire le client final, avec qui elles sont en contact. Leur roadmap est alignée sur le feedback des utilisateurs.
  2. Platform : elles conçoivent des outils utilisés par les équipes stream-aligned. Leur roadmap est au service des besoins des équipes stream-aligned.

Deux autres modèles d’équipes transverses sont évoqués : enabling (qui facilitent, qui aident à améliorer) et complicated subsystem (des équipes éphémères qui défrichent des sujets complexes, puis diffusent la connaissance ou donnent naissance à de nouvelles équipes permanentes).

Le positionnement des équipes techniques

Chez Unify, il existe désormais deux positionnements principaux. Les équipes marques (aufeminin, Doctissimo, Marmiton…) et les équipes plateformes (CMS, publicité, analytics, vidéo…). Les équipes plateformes conçoivent ainsi les outils et les services des équipes marques.

Elles ne font pas la pluie et le beau temps sous prétexte qu’il s’agit d’équipes transverses : elles sont bel et bien au service des équipes marques. D’ailleurs, leur KPI est aligné sur leur raison d’être, puisqu’il s’agit de la satisfaction des équipes marques pour lesquelles elles développent des applications.

Quant à elles, les équipes marques vont développer les sites et applications utilisés par les internautes. Elles transmettent aux équipes plateformes leurs besoins, pour que ces dernières puissent monter leurs roadmaps. Leur KPI est l’audience et les revenus. On ne leur demande pas de développer des services à la place des équipes plateformes, mais il ne faut pas casser l’innovation pour autant. Elles peuvent donc créer et tester des services qui pourraient être utiles à tous ; et si cela semble être le cas, elles transmettent leurs idées et leurs premiers développements aux équipes plateformes, pour en faire bénéficier toutes les marques.

Unify intègre également des équipes d’enablers en transverse et des équipes adhoc pour prendre certains sujets spécifiques en main.

La composition des équipes

Les équipes de la filiale du groupe TF1 accueillent toutes plus ou moins les mêmes spécialités : un product owner, un tech lead, des développeurs, parfois un product manager… Les rôles du produit ont été clarifiés.

  • Le product manager porte une vision produit à long terme, stratégique, ambitieuse. Il est l’acteur des phases de discovery. Son activité est conceptuelle, il priorise les Epics. Il s’intéresse à l’audience et aux résultats commerciaux.
  • Le product owner traduit la vision business du product manager aux équipes de développement, pour concevoir des fonctionnalités intelligibles et actionnables dans les backlogs. Ils représentent les besoins des utilisateurs auprès des développeurs. Ils ont une vision tactique et réaliste du produit, avec un focus à moyen terme. Leurs indicateurs sont la complétion des User Stories et des KPI liés à la performance de l’équipe de réalisation comme la vélocité.

Les outils et les méthodes

Lorsque des équipes techniques évoluent en parallèle, sans synchronisation forte, elles développent des pratiques et des méthodes parfois très différentes. Ces particularités freinent le pilotage global et la vision d’ensemble. Aussi, elles rendent plus difficiles les transferts d’un membre d’une équipe à une autre.

Pour réussir à harmoniser les pratiques chez Unify, Nicolas Silberman a commencé par réduire le nombre d’outils utilisés. Et beaucoup de questions ont été posées à chaque équipe avant d’agir.

Combien de temps durent vos sprints ? Avez-vous une Definition of Done et une Definition of Ready ? Connaissez-vous la méthode que vous utilisez ?

Des questionnaires anonymes ont été transmis pour obtenir une information factuelle et exploitable, afin de déterminer les outils et la hiérarchie des objets à utiliser. Il a ainsi été décidé de basculer sur Jira, avec des éléments définis clairement : Epic, User Story, Task, Bug, Subtask…

Pour les méthodes, des directions ont été prises selon les types d’équipes :

  • Équipes marques : elles ont besoin d’un rythme, et Scrum répondait bien aux problématiques. Elles réalisent des rendez-vous réguliers et peuvent communiquer en interne sur leurs cycles et les releases.
  • Équipes plateformes : leurs rôles sont différents, la méthode la plus adaptée aussi. Elles sont aujourd’hui basées sur Kanban avec des colonnes déterminées (team backlog, analyse, review, build, integrate and test) pour répondre au besoin de support en continu, pour faire évoluer les outils en permanence. Cela convient parfaitement aux équipes stream-aligned.

Bien évidemment, l’accompagnement au changement fut essentiel pour mener à bien ce projet. Les objectifs ont été définis avec les équipes, le diagnostic a été réalisé en collaboration, des sessions de formation et des ateliers ont été organisés. Enfin, un suivi important a été mis en place pour continuer à échanger et assurer une continuité des méthodes dans le temps.

La communication dans l’entreprise

Nicolas Silberman termine son propos sur la communication, et plus précisément sur les rituels qui ont été mis en place pour favoriser l’évangélisation sur les développements réalisés.

On était des boîtes noires, on ne savait pas comment fonctionnaient et ce que faisaient les autres équipes.

Deux rendez-vous réguliers ont été mis en place.

La product review

Tous les 15 jours, les développements en cours sont présentés. Tous les sujets « invisibles » sont également évoqués : optimisations, performance web, POC, phases de product discovery… Ces sessions durent entre 30 minutes et une heure et sont ouvertes à toute l’entreprise – pas uniquement aux équipes techniques.

Le taux de présence des collaborateurs hors équipes techniques est important. Il est essentiel de partager avec tous sur les sujets en cours. Cela permet de valoriser les développements et cela contribue à fissurer la boîte noire qui peut exister entre la technique et les autres services.

Les comités de marques

Toutes les 6 semaines, les parties prenantes de chaque marque se réunissent (direction de la marque, technique, produit, référencement, affiliation…). Objectif : faire le point sur les indicateurs et échanger pour faire des choix, valider des changements d’orientation, avec tous.

Accompagner le changement et s’adapter

Dans le même esprit que les principes des méthodes agiles, l’idée plus globale consiste à écouter, s’adapter et proposer un accompagnement permanent aux changements. Si l’organisation choisie est telle qu’elle est aujourd’hui, elle est toujours vouée à être modifiée et s’ajuster au contexte, à l’expérience vécue, aux résultats, au ressenti de chacun.

Nicolas Silberman est venu au Web2day pour présenter les cheminements réalisés dans son entreprise pour favoriser l’innovation : chaque entreprise est unique, les clés pour structurer dépendent de beaucoup d’éléments particuliers (culture, personnalités, observations…). Mais ce retour d’expérience donne des pistes de réflexion intéressantes pour structurer les équipes techniques, qui atteignent une certaine dimension et son parfois confrontés à une crise de croissance.

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