Faire d’une newsletter un média : retour d’expérience de Géraldine Dormoy

Géraldine Dormoy, responsable éditoriale web de L’Express Styles, explique la manière dont elle a mis en place sa newsletter personnelle pour L’Express.

newsletter perso
Crédit : Getty/Zontica

Certains la croyaient en perte de vitesse, mais la newsletter revient en force depuis quelques années. A l’instar d’Eric Dupin avec Citronium, Géraldine Dormoy a fait le choix de lancer une newsletter personnelle pour s’adresser de manière directe à ses lecteurs. Réalisée pour le compte de L’Express, où elle est responsable éditoriale web de Styles, elle offre chaque semaine un édito mettant en avant ses pensées, opinions et envies. Nous avons interviewé Géraldine Dormoy sur les raisons qui l’ont poussée à remplacer son blog par cette newsletter, mais aussi sur les ingrédients d’une newsletter personnelle réussie.

Quand et comment as-tu lancé ta newsletter personnelle éditée pour L’Express ?

Je suis arrivée à L’Express alors que j’avais un blog qui s’appelait Café Mode, créé en 2005, qui s’est renommé en geraldinedormoy.com depuis. S’il est en sommeil aujourd’hui, il a longtemps été très actif et bénéficiait d’une communauté très fidèle. En janvier 2017, alors que les blogs étaient moins dans l’air du temps, mon éditeur m’a suggéré de trouver un moyen de conserver le ton que les lecteurs du blog appréciaient, mais cette fois directement en lien avec le site L’Express. Il m’a alors proposé une newsletter en me disant de garder ma plume et la ligne éditoriale de mon blog, et de l’envisager de la même manière qu’un éditorial de presse magazine. Cela me permettait de continuer à m’adresser à ma communauté mais aussi aux lecteurs et lectrices de L’Express.

En quoi le format change-t-il par rapport à un espace en ligne comme Café Mode ? Quelles sont les spécificités du média newsletter par rapport à un espace blog ?

La première spécificité est qu’il n’y a pas de commentaires. C’est une très grosse différence. C’était un souci au départ, car j’étais très attachée à ce type de retours de la part des lecteurs. Quand j’écrivais, j’avais l’interrogation de me demander comment ce que je disais allait être pris, quels commentaires j’allais recevoir… Ce qui s’est beaucoup atténué quand je me suis mise au format newsletter, car cela demande beaucoup plus d’efforts d’écrire un mail pour affirmer son désaccord ou pour tenir des propos peu courtois que de simplement laisser un commentaire. Les « trolls » sont beaucoup plus actifs sur Facebook ou sur un blog que sur ce type de format.

Comment faire pour garder un lien avec les lecteurs dans ce cas ?

J’annonce les newsletters sur Instagram, car cette fonction commentaire est vraiment très recherchée par les lectrices. Je fais un teasing avec un post 24 heures avant son envoi pour annoncer le sujet. C’est devenu un moyen pour les lectrices qui le souhaitent de réagir et d’échanger entre elles, la fonction commentaire a retrouvé sa place à cet endroit. Instagram est un réseau social beaucoup plus bienveillant que Twitter ou Facebook, sur lesquels je suis beaucoup moins active. Et c’est un lieu beaucoup plus adapté pour les thématiques féminines et relatives à la mode dont je traite.

Je demande également régulièrement en story sur Instagram de quoi mes abonnés voudraient que je parle. Je reçois de nombreux retours, de nombreuses idées, même si certaines ne collent pas du tout à ma ligne éditoriale. C’est un bon indicateur de ce qui les intéresse à un moment donné. Cela me permet de réfléchir à la manière de croiser ce qu’ils me disent avec ce que j’ai envie de faire.

Le format newsletter permet-il une plus grande liberté de ton ?

Oui, complètement, et j’en ai été la première surprise puisque je m’adressais à des lecteurs qui n’étaient pas uniquement ceux du blog, puisque les abonnés de la newsletter quotidienne de L’Express Styles la recevaient également. J’ai commencé par avoir des réflexes d’autocensure dus à cette expérience des commentaires négatifs. Je précisais en fin de newsletter qu’il était possible de réagir en m’envoyant un mail et que j’étais joignable sur Instagram. Cela a amorcé une autre forme de dialogue, j’ai commencé à recevoir chaque semaine des mails. L’échange est de cette manière beaucoup plus riche, je reçois des témoignages, des partages d’expérience plus approfondis. Cela m’a mise en confiance. Les retours étant positifs, je me suis autorisée à parler de manière plus franche.

D’après toi, le succès de ce type de newsletters repose-t-il avant tout sur la personnalité de ceux qui les font ?

Au début de la newsletter, j’ai commencé par me demander ce qu’une journaliste ferait en édito de presse magazine. J’abordais des sujets de société, je cherchais des références en termes d’ouvrages ou d’études, je cherchais à rebondir sur l’actualité. Cela me convenait bien, mais j’ai senti que ce qui plaisait le plus, c’était quand je parlais de moi. C’était le propre des post de blog que je faisais avant. Même avec un nouveau lectorat, c’était à nouveau la sphère perso et mon point de vue sur moi qui déclenchaient de l’attachement. Cela m’a libéré, je me suis rendu compte que le ressort de ma newsletter, c’était de parler de sujets très intimes, très personnels, d’une manière telle que cela résonnait de manière universelle chez le lecteur.

Faut-il dévoiler une partie de son intimité pour réussir l’exercice ?

Si on veut faire une newsletter de ce type, il y a une certaine générosité à avoir dans le fait de donner à voir beaucoup de sa personnalité. Je ne me sens pas du tout exhibitionniste, mais je ne me sens pas pudique non plus, je n’ai pas de problème à parler de choses très intimes, car ce n’est pas parce que je le fais que les gens vont pour autant tout savoir de moi. Je me raconte parce que j’ai besoin de le mettre noir sur blanc et d’avoir un public pour avancer, moi, dans ma propre réflexion. Je fonctionne également comme ça avec les autres. J’ai besoin de lire d’autres expériences pour reconnaître les choses qui vont m’intéresser et me nourrir. Je me suis affranchie du jugement des autres, et je sais que cet espace et ces échanges font du bien à beaucoup de personnes, qu’elles sont dans un climat de confiance qui permet de nombreuses confidences, que ce soit par mail ou en DM Instagram.

En dehors du ton, qu’est-ce qui fait la réussite d’une newsletter de ce type d’après toi ?

La récurrence, c’est certain. Je pense qu’une fois par semaine est une bonne solution pour créer un rendez-vous. Cela créé une sorte d’attente qui serait plus difficile à obtenir si c’était une fois par mois.

Côté difficultés, il faut comprendre à quel point c’est beaucoup de travail. Si le texte est relativement court, il nécessite d’être mûri, et le fait de l’écrire toutes les semaines met une forte pression sur le sujet à trouver. Il faut qu’il me fasse vibrer, sinon je n’arriverais pas à l’écrire. Je pense que le plus grand risque des chroniques est qu’elles finissent par s’user quand elles s’enferment dans une formule. La seule solution que j’ai trouvé pour éviter cela, c’est qu’elle colle aux traits de ma personnalité, et donc à mon évolution. Pour qu’une newsletter de ce type fonctionne, il faut que le chroniqueur se sente suffisamment libre d’évoluer. La newsletter doit le suivre comme une ombre. Il ne faut surtout pas rester figé sur un seul sujet ou un seul angle d’approche, au risque de se lasser.

Qu’apporte une newsletter comme celle-ci à un média comme L’Express ?

Cela permet avant tout d’incarner la marque, de la réchauffer. En plus des articles qui font la marque, une newsletter personnelle permet d’avoir une personne qui parle d’elle en endossant son rôle de rédactrice en chef. Je suis en charge de la partie Lifestyle du site, cette newsletter permet aux lecteurs d’identifier qui est derrière le média, de comprendre qu’il est composé de vraies personnes. Ils peuvent ainsi mettre un visage sur les contenus, qui sans cela pourraient paraître plus anonymes.

Un autre avantage est de créer une base de lecteurs récurrents. On les fidélise par mail, on se donne les moyens d’atteindre des personnes qui sont intéressées par ce qu’on peut leur apporter, et cela sans passer par les réseaux sociaux. Le problème de ces derniers c’est que leurs règles peuvent changer du jour au lendemain. On le voit régulièrement. Dans mon cas, les échanges et les conversations se font beaucoup sur Instagram. Mais si demain Instagram change ses règles, ses algorithmes, et rend mon compte dix fois moins visible qu’il ne l’est aujourd’hui, je garderais un lien fort avec ma communauté parce que je peux leur envoyer un mail à tout moment. C’est une valeur importante à prendre en compte en ces temps très fluctuants…

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