Intelligence artificielle : la position délicate de Google en 5 points clés
Face aux technologies comme ChatGPT, Google se retrouve dans une position inédite : le moteur de recherche est contraint d’évoluer, malgré les risques.

Depuis son lancement, on ne parle que de lui : ChatGPT. L’outil, basé sur les modèles d’intelligence artificielle d’OpenAI, simule une conversation et peut générer des textes adaptés aux besoins des internautes. Les annonces récentes de Microsoft Bing et la réaction rapide de Google avec Bard laissent présager une nouvelle donne sur le marché des moteurs de recherche. Et la situation de Google, rarement remise en cause, semble désormais délicate à bien des égards.
L’impact sur les parts de marché des moteurs de recherche
La source de revenus principale de Google ? La publicité sur son moteur de recherche. Google perçoit de l’argent lorsque les internautes cliquent sur les liens sponsorisés. Il a donc besoin de deux choses : des utilisateurs, et d’une expérience qui incite ces utilisateurs à cliquer sur les publicités.
Sur le premier point, Google domine largement ses concurrents. Tout le monde utilise Google, peu de personnes s’aventurent consciemment sur Bing, Qwant ou Yahoo en 2023. L’intégration d’une version upgradée de ChatGPT dans Bing pourrait inciter des personnes à regarder le moteur de Microsoft d’un œil nouveau. Rien n’est moins sûr et cela pourrait prendre du temps, mais l’histoire du web montre à quel point des équilibres établis peuvent finalement être remis en cause.
L’impact sur les revenus générés par la publicité
Pour conserver ses utilisateurs, Google doit donc répliquer. Et c’est déjà fait : Bard est présenté comme une expérimentation, mais l’expérience de chat pour accéder à des résultats sera bientôt intégrée au moteur de recherche de Google.
Conséquence pour l’internaute : il obtient directement un résultat. Conçu, rédigé, construit selon ses besoins, ses envies. Cela réduit nettement son intérêt à naviguer sur d’autres pages web, qu’elles soient référencées gratuitement ou non – et impacte de facto les revenus générés par Google grâce aux publicités.
Microsoft peut se permettre d’innover en premier car son modèle est plus diversifié. Google n’a évidemment pas développé Bard en trois semaines ; mais le choix de déclencher le déploiement de cette technologie est forcément lié aux sorties et aux annonces d’OpenAI et Microsoft sur ce sujet.
L’impact sur les contenus et les éditeurs
L’un des reproches que nous pouvons faire à ChatGPT est son absence de divulgation des sources. Le robot n’indique pas les contenus utilisés pour construire les réponses.
À l’inverse, Google doit nécessairement permettre à l’utilisateur de naviguer, sur les liens sponsorisés et sur les pages référencées sur son moteur, notamment pour protéger son modèle actuel. Il a d’ailleurs toujours adopté une position plutôt prudente concernant les contenus générés automatiquement comme les extraits enrichis. Et on n’imagine pas vraiment Google insérer de la publicité au sein des réponses rédigées par Bard. Le risque pour le libre arbitre serait trop important, et il ne faudrait ni fâcher les utilisateurs, ni fâcher les éditeurs – ni d’ailleurs, scier la branche de contenu sur laquelle on est assis.
Les progrès de l’intelligence artificielle peuvent également rendre plus difficile la détection des contenus générés par des IA. Dans sa communication auprès de la communauté SEO, Google rappelle qu’il s’entraîne depuis longtemps à repérer le SPAM, qu’il soit d’ailleurs généré ou non par une IA ; mais l’accès facilité à ce type de technologie ne devrait pas lui simplifier la tâche.
L’impact sur son image de précurseur
Les entreprises tech se battent pour attirer des utilisateurs et générer des profits. Et pour y arriver, elles innovent. Leurs recherches et leurs nouveaux produits permettent la création de nouvelles expériences. Et sur le sujet de l’intelligence artificielle : Google et Meta investissent, mais n’en déplaise à leurs chercheurs, ce sont bien les marques d’OpenAI – et désormais Microsoft – qui devraient être associées par le grand public aux innovations qui font tant parler ces temps-ci.
Pour Google, faciliter l’accès à des technologies de ce type semblait inutile et dangereux, sur un marché tellement dominé ; mais les annonces de Bing et la popularité de ChatGPT peuvent, par effet de comparaison, ternir l’image de Google. On retiendra que “Google a créé une alternative à ChatGPT”, pas l’inverse.
L’impact sur la pertinence et la véracité des résultats
Et si les résultats de ChatGPT sont loin d’être parfaits, demandez donc à l’assistant Google “l’heure du prochain match du Stade rennais” : malgré l’apparente simplicité de la question, il vous répondra que “le Stade rennais jouera contre le Téfécé dimanche”, ce qui ne répond clairement pas à la question…
Google peut ainsi être vu comme un suiveur, et comme un suiveur qui n’est pas en mesure d’atteindre le niveau proposé par ses concurrents. Est-ce que Bard sera meilleur que l’assistant ? Peut-être, mais peut-être pas : dans le résultat généré pour présenter au public les possibilités offertes par son robot conversationnel, une erreur de taille s’est glissée. Il est ainsi indiqué que le télescope James Webb a capturé la première image d’une exoplanète… alors que c’est arrivé en 2004. Si Google peut faire ce genre d’erreur en pleine présentation, imaginez ce qu’il adviendra pour les utilisateurs novices derrière leur écran…

Car c’est là l’un des risques majeurs des contenus générés par l’intelligence artificielle. Les erreurs. Les biais. Le renforcement des stéréotypes. Des clivages. De la discrimination. Et la réponse formulée à l’utilisateur peut lui sembler complète, vraie, parfaite, il n’est plus nécessaire de la remettre en cause : il ne prend plus le temps de naviguer sur le web pour vérifier ses informations, croiser les sources. Les effets pour la société peuvent être destructeurs, et la mainmise de Google sur le marché de la recherche le pousse nécessairement à la plus grande prudence. Le fait que Google soit bousculé et semble aujourd’hui contraint de déployer sa technologie plus vite que prévu représente un risque majeur, qui sera surveillé de près par les autorités.