L’influence engagée : faire résonner les enjeux sociaux actuels et les voix qui les portent

Qu’est-ce que l’influence engagée et la communication inclusive ? Comment accompagner créateurs et créatrices de contenu parfois invisibilisés malgré un fort engagement social ? Fondatrice d’OVW, Marie Cayrel a répondu aux questions de BDM.

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Féminisme, écologie, body-positivisme, santé mentale, droits LGBTQIA+... L'influence engagée a de nombreuses luttes à mener. © SurfupVector - stock.adobe.com

De plus en plus, l’audience des réseaux sociaux comme les consommateurs sont à la recherche d’authenticité et de contenus qui correspondent à leurs valeurs. Parallèlement, de nombreux créateurs et créatrices souhaitent mettre leur image et leur voix au service de causes qui leur tiennent à cœur, avec un fort écho au sein de la société et de son évolution. Avec son « agence d’influence engagée », Marie Cayrel tente de répondre à ces besoins. Elle participera également, à l’occasion du festival Et Demain ?, à une table ronde sur la communication inclusive. Elle explique à BDM les nombreux enjeux qui en découlent.

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Marie Cayrel, créatrice de contenu et fondatrice d'OVW

Créatrice de contenu depuis 2016, Marie Cayrel transmet une parole engagée sur les questions féministes et LGBT. Après des expériences de community et social media manager, elle a créé, en 2021, OVW, une agence d’influence engagée, qui accompagne influenceurs et influenceuses porteurs de thématiques sociales fortes dans leur relation avec les marques et leurs communautés.

Comment est née OVW, l’agence « d’influence engagée » ?

Je suis, à la base, créatrice de contenu, un contenu engagé notamment sur les questions féministes et LGBT. Il y a un peu plus de deux ans, j’ai décidé de fonder cette agence, car chez celles que j’avais rencontrées, il y avait des choses qui ne me convenaient pas à 100 %, et je n’en trouvais pas qui regroupaient des créateurs et créatrices de contenu qui avaient des thématiques similaires aux miennes. Donc, j’ai toujours refusé de signer en agence et je me suis dit : si moi, je ne trouve pas, il y en a plein d’autres qui ne doivent pas en trouver qui leur convienne. Ça pouvait donc être intéressant de créer cette agence-là.

Qu’entendez-vous par « influence engagée » ?

L’influence engagée, pour moi, c’est tous les créateurs et créatrices de contenu qui vont utiliser leur plateforme, peu importe laquelle, pour passer des messages sur des thématiques sociales fortes. Ça peut être du féminisme, des personnes qui vont lutter contre l’invisibilisation des minorités, qui luttent pour l’écologie… Ce sont des profils qui vont utiliser leur influence et leur communauté pour passer des messages sociaux, promouvoir un style de vie ou de consommation.

Parallèlement, j’ai besoin que mon agence soit aussi engagée. Donc, évidemment, on se positionne sur des thématiques et des valeurs fortes. La transparence va être totale avec nos talents, dans la manière dont on travaille avec eux, mais aussi avec les marques. On met aussi de l’importance dans l’agence sur un fonctionnement centré sur l’humain, on essaye de passer toutes et tous du temps ensemble. On ne veut pas juste représenter des talents et leur trouver des collaborations, on souhaite vraiment créer un écosystème où chacun et chacune a sa place.

Qu’est-ce qui peut bloquer dans les agences plus traditionnelles ? Quelles sont les différences avec OVW ?

Ce qui m’a bloquée personnellement, et je ne dis pas que ce serait le cas pour tout le monde, mais c’était généralement des agences dans lesquelles les talents qui étaient déjà rentrés, représentés, ne correspondaient pas du tout au type de contenu que je pouvais faire. Et ça, c’est quelque chose que je retrouve souvent quand j’ai des talents au téléphone qui souhaitent entrer dans notre agence. Je n’ai pas l’impression de me sentir représentée dans les autres agences parce que les autres talents ne sont pas du tout sur mes thématiques.

Chez OVW, on est plus sur du micro ou macro influenceur, parce que nos thématiques fonctionnent moins auprès des marques qui, même si elles essayent de s’engager, sont encore un peu frileuses sur certains sujets. On va donc avoir un vrai rôle à jouer dans l’accompagnement : on propose par exemple un service de  relation presse pour la mise en avant des projets de nos créatrices et créateurs, une agence littéraire pour mener à bien des projets de livres, etc. C’est un accompagnement à 360° qui va au-delà du simple deal de collaborations.

Les profils intéressés sont donc plutôt sur l’idée de porter un projet plutôt que de se lancer uniquement dans l’influence commerciale ?

C’est un peu un mélange des deux et c’est ce qui est bien avec l’influence engagée. On va essayer de pousser nos talents, pour être rémunérés, par le biais de conférences, d’interventions dans les lycées et écoles, de l’écriture de livres, de choses très concrètes et connectées aux réalités. Cela nous permet de ne pas faire que de la collaboration classique. On va construire conjointement un projet business en les aidant à chercher au bon endroit en fonction des envies, afin que toutes les rémunérations ne tiennent pas juste aux collaborations avec des marques via du sponsoring.

Quel regard portez-vous aujourd’hui sur le monde l’influence ?

De par toutes les nouvelles lois, je pense que l’influence est un peu plus éthique, avec plus de transparence. Il y a une importante demande des consommateurs pour quelque chose de plus authentique, spontané et engagé. On s’oriente peut-être plus sur du leader d’opinion que sur de l’influence pure, avec plus de prises de parole, plus de formation ou de sensibilisation auprès des entreprises comme des particuliers, sur des thématiques assez précises. On le ressent dans les projets et les demandes de collaboration : certaines marques demandent ou proposent de vraies prises de position dans les contenus, travaillent leur image et ne veulent pas juste faire de la vente pure. L’objectif est moins de faire consommer les gens que de donner une bonne image de marque.

À l’occasion du festival Et Demain ?, vous participez à une table ronde sur la communication inclusive. Qu’entend-on par là ?

La communication inclusive est le fait de communiquer, peu importe le support, de manière à ce que tout le monde puisse y avoir accès, sans discrimination. Cela passe par la mise en place de communications incluant les personnes souffrant de handicaps, les différences de genre, etc., donc par des méthodes comme le sous-titrage, les textes alternatifs, l’écriture inclusive, la transcription audio… Dans un premier temps, la communication inclusive doit l’être en termes d’accessibilité.

Une fois que cet accès est donné au plus grand nombre de personnes possibles, et, dans l’idéal, à toutes et tous, l’idée va également être de casser des stéréotypes. Il y a de nombreux clichés dans la communication : on pense à l’image du PDG qui va souvent être celle d’un homme blanc, mais pourquoi ne pas représenter à la place une femme ou une personne transgenre par exemple ? D’une autre manière, on communique le plus souvent au masculin neutre, et toutes les femmes et jeunes filles qui vont lire une telle communication peuvent potentiellement ne pas s’y projeter. L’idée d’une communication inclusive, c’est aussi de dire : « Voilà mon produit, il peut être utilisé par tout le monde et tout le monde est le bienvenu dans notre manière de voir notre marque. »

Est-il compliqué de changer cette manière de faire et de penser ?

Je pense que tout le monde est capable de faire ces petits efforts pour rendre une communication plus accessible. Ce n’est pas l’inclusivité d’une communication qui va détruire automatiquement des stéréotypes, mais ça participe à faire évoluer les mentalités. Il faut déconstruire certains automatismes, se renseigner soi-même sur la manière d’écrire de façon inclusive, comprendre les clichés… Sans formation ou sensibilisation, c’est très compliqué.

L’influence engagée et la communication inclusive participent vraiment à un mouvement global de changement des mentalités, y compris dans la manière de consommer. Cela évolue vite, et ce sont des questionnements et des raisonnements qui touchent de plus en plus de monde, mais également portés, acceptés et encouragés par de plus en plus de personnes. Il faut bien sûr écouter les autres et plus spécialement les personnes en minorité pour comprendre comment faire pour rendre les choses plus inclusives. C’est un travail de longue haleine, mais on a la chance d’avoir de jeunes personnes qui arrivent dans la communication, qui sont déjà formées à ces questions-là ou, du moins, bien plus faciles à sensibiliser sur ces sujets précis.

Qu’en est-il, au milieu de toutes ces évolutions positives, de la santé mentale des créateurs et créatrices de contenu ?

Il y a un vrai sujet dans l’influence engagée, qui est la santé mentale des créateurs et créatrices de contenu, notamment à cause du harcèlement et de la violence en ligne. Et vraiment, on est surexposés à ces sujets-là. On a des talents qui, parfois, nous disent qu’ils vont arrêter de poster pendant un mois, qu’ils ont juste besoin de se reposer. C’est un vrai sujet car, derrière, on a plein de créateurs et créatrices de contenu qui partent en burn-out militant, qui arrêtent de communiquer ou de faire de la prévention, et qui, par conséquent, sont mis sous silence. C’est horrible parce que ces personnes tentent de faire changer les choses et reçoivent tellement de haine sur Internet qu’elles arrêtent… C’est un cercle vicieux un peu déprimant.

On souhaite, de notre côté, mettre en place des propositions d’accompagnement psy pour nos talents. Il s’agit de soutenir nos créateurs et créatrices dans tous les aspects de leur vie, en veillant à ce qu’ils puissent continuer à faire leur travail sans compromettre leur bien-être. C’est un engagement à long terme qui demande parfois plus que ce que nous avons pour le moment, mais on fait de notre mieux !

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