Imposer des actions pour participer à un concours sur les réseaux sociaux : c’est légal, ça ?
Très populaires sur les réseaux sociaux, les concours qui incitent à réaliser des actions suscitent des questions juridiques. On lève le voile sur ces pratiques !

Certaines pratiques numériques courantes restent juridiquement ambiguës pour les non-initiés. Entre usages bien ancrés, zones grises du droit et récentes évolutions réglementaires, il est difficile de savoir précisément ce qui est autorisé, toléré ou interdit. Pour y voir plus clair, BDM publie une série d’articles qui explorent la légalité de ces pratiques, avec l’éclairage d’avocats spécialisés en droit du numérique et en propriété intellectuelle.
« Identifiez deux amis pour participer », « doublez vos chances de gagner en partageant en story »… Sur les réseaux sociaux, ces mécaniques de concours sont devenues si courantes qu’elles passent désormais presque inaperçues, mais sont-elles vraiment légales ?
Entre le droit de la consommation, les règles contre les pratiques commerciales déloyales et les conditions générales d’utilisation des plateformes sociales, le cadre est plus complexe qu’il n’y paraît. Pour y voir clair, BDM a sollicité les éclairages de Maître Yann-Maël Larher, du cabinet YML Avocat, et de Maître Jérôme Giusti, du cabinet Metalaw.
Participation conditionnée aux jeux concours : quel cadre légal ?
Sur le strict plan juridique, les jeux concours qui reposent sur un partage de publication ou sur l’identification d’amis ne sont pas interdits en soi. « Il n’existe pas d’interdiction générale d’exiger le partage d’une publication ou l’identification d’amis pour participer à un jeu concours, mais il faut que ces conditions ne constituent pas une pratique déloyale au sens du droit européen et français », explique Maître Yann-Maël Larher.
Autrement dit, la légalité dépend des modalités de mise en œuvre et des garanties offertes aux participants. « La légalité de ces pratiques doit être appréciée au regard de plusieurs régimes juridiques, en particulier le droit de la consommation, la protection des données personnelles, les règles contre les pratiques commerciales déloyales », complète Maître Yann-Maël Larher.
Le Code de la consommation, qui considère les jeux concours comme une loterie publicitaire, impose par exemple des obligations de transparence : « Les concours doivent être transparents, non trompeurs et respecter les règles du Code de la consommation », décrit Maître Jérôme Giusti. À l’inverse, les organisateurs s’exposent à des sanctions si leurs concours entretiennent la confusion ou exercent une pression excessive. Maître Yann-Maël Larher cite deux exemples de pratiques problématiques : des modalités de jeu « trompeuses ou peu claires (par exemple une information ambiguë sur le nombre de lots ou les chances de gagner) », ou encore une mécanique qui « crée une pression excessive sur les participants ou exploite la vulnérabilité de certains groupes notamment les plus jeunes (C. consom., art. L. 121-2) ».
Les réseaux sociaux imposent leurs conditions
Au-delà du droit commun, les plateformes sociales définissent leurs propres règles, et sont souvent très strictes. Les conditions générales d’utilisation de Facebook, Instagram ou encore X encadrent spécifiquement l’organisation de jeux concours. Par exemple, « il n’est pas légal, sur certains réseaux comme Facebook par exemple, d’imposer aux participants d’identifier des amis ou de partager une publication pour participer à un jeu concours. Ces pratiques contreviennent aux CGU des plateformes et peuvent entraîner la suppression du contenu ou la suspension du compte », explique Maître Jérôme Giusti.
Voici les principales règles à retenir selon les plateformes :
- Facebook : interdiction d’obliger au partage sur un profil personnel ou à l’identification d’amis pour participer, pas de like obligatoire pour valider la participation.
- Instagram : l’organisateur est responsable du respect des règles et a l’obligation d’indiquer les conditions de participation. Il faut également inclure une décharge exonérant Instagram de toute responsabilité. L’identification d’amis est tolérée si la pratique n’est pas exagérée (par exemple : demander à taguer 5 amis).
- X (Twitter) : à chaque concours, il est nécessaire de décourager la création de comptes multiples et la publication répétée d’un même post. Vous avez la possibilité de demander une mention du compte ou l’usage d’un hashtag pour retrouver les participations.
- TikTok : vous devez veiller au respect des règles communautaires et de la politique de confidentialité. Vous avez l’obligation d’énoncer clairement les conditions du jeu et de prévenir les participants contre les risques d’arnaques.
- YouTube : la plateforme oblige les organisateurs à respecter ses CGU, ses règles de communauté et les politiques de Google. La plateforme interdit de se présenter comme sponsor et impose la publication de règles officielles précisant la gestion des données personnelles.
- Snapchat : le réseau social demande un règlement officiel et interdit l’usage de son logo ou de son nom sans autorisation. La plateforme proscrit aussi toute incitation au spam, comme le fait de demander d’envoyer des Snaps à ses contacts.
Par ailleurs, les concours ne doivent pas s’apparenter à des jeux de hasard interdits (L.320-1 CSI), sauf exception prévue à l’article L.320-6 qui autorise les jeux promotionnels, explique Maître Jérôme Giusti.
Quelques bonnes pratiques à garder en tête
Pour limiter les risques juridiques et éviter des sanctions de la part des plateformes, certains réflexes s’imposent :
- Rédiger un règlement clair et accessible facilement : qui précise les modalités de participation, la nature des lots et la façon dont les gagnants seront désignés. À noter que le dépôt du règlement auprès d’un huissier n’est plus obligatoire depuis 2014.
- Éviter les mécaniques trompeuses ou trop contraignantes : comme annoncer un nombre de lots exagéré ou exiger des partages et identifications à répétition.
- Respecter les CGU de la plateforme utilisée : veillez à adapter le règlement de votre jeu concours à la plateforme sociale utilisée.
- Indiquer que le réseau social choisi n’est pas sponsor : vous devez notifier que le réseau social sur lequel vous organisez votre jeu concours n’est ni sponsor ni organisateur du concours et ce, peu importe la plateforme sélectionnée.
- Être transparent sur la collecte des données personnelles : précisez quelles informations sont demandées et dans quel but elles seront utilisées.
- S’appuyer sur une plateforme dédiée : il existe de nombreux outils qui permettent de créer et de diffuser des jeux concours sans avoir à gérer soi-même les différentes contraintes légales.
Pour résumer, l’organisateur doit veiller à : rédiger un règlement clair et accessible du jeu ; informer précisément sur les modalités de participation, les lots, le déroulement du tirage au sort ou de la désignation des gagnants ; ne pas tromper le consommateur ni exercer de pression indue ; respecter les règles de la plateforme et la réglementation sur la protection des données, conclut Maître Yann-Maël Larher.

Jérôme Giusti, Avocat spécialisé en innovation et numérique
Jérôme Giusti est avocat au barreau de Paris, spécialisé en propriété intellectuelle et en droit du numérique. Engagé sur les questions d’innovation responsable, il codirige également l’Observatoire justice de la Fondation Jean Jaurès.

Yann-Maël Larher, Avocat en droit du travail et du numérique
Yann-Maël Larher est avocat au Barreau de Paris, docteur en Droit, spécialisé en droit du travail, droit du numérique et cybersécurité. Il conseille entreprises et collectivités sur l’impact des technologies sur le travail. Il est également membre du Conseil d’Administration de l’Association Française des Docteurs en Droit (AFDD).