Noms de domaine : qui se cache derrière les extensions .AI, .IO, .TV, .NU ?

Plusieurs extensions nationales de domaines web sont détournées de leur usage premier pour servir d’autres desseins. Et derrière le .AI, .TV ou .IO se cache un véritable business.

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Détournées de leur utilité première, certaines extensions web représentent une importante manne financière. © Modern Design & Foto - stock.adobe.com

Les noms de domaine sont plus qu’une simple adresse web. Derrière certaines extensions se cache une histoire géopolitique, économique ou marketing. Quand le .ai évoque l’intelligence artificielle, le .tv fait penser à la télévision et le .io au monde des startups, il ne faut pas oublier qu’ils sont à l’origine liés à de minuscules territoires insulaires. Leur détournement raconte autant l’évolution d’Internet que celle de la place et de la souveraineté de ces micro-États dans l’économie mondiale.

Des extensions nationales devenues des marques mondiales

Certaines extensions nationales de domaines ont connu une destinée inattendue, détournées de leur vocation première pour devenir des outils de communication à l’échelle planétaire.

.AI : d’Anguilla à l’intelligence artificielle

L’extension d’Anguilla, territoire britannique des Caraïbes, a explosé grâce au boum de l’intelligence artificielle. De 5 000 enregistrements en 2015 à plus de 850 000 mi-2025, selon l’Afnic, elle est devenue incontournable pour les acteurs de l’IA. Cette croissance a généré environ 32 millions de dollars de recettes publiques en 2023, soit plus de 20 % du budget du territoire, a estimé le Fonds Monétaire International (FMI). Actuellement, on peut citer les sites de Perplexity, de Claude ou de Character, tous en .AI.

.IO : du cœur de l’océan Indien à l’input/output

Attribué au territoire britannique de l’océan Indien, qui regroupe environ 2 300 îles, le .IO est plébiscité par les startups technologiques pour sa proximité avec le terme informatique « input/output ». Avec plus de 1,1 million de noms enregistrés en 2025, il illustre la puissance marketing d’une extension, qui n’était associée qu’à 45 000 sites en 2014. À l’heure actuelle, ses représentants les plus connus sont probablement github.io ou encore itch.io. Son avenir reste toutefois incertain depuis que la souveraineté des îles a été reconnue à Maurice (.MU), ce qui alimente le débat sur la pérennité de ce domaine. « Mais il est peu probable que le gouvernement mauricien renonce à cette importante source de revenus », précise l’Afnic.

.TV : Tuvalu ou télévision ?

Le .TV, code de Tuvalu, archipel polynésien composé de 9 atolls, a séduit l’industrie de l’audiovisuel et du streaming grâce à sa ressemblance avec l’abréviation du mot « télévision ». Il a atteint plus de 500 000 enregistrements à son apogée, selon l’Afnic. Malgré un certain recul, il reste une manne financière majeure pour ce micro-État qui, en 2019, percevait 7 millions de dollars par an, soit environ 8,4 % de ses revenus, selon des données gouvernementales. Les sites les plus connus exploitant cette extension sont notamment Twitch.tv ou, plus proche de nous, France.tv.

.NU, du Pacifique à l’Europe

Attribué à Niue, un des plus petits territoires au monde situé dans le Pacifique Sud, le .NU a connu un succès inattendu en Suède, au Danemark et aux Pays-Bas notamment, où « nu » signifie « maintenant ». Avec plus de 500 000 enregistrements à son pic en 2017, il a incarné modernité et instantanéité dans le nord du Vieux Continent, bien loin de l’îlot isolé au large des Tonga. En déclin aujourd’hui, il reste au cœur de litiges sur la répartition des revenus entre Niue et l’opérateur suédois qui en assure la gestion.

Des échecs et un ancêtre

Certains détournements n’ont pas trouvé leur public. Le .MD de la Moldavie, qui devait séduire le secteur médical, plafonne à un peu plus de 30 000 enregistrements, toujours selon l’Afnic. Le .SR du Suriname, brièvement proposé comme extension pour la « silver economy », n’a jamais dépassé 4 500 enregistrements, et n’a pas connu plus de succès chez les secrétaires de rédaction.

Fait étonnant, le .SU, délégué à l’Union soviétique en 1990, pour Soviet Union, existe toujours près de 35 ans après la disparition de l’URSS. Utilisé par environ 100 000 sites, il reste un fossile du web et le témoin d’une époque où la gouvernance technique n’était pas encore formalisée.

Souveraineté, revenus et fractures numériques

Comme évoqué, ces extensions ne relèvent pas seulement d’un choix marketing. Pour certains territoires, elles pèsent réellement dans les finances publiques. Tuvalu tire encore plusieurs millions de dollars par an du .tv, une manne en recul mais toujours importante pour un État de 10 000 habitants. Anguilla connaît l’évolution inverse, les revenus du .ai ayant bondi avec la vague de l’IA, au point de représenter plus d’un cinquième du budget du territoire selon le FMI.

Dans d’autres cas, les retombées échappent largement aux pays concernés. Le .io et le .nu rapportent surtout à des opérateurs étrangers, quand les populations locales en voient peu les effets. Des chercheurs et des médias comme Wired parlent de « colonialisme numérique », une exploitation d’une ressource en ligne qui profite à d’autres qu’à leurs ayants droit légitimes. L’exemple de Niue illustre cette tension. Son .nu a généré des millions en Europe sans bénéficier à l’île, qui cherche encore à en récupérer la maîtrise.

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