Marché des moteurs de recherche : Ecosia, un challenger face aux géants de la tech

Nous avons interviewé Sophie Dembinski, responsable plaidoyer chez Ecosia, au sujet de ce moteur de recherche qui propose une alternative responsable, face à Google.

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Ecosia : le moteur de recherche qui plante des arbres ! © Ecosia

Pouvez-vous présenter Ecosia ? De quelle manière se démarque ce moteur de recherche ?

Ecosia est le moteur de recherche qui plante et protège les arbres. Avec 20 millions d’utilisateurs dans le monde, Ecosia permet aux gens d’être actifs sur le plan climatique au quotidien en consacrant 100 % de ses bénéfices à la planète et à la lutte contre le changement climatique. En collaboration avec les communautés locales, Ecosia a planté plus de 150 millions d’arbres dans des forêts riches en biodiversité dans le monde entier.

En quoi votre modèle économique diffère des autres moteurs de recherche ? Quels sont vos moyens de financement, et pourquoi avoir fait le choix d’afficher explicitement vos rapports financiers ?

Ecosia redéfinit la perception commune d’une « entreprise prospère ». En tant que pionnier de la technologie éthique, Ecosia a créé un modèle commercial innovant pour financer l’atténuation du changement climatique en combinant son moteur de recherche – un produit hautement rentable – avec une approche axée sur des objectifs environnementaux.

D’un mouvement populaire, Ecosia est devenue une organisation de premier plan dans le monde pour la plantation d’arbres. Aussi, en 2018, Ecosia a décidé de céder ses actions à la Fondation Purpose, afin de garantir aux utilisateurs que les fondateurs ne puissent jamais sortir de bénéfices de l’entreprise, ni même recevoir de dividendes.

En plus de cela, et contrairement à d’autres entreprises technologiques, nous ne fonctionnons pas à huis clos et la transparence est au cœur de tout ce que nous faisons : depuis 2014, nous publions nos rapports financiers pour partager nos gains et nos pertes.

Enfin, Ecosia est la seule entreprise au monde à disposer d’un CTPO : Chief Tree Planting Officer et d’une équipe d’experts en foresterie et en conservation de la nature, d’experts en commerce social, d’économistes et de spécialistes en sciences sociales, qui s’attachent à trouver les bons partenaires avec lesquels travailler.

Les résultats de recherche d’Ecosia sont fournis par Microsoft Bing. En ce sens, quelle valeur ajoutée peut apporter Ecosia à un utilisateur, par rapport à Bing ?

Nos recherches sont en effet générées par Bing, comme celles de nombreux autres moteurs de recherche alternatifs. Mais Ecosia apporte aux utilisateurs une valeur ajoutée bien supérieure à celle de Bing, et ce à plusieurs égards.

Tout d’abord, Ecosia est une entreprise à bilan carbone négatif. Nous avons construit suffisamment de centrales photovoltaïques pour produire deux fois la quantité d’électricité nécessaire pour alimenter toutes nos recherches. Ainsi, contrairement à tout autre moteur de recherche, chaque recherche effectuée par un utilisateur sur Ecosia est alimentée à plus de 200 % par de l’énergie renouvelable et élimine activement l’énergie polluante du réseau.

En outre, Ecosia offre une alternative simple à la recherche en ligne, tout en ayant un impact positif sur l’environnement. Nous permettons aux utilisateurs d’apporter des changements positifs par une simple action quotidienne de recherche sur le web.

Nous ne nous contentons pas seulement d’afficher les résultats des recherches, mais nous aidons les internautes à prendre des décisions plus éclairées. Par exemple, nous plaçons une icône en forme de feuille verte à côté des sites d’organisations respectueuses de la planète, ou une icône en forme de combustible fossile à côté des organisations qui encouragent les pratiques destructrices pour l’environnement.

Côté confidentialité, de quelle façon sont gérées les données personnelles des utilisateurs sur Ecosia ?

Ecosia est un moteur de recherche respectueux de la vie privée de ses utilisateurs. Nous nous intéressons aux arbres, pas à leurs données. Pour ce faire, nous rendons anonymes toutes les recherches dans un délai d’une semaine, nous nous assurons que les recherches des utilisateurs sont cryptées et nous ne créons certainement pas de profils personnels basés sur l’historique de recherche des utilisateurs. De plus, nous ne vendons pas les données des utilisateurs à des annonceurs et nous n’utilisons pas d’outils de suivi externes.

Google domine largement le marché des moteurs de recherche. Quel est l’impact d’un tel monopole pour les utilisateurs et leurs données personnelles ? Et pour les moteurs de recherche alternatifs comme Ecosia ?

Ecosia veut aller toujours plus loin et ne craint pas de remettre en question le statu quo. Depuis de nombreuses années, Ecosia s’élève contre le comportement anticoncurrentiel des grandes entreprises technologiques, en particulier sur le marché de la recherche en ligne, où Google détient 97 % des parts de marché, ce qui a pour effet d’enfermer les utilisateurs dans un écosystème qui exploite leurs données à des fins lucratives.

Nous avons pris une position ferme contre Google et les grandes entreprises technologiques à plusieurs reprises et nous avons parfois gagné ! Après que Google ait été condamné à une amende de 4,8 milliards d’euros par l’UE en 2018 pour pratiques déloyales, Ecosia a boycotté le recours aux enchères de Google sur Android, ce qui a conduit avec succès au déploiement d’un modèle d’écran de choix plus équitable sur les appareils Android au sein de l’UE – un véritable moment de David contre Goliath !

L’Europe a conclu un accord provisoire concernant le DMA, et le DSA vient d’être approuvé. Qu’est-ce que cela implique pour les géants de la tech, et plus particulièrement le marché des moteurs de recherche ?

Le DMA est un moment historique pour la réglementation des technologies et la tentative la plus contraignante jamais élaborée pour garantir une concurrence loyale et le choix des utilisateurs en ligne. Grâce à elle, l’UE est un régulateur technologique de premier plan par rapport aux États-Unis et au Royaume-Uni et est en passe de devenir le foyer des marchés numériques les plus compétitifs au monde. En réglementant ces gardiens, l’Europe garantit aux utilisateurs un meilleur contrôle de leurs données et de leur vie privée, ainsi qu’un plus grand choix quant à la façon dont ils utilisent lnternet.

L’objectif général du DMA est de créer des conditions de concurrence plus équitables sur le marché numérique de l’UE. Il s’agit de rendre la concurrence plus saine en obligeant les grandes entreprises technologiques à rendre des comptes et en encourageant de nouveaux acteurs à entrer sur le marché.

Dans le cas de la concurrence sur le marché de la recherche en ligne, où Google est ultra majoritaire, certaines avancées majeures sont à noter, notamment en ce qui concerne les paramètres par défaut. Après une longue bataille, le DMA offrira aux consommateurs européens un véritable choix sur les appareils mobiles et de bureau, car plus aucun acteur ne pourra imposer par défaut ses applications et services aux utilisateurs.

Pensez-vous qu’il est possible de créer une concurrence saine et loyale, sur le marché des moteurs de recherche ? De quelle manière ?

Cela fait des années que nous demandons une meilleure réglementation et une meilleure application de la loi sur le marché numérique. Selon nous, les géants de la technologie ont été autorisés à abuser de leur pouvoir sur le marché et les régulateurs ont eu du mal à suivre pendant trop longtemps. Nous savons, par exemple, que lorsqu’ils ont la possibilité de choisir leur moteur de recherche par défaut, de plus en plus d’Européens choisissent des alternatives à Google qui correspondent davantage à leurs valeurs en matière d’environnement ou de vie privée, comme Ecosia.

Pour créer un marché de la recherche véritablement sain et concurrentiel, les gouvernements et les organismes de réglementation du monde entier devraient s’inspirer du leadership de l’UE via le DMA et intensifier leurs efforts pour devancer les abus sur le marché numérique. Une approche plus proactive est nécessaire pour que les gouvernements comprennent et réagissent aux pratiques anticoncurrentielles très variées et profondément ancrées dans l’espace numérique, afin que des réglementations avant-gardistes puissent être élaborées et appliquées efficacement si l’on veut vraiment que les grands acteurs de la tech qui érigent toutes ces barrières soient tenus responsables.

Selon vous, quelles tendances se dessinent sur le marché des moteurs de recherche ? Quelles sont désormais les principales attentes des utilisateurs ?

Bien qu’il reste encore beaucoup à faire, l’une des principales tendances que nous observons sur le marché de la recherche est un effort plus concerté de la part des autorités de réglementation du monde entier pour s’attaquer aux impacts sociétaux et économiques négatifs des outils technologiques et de la réglementation d’Internet.

Par exemple, il y a quelques semaines, des législateurs américains de tous bords se sont réunis pour soutenir la loi sur la concurrence et la transparence dans la publicité numérique. Il s’agit d’une avancée majeure qui s’inscrit dans le cadre d’un effort plus large de modernisation de l’approche antitrust des États-Unis. Grâce au DMA, l’UE va probablement rester leader pendant un certain temps en matière de réglementation des technologies, mais elle a indéniablement établi une norme, et une tendance bienvenue, à laquelle les gouvernements du monde entier aspirent plutôt que de s’y soustraire.

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