IA générative : vers un appauvrissement ou une renaissance du discours de marque ?

Dans cette tribune, Manon Chaussin, deputy head of content marketing chez CyberCité, nous livre une analyse poussée sur l’impact de l’IA dans la création de contenu et le discours de marque.

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L'impact de l'IA sur le contenu et le discours de marque. © CyberCité

Depuis plusieurs mois, l’intelligence artificielle générative s’est invitée dans toutes les conversations. Dans les boards stratégiques, les agences, les comités éditoriaux. Outil révolutionnaire pour certains, menace pour la singularité des marques pour d’autres. Entre fascination technologique et peur de la standardisation, le débat est ouvert. Mais au fond, la question qui nous intéresse vraiment n’est pas « faut-il ou non utiliser l’IA pour produire du contenu ? » mais plutôt « que fait l’IA au discours de marque ? ».

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Manon Chaussin, Deputy head of content marketing chez CyberCité

Deputy head of content marketing chez CyberCité et spécialiste des enjeux liés à l’IA pour le contenu des marques.

Est-ce qu’elle nous entraîne vers une uniformisation des prises de parole ? Ou au contraire, est-ce qu’elle nous pousse – à condition de bien l’utiliser – à élever le niveau de jeu, à redéfinir les contours de ce qu’on appelle une voix de marque ?

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L’IA générative, catalyseur de contenus sans âme ?

L’IA générative a bouleversé la donne. En quelques secondes, elle peut rédiger un article, un post LinkedIn, un slogan. Elle résume, traduit, reformule, le tout avec une aisance et une rapidité qui auraient semblé inimaginables il y a encore quelques années. Pour les marques, la promesse est claire : produire plus, plus vite, moins cher. Mais derrière cette révolution apparente, un risque bien réel s’installe : celui d’un contenu standardisé, aseptisé, sans relief. Car l’IA ne crée pas à partir du vide : elle s’appuie sur une base de données commune, elle reformule ce qui existe déjà. Elle génère des mots, pas des idées. Elle agence des phrases, mais ne raconte pas d’histoire. Elle connecte, mais ne ressent rien.

Le problème ne vient pas de l’outil. Il vient de l’usage qu’on en fait.

Quand on délègue à l’IA la responsabilité de penser à notre place, on renonce à ce qui fait la richesse d’un discours de marque : un point de vue assumé, une voix reconnaissable, une nuance subtile. On se retrouve avec des contenus qui ne dérangent personne — et qui, logiquement, n’engagent personne. Des posts LinkedIn qui se ressemblent. Des newsletters oubliables. Des pages web lues puis aussitôt zappées. Un contenu sans aspérité, c’est un contenu sans mémoire. On le lit, on l’oublie. Il ne laisse aucune empreinte.

L’IA sait aligner les mots. Mais elle ne sait pas encore incarner une singularité, faire vivre une posture, défendre une idée forte. Elle ne peut pas, seule, donner corps à une voix de marque. Et c’est précisément là que réside l’enjeu : à l’heure où jamais les marques n’ont autant publié, il ne s’agit plus de produire plus, il s’agit de produire mieux. Et pour ça, il faut plus que des outils, il faut une vision.

Et si l’IA générative était une chance ?

L’IA générative n’est pas l’ennemie du sens, mais un outil puissant, polyvalent, fascinant. Comme tout outil, sa valeur dépend de la manière dont on l’utilise. Mal utilisée, elle produit du bruit. Mais bien exploitée, elle peut au contraire aider les marques à élever leur discours, clarifier leurs intentions, structurer leurs pensées, et surtout, gagner du temps pour se concentrer sur l’essentiel : le fond, le ton, la stratégie. Loin d’automatiser la pensée, l’IA peut, en déchargeant les équipes de tâches répétitives et mécaniques, leur redonner la liberté de creuser, de prendre du recul, d’affiner leur réflexion. Elle devient alors un allié précieux pour renforcer l’exigence éditoriale, pas pour l’affaiblir.

L’IA comme levier de créativité augmentée

Employée dès les premières étapes de la création, elle joue un rôle de catalyseur : générer des idées, tester des angles, explorer des pistes nouvelles. Elle agit aussi comme un miroir critique, révélant les contenus trop attendus et incitant à sortir des sentiers battus. En ce sens, l’IA est une opportunité : non pas pour produire à la chaîne, mais pour mieux définir ce qu’on veut vraiment dire. Elle peut servir à mieux cerner une audience, affiner une proposition de valeur, nourrir une réflexion stratégique. Elle devient le tremplin d’un contenu plus juste, plus incarné, plus impactant. À condition de la remettre à sa juste place : celle d’un outil au service d’une vision humaine. Car c’est là que se joue la différence. Ce qui fera la singularité d’un contenu, ce n’est pas sa fluidité, sa syntaxe ou sa longueur, c’est ce qu’il dit. Et surtout, pourquoi il le dit.

Contenu sans parti pris, contenu sans impact

Une marque qui a quelque chose à dire doit le dire avec sa voix, pas avec celle d’un modèle pré-entraîné. Or, c’est justement cette voix qu’on dilue quand on s’en remet trop aveuglément à l’IA. On gomme les aspérités. On lisse le ton. On évite les partis pris, parce qu’ils sont plus difficiles à formuler automatiquement. Résultat : des discours qui pourraient appartenir à n’importe qui, et qui ne ressemblent à personne.

Dans un paysage saturé de messages, ce n’est pas la répétition qui crée la préférence, c’est la reconnaissance. Une marque qui assume son regard, qui creuse ses angles, qui ose prendre position, crée du lien. Elle s’inscrit dans la mémoire, pas juste dans l’algorithme. L’IA générative n’est pas l’ennemie du marketing de contenu, mais elle met au défi la cohérence et la personnalité des marques. Elle oblige à redéfinir ce qui rend un contenu vraiment distinctif : une intention claire, un ton assumé, une perspective singulière. Bref, tout ce qu’un prompt seul ne peut produire.

Pour une renaissance du discours de marque

À l’heure où tout peut être généré, la vraie rareté n’est plus le contenu, mais le discours incarné. Celui qui ne se contente pas d’informer, mais qui exprime une vision, porte une intention, crée un lien. Celui qui ne cherche pas seulement à plaire, mais à résonner. Aujourd’hui, ce qui capte l’attention n’est plus la forme, mais la force du propos. On ne retient pas un texte pour sa syntaxe, on le retient pour ce qu’il déclenche : une prise de conscience, une émotion, une adhésion. Ce qui compte, c’est le pourquoi, ce que ça raconte et pour qui on le raconte.

Le storytelling comme levier de connexion

Dans ce nouveau paradigme, le storytelling redevient central. Pas comme simple outil de communication, mais comme étape pour penser une marque à partir d’un vécu, d’un besoin, d’un chemin. Raconter, ce n’est pas enjoliver. C’est traduire une intention en récit. Donner à voir le réel autrement. Faire sentir plutôt que simplement expliquer. Mais encore faut-il savoir à qui on s’adresse. C’est là que les search buyer persona reprennent toute leur valeur : quels sont leurs désirs ? Leurs doutes ? Leurs freins ? Leurs points de rupture ? Comprendre leurs aspirations, leurs besoins… pour mieux y répondre avec clarté et sincérité. C’est là que se cachent les bons récits. Ceux qui résonnent, qui embarquent, qui engagent.

Il ne s’agit plus de produire pour remplir, mais de penser pour relier. Relier une marque à son audience. Une proposition à un besoin. Un discours à une émotion. Cela demande plus qu’un bon wording : cela demande un point de vue. Un ton assumé. Des partis pris éditoriaux qui tracent une ligne claire entre ce que la marque pense, ce qu’elle dit et ce qu’elle fait. C’est là que le discours de marque peut renaître : dans cette capacité à dire quelque chose de singulier, à oser des récits qui divisent peut-être, mais qui marquent. À sortir des sentiers battus, à parler vrai, à injecter du relief là où tout devient lisse. C’est cette voix-là qui fera la différence. Pas la plus fluide, pas la plus optimisée mais la plus juste, la plus habitée.

Car un discours qui ne fait ni réagir ni réfléchir est un discours qui s’oublie, et l’IA n’a rien à y voir.

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