Microsoft Excel teste une formule Copilot… qui ne sait pas calculer

Microsoft teste, dans Excel, une formule Copilot censée résumer et classer vos données, mais qu’il déconseille d’utiliser… pour calculer.

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Copilot, une formule qui s’écrit comme un calcul mais qu’il ne faut surtout pas laisser compter. © Microsoft

Excel a fait entrer des générations d’analystes, de comptables et de stagiaires dans le monde merveilleux des colonnes et des formules. Bien qu’austère, l’outil a rendu de nombreux services grâce à ses fonctions de calcul bien pratiques, qu’il faut parfois apprendre par cœur. L’IA, bien sûr, s’est incrustée dans cet ensemble bien huilé. Copilot, l’assistant de Microsoft, y apporte déjà une aide toute relative depuis plusieurs mois.

Mais désormais, l’entreprise teste directement une formule Copilot, baptisée =COPILOT(), censée vous permettre de résumer, classer ou générer du texte directement dans vos cellules. Une idée séduisante, jusqu’à lire les recommandations de Microsoft, qui conseille de ne surtout pas s’en servir pour… calculer. Dans Excel. Oui, le tableur.

Une nouvelle formule pour parler à Excel en langage naturel

La promesse de Microsoft avec cette formule Copilot est simple : taper =COPILOT(), ajouter une instruction en français ou en anglais, sélectionner une plage de cellules et laisser l’IA générer le résultat. Le tout se fait comme lors de l’utilisation de formules de calcul.

Pour résumer une série d’avis clients dans une zone donnée, tapez =COPILOT(« Summarize this feedback », A2:A20). Pour classer des commentaires selon leur tonalité, entrez =COPILOT(« Classify sentiment », B2:B100). La fonction est censée transformer la feuille de calcul en terrain de jeu pour l’IA, avec des résultats dynamiques qui peuvent même se combiner aux formules classiques d’Excel.

Dans sa page de présentation, Microsoft donne de nombreux exemples, mais tous rencontrent un point commun : il s’agit toujours de cas d’usage créatifs, assez éloignés des principaux usages d’Excel, à savoir les tableaux chiffrés, des bilans comptables ou financiers, de la moyenne, de la médiane, du =SOMME et autres joyeusetés. Que va apporter cette nouvelle formule à un logiciel dont la maîtrise est un art, voire un sport à part entière ? Réponse : des embrouilles.

Une IA pratique… tant que vous ne lui demandez rien d’important !

Un petit détour sur la page de support expliquant le fonctionnement de ce nouvel ajout laisse… dubitatif. Microsoft y est très clair : Copilot n’est pas là pour faire des calculs fiables. Un paragraphe intitulé « Quand NE PAS utiliser la fonction COPILOT » (les capitales sont importantes) prévient : « Pour garantir la fiabilité et l’utiliser de manière responsable, évitez d’utiliser Copilot pour les calculs numériques. » Autrement dit, les résultats peuvent varier à chaque recalcul, l’IA peut halluciner et introduire des erreurs. Préférez-lui donc les bonnes vieilles formules =SOMME ou =MOYENNE.

Autre « conseil » de l’ami Microsoft, ne touchez pas à Copilot pour des « tâches ayant des implications juridiques, réglementaires ou de conformité : évitez d’utiliser des sorties générées par l’IA pour les rapports financiers, les documents juridiques ou d’autres scénarios à enjeux élevés ». La fonction n’est pas faite pour tout ce qui exige exactitude et responsabilité.

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N’utilisez pas la formule Copilot pour… N’utilisez pas la formule Copilot. © Capture d’écran BDM

Un utilisateur distrait qui demanderait à Copilot de calculer des salaires ou de générer un bilan risquerait de se retrouver avec des chiffres faux, mais présentés avec aplomb. Inutile de préciser tous les risques qu’une confiance aveugle dans ce nouvel outil présente, ou dès lors qu’on l’emploie pour autre chose que de la mise en forme ou de l’exploration.

Une IA destructrice pour ce en quoi le tableur excelle

Mais pourquoi ? Pourquoi ajouter une option IA, qui prend la forme exacte d’une formule de calcul, avec un niveau en mathématiques que même moi je ne jalouse pas ? Excel, symbole du calcul fiable et reproductible depuis près de quarante ans, accueille cet artifice peu intelligent, invitant par là même à l’imprécision. Si Microsoft prévient assez explicitement que « l’IA peut faire des erreurs », on imaginait assez mal la firme capable d’ajouter une option pouvant potentiellement casser sa meilleure calculatrice.

Cette contradiction illustre parfaitement la course à l’IA. Cette dernière doit désormais être partout, y compris dans des outils qui fonctionnaient parfaitement sans elle. Excel est l’archétype du logiciel sérieux, rigoureux, le rendant parfois un peu angoissant. Avec la formule Copilot, il se dote d’un compagnon « créatif » qui écrit, résume et classe, mais qui remet en cause l’essence même du tableur.

Le risque est bien évidemment d’habituer les utilisateurs et utilisatrices à déléguer des tâches critiques à un outil qui n’est pas fiable. Pour Microsoft, il pourrait même être de détruire la réputation de son logiciel de calcul. Suivre aveuglément son GPS peut vous conduire dans le mur. Le copilote d’Excel pourra peut-être, quant à lui, vous aider à rencontrer l’administration fiscale.

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