Offrir une contrepartie contre un avis en ligne : c’est légal, ça ?

Proposer une contrepartie contre un avis en ligne est une pratique répandue. Mais qu’en dit la loi ?

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Vous ne pouvez pas offrir une contrepartie contre un avis, même sincère. © Kari_designer - stock.adobe.com

Certaines pratiques numériques courantes restent juridiquement ambiguës pour les non-initiés. Entre usages bien ancrés, zones grises du droit et récentes évolutions réglementaires, il est difficile de savoir précisément ce qui est autorisé, toléré ou interdit. Pour y voir plus clair, BDM publie une série d’articles qui explorent la légalité de ces pratiques, avec l’éclairage d’avocats spécialisés en droit du numérique et en propriété intellectuelle.

Aujourd’hui, nous nous intéressons à la question suivante : est-il légal d’offrir une contrepartie en échange d’un avis laissé sur Google, TripAdvisor ou d’autres services d’avis en ligne ? Pour y répondre, nous avons bénéficié de la contribution de Maître Yann-Maël Larher, du cabinet YML Avocat, et de Maître Jérôme Giusti, du cabinet Metalaw.

Un avis contre une contrepartie : une pratique répandue mais illégale

Vous avez certainement déjà été confronté à un commerçant qui vous proposait de laisser un avis positif, sur Google ou TripAdvisor par exemple, en échange d’une petite contrepartie : remise, bon d’achat, échantillon, cadeau… Et si l’offre est alléchante, cette pratique est pourtant illégale.

Cela va de soi : effectuer un échange monétaire pour acheter de faux avis est interdit par la loi. Mais la réglementation va plus loin : proposer une réduction, un cadeau ou un avantage en échange d’un avis constitue également une pratique répréhensible. Maître Larher nous éclaire : « Demander des avis est légal, mais payer pour avoir des « faux » avis positifs est interdit ». L’article L111-7-2 du Code de la consommation, issu de la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique, et précisé par le décret du 29 septembre 2017, « impose une obligation de loyauté, de clarté et de transparence à toute personne physique ou morale dont l’activité consiste, à titre principal ou accessoire, à collecter, modérer ou diffuser des avis en ligne provenant de consommateurs ». En clair, vous ne pouvez proposer aucune sorte de contrepartie pour obtenir un avis.

Offrir une contrepartie en échange d’un avis positif sur Google est une pratique commerciale pouvant être qualifiée de trompeuse […], car cela fausse la sincérité de l’avis de la personne ayant été incitée, complète Maître Giusti.

Que risque un commerçant qui s’adonnerait à cette pratique ? Jusqu’à « deux ans d’emprisonnement et/ou 300 000 € d’amende. Ce montant peut être porté jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires moyen annuel ou 50 % des dépenses engagées pour la réalisation de la pratique frauduleuse », précise Maître Larher.

La manipulation d’avis peut également engager la responsabilité civile de l’auteur, notamment en cas de préjudice moral ou commercial causé à des tiers, concurrents ou consommateurs, ajoute Maître Larher.

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Cette roue propose de remporter des cadeaux en échange d’un avis Google. © Capture BDM

Les plateformes d’avis durcissent également le ton

Certains commerçants peuvent être tentés d’offrir des contreparties en échange d’avis sincères (c’est-à-dire pas forcément positifs). Et s’il peut sembler y avoir une zone grise, un détour dans les conditions d’utilisation des différentes plateformes en ligne permet de lever le moindre doute. En effet, en plus de la réglementation française, la plupart des plateformes sanctionnent encore plus fermement cette pratique :

  • Fiche Google : dans ses guidelines, Google précise qu’il est interdit de « proposer des avantages (comme un paiement, des remises, des produits et/ou services gratuits) en échange de la publication d’un avis, ou de la modification ou suppression d’un avis négatif ». Par ailleurs, Maître Giusti précise que « Google se réserve le droit de supprimer ce type d’avis artificiels et/ou de pénaliser la fiche de l’établissement ».
  • TripAdvisor : la plateforme est également très claire à ce sujet : « Contrairement à d’autres plateformes, nous autorisons les propriétaires d’établissement à demander des avis, mais nous ne leur permettons sous aucun prétexte d’offrir des récompenses en échange. »  TripAdvisor se réserve le droit de supprimer les avis jugés frauduleux et de déclasser les établissements qui enfreignent ces règles.
  • Trustpilot : l’outil d’avis en ligne affirme également qu’il est interdit de « rédiger un avis si on vous a alloué ou proposé un incitatif (comme des bons de réduction, des récompenses financières ou des points de fidélité) en échange ».
  • Avis Vérifiés : de son côté, Avis Vérifiés tolère les avis avec contrepartie, si et seulement si cette contrepartie est clairement signalée, à l’aide de la mention « Récompensé et vérifié »  (comme l’autorise la loi via la directive Omnibus).

En résumé : il est possible, sur certaines plateformes uniquement, d’offrir une contrepartie contre un avis, à condition que cet échange soit clairement indiqué. Il est donc primordial de consulter les règles de chaque plateforme en amont, pour éviter toute sanction.

Comment récolter des avis en toute légalité ?

Les avis clients sont devenus un réflexe pour de nombreux consommateurs avant un achat, en ligne ou en boutique. Selon l’étude menée par Partoo l’an dernier, 71 % des consommateurs affirment que la note moyenne d’une entreprise influence fortement leur choix de se rendre dans un établissement ! Un enjeu de taille donc, qui a même poussé TikTok à intégrer récemment une fonctionnalité dédiée sur sa plateforme pour concurrencer des acteurs comme Google.

Mais alors, comment obtenir plus d’avis tout en respectant le cadre légal ? Voici trois conseils :

  1. Simplifier la démarche : facilitez au maximum le dépôt d’avis, via un lien direct qui pointe vers votre fiche Google ou une autre plateforme d’avis, ou encore un QR code à scanner après un achat, en le positionnant à un endroit stratégique (sur une table, sur un ticket de caisse, dans un mail…). Évitez les formulaires trop longs ou les étapes multiples, plus c’est simple, plus vous aurez d’avis !
  2. Oser demander : n’hésitez pas à demander des avis ! Beaucoup de clients satisfaits ne pensent pas spontanément le dire, mais le feront volontiers si on leur en donne l’occasion. Demandez simplement sans insistance et sans contrepartie, bien sûr. La demande peut être orale ou bien être intégrée au parcours client quelques jours après l’achat, par exemple.
  3. Valoriser les avis existants : montrez que vous lisez et prenez en compte les retours. Répondez aux avis de façon sincère, surtout en cas d’insatisfaction, pour montrer votre réactivité. Affichez les avis positifs sur votre site ou sur vos réseaux sociaux. Cela rassure les potentiels consommateurs et montre à vos clients actuels que leur avis est utile.
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Yann-Maël Larher, Avocat en droit du travail et du numérique

Yann-Maël Larher est avocat au Barreau de Paris, docteur en Droit, spécialisé en droit du travail, droit du numérique et cybersécurité. Il conseille entreprises et collectivités sur l’impact des technologies sur le travail. Il est également membre du Conseil d’Administration de l’Association Française des Docteurs en Droit (AFDD).

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Jérôme Giusti, Avocat spécialisé en innovation et numérique

Jérôme Giusti est avocat au barreau de Paris, spécialisé en propriété intellectuelle et en droit du numérique. Engagé sur les questions d’innovation responsable, il codirige également l’Observatoire justice de la Fondation Jean Jaurès.

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