Ligue du LOL : messagerie et groupe privé au travail, que dit la loi ?

La Ligue du LOL n’était-elle que la partie émergée de l’iceberg ? Les révélations autour de cette affaire de cyberharcèlement dans le milieu du journalisme et de la communication délie les langues.

Messagerie et groupes privés au travail. Que dit la loi ? Crédit : iStock/Chatsimo.

La direction du quotidien Le Monde a ainsi annoncé avoir licencié à l’automne 2018 trois journalistes du Huffington Post France qui avaient tenu des propos discriminants sur une chaîne privée de Slack, une messagerie souvent utilisée dans le milieu professionnel.

Un an plus tôt, à la rédaction de Vice France cette fois, ce sont deux journalistes qui ont été renvoyés après la révélation d’un groupe de discussion sur Gmail, baptisé « les Darons » où s’enchaînaient quotidiennement critiques misogynes, homophobes, racistes et autres propos haineux.

Cyberharcèlement : les frontières vie privée/vie pro

Ces affaires de cyberharcèlement montrent une nouvelle fois à quel point les outils digitaux ont brouillé la frontière entre vie privée et vie professionnelle. Certains outils professionnels sont installés sur nos smartphones (personnels), des conversations ou des emails personnels sont envoyés depuis les ordinateurs du bureau. Que dit la loi ? Quels sont les droits des salariés ? Quels sont ceux de l’employeur ? Nous avons interrogé deux avocats.

Maître Lionel Magne, avocat au barreau de Limoges et membre du réseau EUROJURIS, explique qu’il est « tout à fait possible d’envoyer un email à titre personnel avec sa messagerie professionnelle » . Il précise : « Votre employeur ne peut pas vous empêcher d’envoyer un email personnel avec l’adresse générique de l’entreprise, et il ne peut pas l’utiliser contre vous. Mais je recommande de mettre la mention ‘Personnel’ ou ‘Privé’ dans l’objet. » Mais ce n’est pas parce qu’il s’agit d’un email personnel que vous pouvez l’utiliser à des fins de cyberharcèlement, qui est répréhensible.

L’avocat prévient : « il peut y avoir une surveillance technique de vos emails professionnels. L’employeur peut à tout moment vérifier ce que vous faites sur votre messagerie professionnelle. »

Vous avez également la possibilité d’utiliser votre boîte mail personnelle pour échanger des messages d’ordre privé, même sur votre ordinateur professionnel. Ces échanges sont en effet protégés par « le secret des correspondances » selon l’arrêté de la cour de Cassation du 26 janvier 2016. « Ce n’est que lors de suspicions d’espionnage, de concurrence déloyale ou de fuite d’informations que votre employeur peut demander à avoir accès à votre boîte mail personnelle » . Mais il ne peut le faire qu’avec l’autorisation d’un juge et doit donc apporter des élément étayant ses suspicions.

L’employeur a une obligation de sécurité physique et morale de ses employés

Peut-on tout dire dans une messagerie privée au travail ? Crédit : iStock/Praetorianphoto.

De son côté, l’employeur a également des devoirs envers ses salariés. Il est notamment soumis à une obligation de sécurité du personnel de l’entreprise. « C’est une obligation de résultat » , explique maître Thierry Vallat, avocat au barreau de Paris. « C’est-à-dire qu’il doit tout faire pour que ses salariés ne soient pas victimes de violence physique ou morale. »

« C’est valable même à l’intérieur de groupes privés sur des messageries. Pour les affaires de Vice ou du Huffington Post, les membres de ces groupes étaient sur leurs lieux de travail, utilisaient leur matériel de bureau à des fins personnelles mais pour dénigrer des personnes de l’entreprise, donner une mauvaise image de l’entreprise et ce, au détriment du règlement intérieur. C’est totalement répréhensible. Et cela conduit à des licenciements pour faute grave ou des mises à pieds. Le licenciement ne fait pas débat et cela engage leur responsabilité pénale. »

En ce qui concerne les messageries comme Slack ou Gmail, permettant de créer des groupes privés : « le terme ‘privé’ ne désigne pas des messages personnels mais bien un accès restreint. Cela me semble difficile de les disjoindre de l’entreprise. S’ils sont utilisés à des fins délictueuses, cela peut justifier une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement. »

Pour l’affaire de la Ligue du LOL, Maître Vallat conclut : « S’il est avéré que les rédactions avaient bien reçu en 2010 un courrier qui identifiait les membres de la Ligue du LOL et signalait leurs actes, quand on voit les conséquences sur les carrières et la santé mentale des victimes, on peut se poser la question de savoir s’il n’y a pas une mise en danger de la vie d’autrui. »

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