IA et marketing digital : comment former les experts augmentés de demain
Si l’IA générative ne remplace pas les marketeurs, elle redéfinit leur rôle, avec une nouvelle génération d’experts qui émerge. Décryptage de ces enjeux avec Guillaume Oudenot, responsable du département communication et marketing digital de l’Efrei.
Comment l’IA transforme et redéfinit le métier de marketeur ?
Alors que les outils d’IA générative s’immiscent dans tous les secteurs d’activité, le marketing digital est particulièrement touché. « L’impact est très fort, on est dans une phase de disruption totale. On ne peut pas aller contre l’IA : elle est là, et il faut apprendre à travailler avec elle, à l’utiliser comme un véritable outil », analyse Guillaume Oudenot, responsable du département communication et marketing digital de l’Efrei. Les directions marketing intègrent de plus en plus ces outils « non pas pour remplacer la réflexion humaine, mais pour être plus productifs, mieux gérer la donnée et accélérer la prise de décision, car sans données, en marketing, on ne fait rien ».
En termes d’organisation, les équipes évoluant dans ce domaine doivent se former et apprendre à intégrer les outils d’IA comme des assistants, « un moyen d’automatiser certaines tâches ou de travailler différemment ». Du côté du métier de marketeur en lui-même, le responsable de l’Efrei est clair : « il doit désormais composer avec un algorithme capable d’être plus rapide, plus performant, et parfois de meilleure qualité sur certaines tâches répétitives ou automatisables. L’IA excelle dans ces domaines et va bien plus vite que l’humain ».
Parmi les autres enjeux à relever pour les professionnels du marketing digital, on peut aussi noter la question de l’autorité et de la transparence, qui correspond au phénomène de « Shadow IA ». Si de nombreux collaborateurs tendent à utiliser l’IA pour produire des livrables, mais sans le mentionner : « quel est le rôle réel d’un responsable marketing si 100 % du travail est réalisé par l’IA ? ». La formation à la compréhension de ces écosystèmes ainsi que la sécurité des données utilisées est nécessaire, pour éviter que les modèles d’IA ne s’entraînent sur des informations internes, voire confidentielles, d’une entreprise.
L’IA pousse aussi à repenser la stratégie. Prenons le cas d’une campagne internationale déployée dans vingt pays, avec des supports localisés. Avant, des équipes humaines s’en occupaient. Aujourd’hui, une IA peut produire ces déclinaisons beaucoup plus rapidement, à moindre coût, et permettre des tests A/B beaucoup plus efficaces. Cela change la réflexion stratégique des marques, car l’IA devient un levier de performance et d’efficacité.
L’importance de l’esprit critique et de « maîtriser son cerveau » pour réussir dans le marketing digital
Face à des outils d’IA qui évoluent très vite, avec de nouveaux modèles qui sortent presque quotidiennement et l’ajout de fonctionnalités, ils gagnent en qualité et en pertinence. « Pour nous, à l’Efrei, cela implique de former nos étudiants à bien comprendre et à utiliser correctement ces outils. Notre politique est claire : nous encourageons les apprenants à utiliser l’IA, mais en intégrant le fait qu’elle ne fait pas tout. Nous les sensibilisons à des usages précis (création, audiovisuel, musique, développement web…) et nous leur apprenons à savoir rédiger des prompts efficaces en fonction de leurs besoins. » Au-delà du bon usage des outils IA (ChatGPT, Gemini, Copilot, Claude…), ils doivent comprendre comment elle fonctionne, comment elle apprend, et pour quelle raison certaines données ne doivent pas être partagées. L’objectif : avoir pleinement conscience des risques encourus face à la manipulation de données sensibles, qu’elles soient d’ordre RH ou financière.
L’esprit critique représente une compétence indispensable pour être en mesure d’évaluer la fiabilité des réponses qu’un chatbot peut fournir. « Nous les formons aussi à l’OSINT (Open Source Intelligence, ou renseignement de source ouverte en français) pour leur montrer comment des organisations peuvent diffuser de fausses informations à grande échelle, sur les réseaux sociaux ou via des sites dédiés à la désinformation. Ils doivent apprendre à distinguer ce qui est fiable de ce qui ne l’est pas, et à demander des sources à l’IA », poursuit Guillaume Oudenot. Le problème : de nombreux étudiants ont tendance à penser que ce qui est diffusé sur les réseaux sociaux s’apparente à la réalité. « Si l’IA leur dit la même chose, cela renforce leurs certitudes. C’est un enjeu majeur pour nous. »
Pour réussir leur carrière dans le marketing digital, les futurs experts doivent également faire preuve de curiosité et d’ouverture d’esprit. « Faire du marketing, c’est être curieux, tourné vers l’avenir, tout en maîtrisant les fondamentaux. Nos étudiants apprennent le marketing classique, puis le marketing digital, afin d’articuler les méthodes traditionnelles et les nouvelles pratiques. » L’adaptabilité fait aussi partie des soft skills incontournables, tout comme la compréhension que rien n’est jamais acquis. « Le digital accélère tout : les technologies, les usages, les métiers. Les tâches qu’ils réalisent aujourd’hui sur un tableur seront peut-être automatisées demain. » C’est en se concentrant sur la réflexion, le conseil ou encore la mise en place d’une stratégie que les futurs experts parviendront à faire la différence sur le marché de l’emploi.
À l’Efrei, on leur répète souvent : l’entreprise ne vous recrute pas pour maîtriser l’IA, mais pour maîtriser votre cerveau. Si vous savez mobiliser les deux, c’est une double valeur ajoutée !
Préparer les futurs professionnels du marketing digital à l’ère de l’IA : la vision de l’Efrei
Grande école d’ingénieurs généralistes et d’experts du numérique de l’Université Panthéon-Assas, l’Efrei a pour mission de former les acteurs responsables de la transformation numérique de demain, en apprenant à utiliser l’IA avec discernement. La pratique est au cœur de l’apprentissage avec la mise en application immédiate des connaissances apprises en cours, dispensés par des enseignants qui sont eux-mêmes formés à l’usage de l’IA.
Concrètement, les étudiants sont encadrés à travers trois contextes différents :
- Lorsque certains projets exigent l’usage de l’IA : il s’agit d’évaluer s’ils ont bien su utiliser l’IA, sur leur aptitude à rédiger les bons prompts, à itérer et à garder leur esprit critique.
- Pour les projets à réaliser sans IA : l’école mesure alors leur réflexion personnelle et leurs compétences pures.
- Dans le cas où l’IA sert d’assistant au futur expert : cela peut se produire dans le cas d’une étude de marché sur les sneakers, par exemple, où ces outils vont pouvoir les aider à collecter des données mondiales, à repérer les tendances, et ainsi renforcer leur stratégie marketing.
Certains profils étant particulièrement « digitalisés », en consommant du « snack content » – je consomme, je regarde, je jette – en contenu et sans effort cognitif, nous nous efforçons à combattre cette idée. L’IA n’est pas un outil miracle. Le premier outil à savoir utiliser, c’est son cerveau. Il faut leur réapprendre à mobiliser leur réflexion.
En suivant le bachelor marketing digital et communication, les apprenants sont préparés dans les meilleures conditions pour leur intégration professionnelle. « Nous ne formons pas des étudiants « hors-sol » : nous les préparons à comprendre les réalités de l’entreprise, ses exigences, ses codes, ses contraintes », confirme Guillaume Oudenot. Des mises en situation sur le terrain, sur des événements ou des salons marketing par exemple, leur permettent de s’entraîner à la création de contenu. « Ils tiennent un rôle de live reporters, avec des interviews de speakers à réaliser, des posts à créer pour une diffusion sur les réseaux sociaux, avec en prime des échanges privilégiés avec des professionnels du secteur ».
Cela leur permet d’expérimenter le monde réel, avec ses attentes. C’est ce que nous cherchons à faire : les confronter tôt au monde professionnel, tout en les accompagnant.
Face aux risques liés à la désinformation, là aussi, l’école les prépare à prendre le recul nécessaire. « La manipulation numérique est une réalité concrète. Nous leur montrons comment certains acteurs, notamment en Asie, manipulent les contenus, jusqu’à produire des millions de vidéos synchronisées sur des fermes de smartphones. Le message que je leur transmets, c’est d’apprendre à douter, à vérifier, à conserver cet esprit critique. La France reste un pays de liberté, il faut avoir conscience de cette chance, et apprendre à utiliser le numérique avec le discernement qui s’impose dans cette nouvelle ère dominée par l’IA », conclut le responsable.
Se former au marketing digital avec l’Efrei
Guillaume Oudenot, Responsable du département communication et marketing digital
Entrepreneur depuis 20 ans avec plus de 600 projets à son actif, Guillaume Oudenot occupe actuellement le poste de responsable du département communication et marketing digital à l’Efrei. Il a enseigné dans plusieurs établissements d’enseignement supérieur (IDRAC Business School, EM Normandie, CELSA, EFAP, ISCOM…). À l’Efrei, il accompagne les étudiants vers la réussite, entre excellence pédagogique et innovation digitale.
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