Interview : la stratégie social media de 20 minutes en Suisse
La présence sur les réseaux sociaux est devenue une partie importante de la stratégie online des médias. La preuve avec ce retour d’expérience d’Arthur Habrial, social media manager pour le journal 20 minutes en Suisse.
Pour commencer, peux-tu commencer par te présenter ? Quelles sont tes fonctions à 20min.ch ?
Je m’appelle Arthur Habrial, je suis le social media manager de 20 minutes depuis maintenant un peu plus de quatre ans. Au sein de l’entreprise je suis responsable de tout ce qui est en lien avec les réseaux sociaux, de la stratégie aux analyses et statistiques en passant par la publication sur les différentes plateformes. J’explique aussi à nos journalistes les bonnes pratiques et les erreurs à ne pas faire sur les réseaux sociaux.
Dans quelle équipe travailles-tu ? Combien êtes-vous sur la partie social media ?
En arrivant, en 2015, j’étais rattaché à l’équipe marketing puis je suis rapidement passé au sein de la rédaction. C’est un détail qui a son importance car cela prouve que la vision de l’entreprise concernant les réseaux sociaux a évolué. Nous nous sommes rendu compte que le community manager devait être en coordination directe avec le reste de la rédaction et qu’il n’était pas seulement là pour l’image de la marque 20 minutes. Lorsqu’une nouvelle importante est sur le point d’être publiée nous devons être capable de nous synchroniser et de nous parler directement, ce qui n’était pas le cas à mon arrivée car je n’étais pas au même étage que les journalistes. J’ai commencé par être le seul pour toute la partie social media ce qui est vite devenu ingérable avec la stratégie qui évoluait et tout ce que l’on voulait lancer. Aujourd’hui nous sommes trois. Chacun avec ses propres spécialités.
Sur quels réseaux sociaux est présent 20 minutes ? Avec quels résultats ?
Nous sommes surtout présents sur Facebook, Twitter et Instagram. Ce sont les trois plateformes qui fonctionnent le mieux pour nous car le but premier est de générer du trafic sur le site et développer l’engagement avec nos lecteurs. J’ai réussi à beaucoup développer la page Facebook à mon arrivée, nous avons gagné de nombreux fans car c’est ce que nous cherchions à l’époque, avoir une base solide. Aujourd’hui nous avons atteint un point de stabilisation mais il faut noter que le marché Suisse est très spécial. Déjà par sa taille relativement petite (8 millions d’habitants) mais aussi par le fait que nous avons 4 langues nationales et la partie française n’est pas la plus importante (1,5 million d’habitants). Aujourd’hui nous avons un peu plus de 600 000 fans et l’objectif est davantage l’engagement et le trafic que la croissance de fans.
Sur Twitter nous avons encore une belle marge de progression mais ce n’est pas le réseau social que nous souhaitons pleinement développer donc il n’est pas notre priorité. Et ce réseau n’est pas aussi populaire que dans certains pays comme en France ou aux USA (nous sommes un peu en retard en Suisse de ce côté là).
Comme je parlais de priorité juste avant, celle-ci est davantage mise sur Instagram qui est la plateforme où se situe notre cible, à savoir les plus jeunes. En un an notre compte a presque doublé en termes de followers, l’engagement et la proximité avec nos lecteurs s’est largement amélioré et nous sommes de plus en plus en train de développer des concepts que nous avons eu l’occasion de tester lors d’évènements.
Suivez-vous une ligne éditoriale particulière sur chaque média social ? Avec quelles spécificités ?
Chaque réseau a sa propre ligne éditoriale. Sur Facebook nous partageons souvent les sujets qui fonctionnent le mieux sur le site en termes de taux de clics, j’ai des outils à disposition pour m’aider dans ce que je vais publier sur la page. A force de publier, je sais ce qui peut potentiellement fonctionner et ce qui ne marche pas fort sur le site peut faire un carton sur la page Facebook. Il y a aussi une façon de s’exprimer qui est très importante pour donner sa chance au sujet.
Sur Instagram, nous faisons une dizaine de stories quotidiennes avec les sujets qui seront les plus à même d’intéresser les jeunes lecteurs, très présents sur ce réseau. Et dans le feed, nous avons remarqué que ce qui fonctionnait le mieux était les photos envoyées par notre communauté, nous avons donc créé un hashtag pour regrouper la communauté. Nous avons aussi une page quotidienne dans le journal où la communauté des réseaux sociaux est mise en avant (c’est d’ailleurs l’équipe social media qui écrit cette page tous les jours).
Sur Twitter, étant donné que ce n’est pas trop la priorité comme expliqué plus tôt, le feed est en automatique. Tous les articles ne sont pas publiés mais seulement ceux de certaines rubriques. Je garde un œil dessus la journée pour répondre aux questions et aux DM.

Quels sont vos liens avec les journalistes et la rédaction en général ?
Je travaille de façon très proche avec mes collègues journalistes. Lorsque je pars le soir ou le weekend, ce sont eux qui me remplacent pour publier sur Facebook. Ils ont été formés pour qu’il n’y ait pas de différence flagrante dans la façon de publier, dans le rythme de publication ou dans la ligne éditoriale. Je les accompagne aussi de plus en plus sur des événements, notamment des festivals, pour faire vivre à notre communauté les coulisses et la faire participer. Sur Instagram, par exemple, nous leur demandons de nous envoyer en DM toutes les questions qu’ils peuvent avoir et nous y répondons dans une vidéo ou un sujet par la suite. Cela nous donne donc aussi des idées d’articles. Au final, la rédaction et le pôle social media sont assez complémentaires et tout le monde l’a désormais bien compris.
Avez-vous tenté des formats adaptés aux différentes réseaux sociaux ? Stories, vidéo, créas dédiées…
C’est surtout sur Instagram que nous jouons le plus avec des stories. Tous les jours nous postons des stories qui renvoient vers nos articles et nous faisons de temps en temps des stories immersives et des live sur des événements présentant un intérêt pour notre audience. Nous avons aussi des formats dédiés, notamment sur Instagram et Facebook avec la question de la semaine. Nous posons une question tous les mardis soir et les meilleures réponses sont reprises dans le journal papier du vendredi. Nous postons aussi la photo de la semaine la plus « likée » de notre Instagram dans le journal.
Tous les vendredis nous lançons aussi un thème photo de la semaine avec un hashtag dédié sur Instagram. La semaine suivante, nous sélectionnons les plus jolies photos postées avec ce hashtag et nous les publions dans le journal également. Ainsi, nous faisons un pont entre les réseaux et le papier, et nos followers sont ravis de voir leurs photos imprimées et visibles de tous.

Quels sont les objectifs recherchés par le journal à travers sa présence sur les médias sociaux ?
Les objectifs sont multiples. Tout d’abord créer une proximité avec nos lecteurs et faciliter l’échange avec eux. Cela passe par les commentaires sur les différentes plateformes avec l’engagement mais aussi en message privé. Quand certains nous écrivent pour nous proposer des idées de sujets ou nous envoyer des photos et vidéo pour illustrer nos articles, nous gagnons beaucoup de temps.
Ensuite, l’autre objectif est le trafic sur le site. 20 minutes étant un journal gratuit sans abonnement, son modèle économique repose sur la publicité et nous devons donc générer du trafic pour faire du bénéfice.
Quelles relations existent entre la version française de 20minutes.ch et ses déclinaisons suisses en d’autres langues ? Existe-t-il une continuité dans la stratégie social media ? Des rapports entre les équipes ?
Comme expliqué un peu plus tôt, le marché Suisse est particulier et le fait qu’il y ait 4 langues nationales en fait partie. 20 minutes existe donc aussi en allemand (20 minuten) et en italien (tio.ch 20minuti). Je suis assez proche de l’équipe suisse allemande basée à Zurich. C’est d’ailleurs là bas que notre siège social est situé et 20 minuten a un plus gros lectorat (une majorité des Suisses parlent le suisse allemand). Notre stratégie est similaire mais pas identique sur Facebook, en revanche elle est différente sur Instagram car les marchés ne sont vraiment pas les mêmes. Nous avons tenté des convergences de stratégie et nous avons vite réalisé que cela ne fonctionnait pas. En revanche nous nous parlons et rencontrons régulièrement pour échanger, notamment sur nos statistiques et nous tenir informé des différents projets que nous avons chacun de notre côté.
Je suis impressionné par leurs stratégies en matière de médias sociaux :
Tout d’abord, ils réalisent l’importance des médias sociaux, respectent les règles des différents médias sociaux, étudient leurs caractéristiques et élaborent différentes stratégies.
Deuxièmement, ils font attention à l’interaction avec les lecteurs et prennent leurs photos et leurs commentaires de texte au sérieux.
Troisièmement, ils n’ont pas de canal « d’abonnement », ce qui permettra sans doute d’attirer plus de lecteurs et de faire partager leurs photos et leurs idées. « Cela permet de gagner du temps », comme il l’a dit, mais aussi d’améliorer l’efficacité et d’approfondir la communication avec les utilisateurs des médias sociaux.
Quatrièmement, ils assureront un suivi dynamique en fonction des préoccupations des utilisateurs et des tendances actuelles. Leurs programmes sont très dynamiques et enthousiastes, ce qui permettra de saisir la tendance de l’époque actuelle.