Meta : fact-checking, modération… des changements drastiques aux États-Unis

Meta abandonne le fact-checking professionnel aux États-Unis, au profit de notes communautaires. Une décision marquant un rapprochement avec Donald Trump et Elon Musk.

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L'élection de Donald Trump a entraîné un changement de posture chez certains puissants CEO, comme Mark Zuckerberg. © Romain TALON - stock.adobe.com

Mardi 7 janvier 2024, Mark Zuckerberg, CEO de Meta, a annoncé des changements importants concernant les méthodes de modération et de vérification de l’information sur ses plateformes Facebook et Instagram. Si ces changements sont pour le moment limités aux États-Unis, ils traduisent le rapprochement des grands patrons de la Silicon Valley avec le duo Donald Trump/Elon Musk, qui s’apprête à gouverner le pays.

La fin du fact-checking professionnel sur Facebook et Instagram

Depuis une dizaine d’années, Meta déployait sur ses plateformes sociales – Facebook et Instagram – un « programme de vérification des informations ». Composé de journalistes, un temps issus notamment de l’AFP ou du Monde, ou d’ONG, ce partenariat permettait à des professionnels de l’information de fact-checker et publier des vérifications sous certaines publications trompeuses ou incitant à la haine. Critiqué pour son manque de visibilité, ce programme avait le mérite de faire confiance à des professionnels externes à Meta. Mais ce temps est révolu, aux États-Unis d’abord.

Nous allons nous débarrasser des fact-checkers et les remplacer par des notes de la communauté, similaires à X (anciennement Twitter), en commençant par les États-Unis, a déclaré Mark Zuckerberg sur Facebook.

Fini le fact-checking professionnel, place désormais aux notes de la communauté rédigées par les internautes. Comme sur le réseau social d’Elon Musk, les utilisateurs et utilisatrices des plateformes de Meta pourront eux-mêmes apporter du contexte et rectifier une information, avec un système de validation communautaire des notes. « Comme sur X, les community notes nécessiteront un accord entre des personnes ayant des approches différentes, ce qui aidera à limiter les biais », précise Mark Zuckerberg, sous-entendant une certaine partialité des médias traditionnels. Un discours faisant écho à un autre…

Un virage à 180° dans le sillage de Donald Trump et Elon Musk

D’après le patron de Meta, « les vérificateurs ont été trop orientés politiquement et ont plus participé à réduire la confiance qu’ils ne l’ont améliorée, en particulier aux États-Unis ». Des propos qui ne sont pas sans rappeler les critiques constantes émises par Elon Musk ou certains leaders du Parti républicain contre les systèmes de fact-checking, qui s’apparenteraient à une forme de censure, d’entrave à la liberté d’expression, menées par des médias trop orientés à gauche politiquement, selon eux. Une vision appuyée par Joel Kaplan, un proche de Donald Trump propulsé à la tête des affaires publiques de Meta, qui a déclaré dans un communiqué que « trop de contenus sans danger ont été censurés, trop de personnes ont été enfermées injustement dans la prison de Facebook ».

C’est cool, a réagi Elon Musk.

Dans un post sur X, Elon Musk, pleinement engagé au côté de Donald Trump durant la campagne présidentielle et futur acteur de l’administration du nouveau président des États-Unis, a jugé « cool » la décision de Meta. Le leader républicain a lui aussi réagi à cette annonce, jugeant que Meta et Facebook « ont fait beaucoup de progrès ». Le choix de Mark Zuckerberg découle-t-il des menaces émises précédemment par Donald Trump ? « Probablement », a répondu Donald Trump, dans des propos notamment rapportés par le Washington Post.

« S’attirer les faveurs de Trump » après son élection, un enjeu déterminant ?

La seconde élection de l’homme d’affaires de 78 ans à la tête des États-Unis, et l’engagement du puissant et riche Elon Musk à ses côtés, a donc entraîné un basculement des politiques menées jusque-là par certains des plus grands patrons de la planète. Mark Zuckerberg n’a pas seulement nommé des proches de Donald Trump à des postes importants chez Meta : il envisage également de déplacer ses équipes « confiance et sécurité » au Texas, état conservateur, pour s’éloigner d’une Californie trop progressiste. « Cela nous aidera à renforcer la confiance nécessaire pour faire le travail en ayant moins d’inquiétude quant aux partis pris présents parmi nos équipes », a-t-il justifié.

Symboliquement, Meta a également donné un million de dollars au fonds d’investiture pour le futur 47e président des États-Unis. Amazon en a fait de même, alors que son patron historique, Jeff Bezos, appelait les équipes du Washington Post, dont il est propriétaire, à ne pas prendre position dans la course à la Maison Blanche, contrevenant ainsi à une tradition américaine. Bien sûr, c’était plutôt la candidature de Kamala Harris qui y était soutenue.

Célèbre dessinatrice de presse, Ann Telnaes a annoncé il y a quelques jours avoir démissionné du Washington Post : un dessin critiquant Jeff Bezos et lui reprochant de chercher à « s’attirer les faveurs de Donald Trump » lui ayant été refusé pour publication, raconte l’AFP. D’ailleurs, Mark Zuckerberg le dit lui même : « Les récentes élections semblent être un point de bascule culturel donnant, de nouveau, la priorité à la liberté d’expression. » Comprendre : à celle définie par le Trumpisme.

Les (très) mauvaises résolutions de Meta

Cette « liberté d’expression » à toute épreuve, plébiscitée par Elon Musk, notamment sur X, et Donald Trump, serait-elle celle-ci ? : « Nous autorisons les allégations de maladie mentale ou d’anomalie lorsqu’elles sont basées sur le genre ou l’orientation sexuelle, étant donné le discours politique et religieux sur le transgendérisme et l’homosexualité, ainsi que l’utilisation non sérieuse fréquente de mots tels que ‘bizarre’. » Cet extrait est issu des nouvelles politiques de Meta sur le discours dit « haineux », modifiées en même temps que l’annonce de la fin du fact-checking professionnel. Associant maladie mentale et orientation sexuelle ou de genre, ce texte aussi inquiétant qu’il y paraît contient d’autres sections stupéfiantes, rapporte CNN, comme la possibilité de « faire référence aux femmes comme objets ou propriétés domestiques (« household objects or property », ndlr) ».

Ces modifications répondent aux volontés de Meta de « simplifier » ses règles de modération et de « mettre fin à un certain nombre de limites concernant des sujets, tels que l’immigration et le genre, qui ne sont plus dans les discours dominants », selon les dires de son CEO. Pour João Brant, secrétaire chargé des politiques numériques auprès de la présidence brésilienne, dont le pays a banni X pendant quelques semaines en 2024, « l’annonce faite aujourd’hui par Mark Zuckerberg est un avant-goût de l’administration Trump ». De son côté, Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l’IA et du numérique, a expliqué sur X avoir eu l’assurance,  de la part de Meta, que « cette fonctionnalité ne sera déployée qu’aux Etats-Unis pour le moment ». « En Europe, le Digital Service Act sera respecté. Croyez en ma vigilance sur le sujet », a ajouté la ministre.

 

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