IA, formation et employabilité : les étudiants français pessimistes
Les jeunes français portent un regard assez pessimiste sur l’IA, au sein d’une étude qui met en évidence un certain retard dans l’Hexagone face à d’autres pays.
L’IA redessine le paysage éducatif et professionnel à travers le monde. Mais comment est-elle perçue et intégrée par les étudiants français en comparaison avec leurs homologues d’Italie, d’Espagne et de Colombie ? Une étude récente, menée par Planeta Formación y Universidades et GAD3 auprès d’étudiants de l’enseignement supérieur dans ces quatre pays, met en lumière des écarts significatifs dans l’adoption, la formation et les perspectives d’avenir liées à l’intelligence artificielle. Décryptage.
Une adoption encore timide en France
L’utilisation de l’IA dans la vie quotidienne est en pleine expansion, mais la France accuse un léger retard par rapport à ses voisins européens et latino-américains. Si 60 % des étudiants français déclarent utiliser l’IA à un niveau utilisateur, ce chiffre est inférieur à celui observé en Espagne (65 %), en Italie (63 %) et en Colombie (60 %). Là où la différence se creuse davantage, c’est dans la capacité à créer et appliquer des outils d’IA : seuls 21 % des étudiants français affirment posséder ces compétences, contre 35 % en Colombie, 32 % en Espagne et 32 % en Italie.
En France et en Italie, les étudiants en Ingénierie et en Architecture sont les plus nombreux à utiliser l’IA au niveau utilisateur (74 %), tandis qu’en Espagne, ce sont ceux en Sciences sociales qui l’adoptent le plus (71 %). À l’inverse, en Colombie, les étudiants en Arts et Sciences humaines affichent un taux d’utilisation plus faible (47 %). Par ailleurs, la France se distingue par un faible niveau de compréhension des applications de l’IA, en particulier parmi les étudiants en Arts et Sciences humaines (32 %).
Une perception centrée sur l’automatisation, plus qu’ailleurs
Les étudiants français associent principalement l’IA à l’automatisation des tâches (voir image de une). Cette vision contraste avec celle des étudiants italiens, qui identifient aussi fortement l’IA à l’apprentissage automatique, ou encore avec celle des étudiants espagnols et colombiens, qui mettent en avant son rôle dans l’optimisation des tâches et l’analyse d’images. Ce biais vers l’automatisation en France pourrait expliquer les craintes plus marquées face à la destruction d’emplois.
L’optimisation des tâches et l’analyse des images sont les deux applications les plus reconnues de l’intelligence artificielle, avec quelques particularités selon les pays : l’Italie identifie également l’apprentissage automatique comme la principale caractéristique de l’IA, tandis que la France l’associe principalement à l’automatisation, note l’étude.
L’IA perçue comme une menace pour l’emploi en France
Si la perte d’emplois due à l’IA est une inquiétude partagée dans tous les pays étudiés, elle est particulièrement marquée en France. 43 % des étudiants français estiment que l’IA entraînera une destruction massive d’emplois, contre 33 % en Espagne, 33 % en Italie et 30 % en Colombie.
Le fait que 39 % des étudiants français voient l’IA comme un levier d’automatisation des tâches répétitives alimente encore davantage cette perception anxiogène. À l’inverse, en Colombie et en Espagne, l’IA est plus souvent perçue comme une opportunité pour la recherche et le développement. En outre, les étudiants français semblent moins confiants dans leur capacité à s’adapter aux nouvelles technologies.
Ceux-ci identifient les professionnels de l’industrie manufacturière comme les plus exposés à l’automatisation (26 %, soit le deuxième taux le plus élevé après l’Italie à 30 %). Ils citent également les employés administratifs et le service client comme secteurs particulièrement vulnérables.
Moins de formation et un manque de confiance en France
Un des principaux facteurs expliquant le retard français dans l’adoption proactive de l’IA est le manque de formation. L’étude révèle que 73 % des étudiants français déclarent ne pas avoir reçu de formation en IA, contre 77 % en Italie, 72 % en Espagne et 61 % en Colombie. La Colombie se distingue donc avec un taux de formation plus élevé (39 % des étudiants déclarent avoir été formés à l’IA, contre seulement 27 % en France).
Autre point préoccupant : le manque de confiance des étudiants français dans leur capacité à apprendre l’IA. Seulement 40 % d’entre eux se disent confiants dans leur aptitude à acquérir les connaissances nécessaires pour travailler avec l’IA, contre 65 % en Colombie et en Espagne. Ces chiffres montrent que les étudiants français sont moins préparés à relever les défis de l’IA et que le système éducatif peine encore à leur fournir les outils nécessaires pour combler ce déficit.
Un rôle attendu des établissements d’enseignement
Malgré ces défis, les étudiants français (comme ceux des autres pays) estiment que les établissements d’enseignement supérieur ont un rôle clé à jouer dans l’intégration de l’IA au sein des cursus. Cependant, ils sont ceux qui accordent le moins d’importance à cette intégration : 38 % des étudiants français jugent que l’IA est peu ou pas du tout pertinente pour être enseignée dans leurs formations, contre 21 % en Colombie et 24 % en Italie.
Pourtant, lorsque les étudiants bénéficient d’une formation, ils apprécient particulièrement la clarté des explications et la pédagogie en France (64 % de satisfaction), tandis que les Espagnols mettent en avant la pertinence des contenus (70 %) et les Colombiens leur applicabilité pratique (73 %).
Les étudiants suggèrent plusieurs pistes pour améliorer la formation en IA :
- Former les enseignants aux outils d’IA,
- Créer des alliances avec les entreprises du secteur,
- Renforcer l’offre de formation dédiée à l’IA,
- Intégrer l’IA dans tous les cursus, pas seulement en ingénierie.
Un défi éducatif et culturel pour la France
Si l’IA est une réalité incontournable pour le monde du travail de demain, les étudiants français semblent moins confiants et moins formés que leurs homologues européens et latino-américains, selon l’étude menée par Planeta Formación y Universidades et GAD3. Leur perception de l’IA est davantage tournée vers l’automatisation et la destruction d’emplois, ce qui alimente un certain pessimisme.
Pour que la France puisse mieux tirer parti des opportunités offertes par l’IA, il semble urgent de renforcer la formation des étudiants à ces outils, et de promouvoir une vision plus proactive et optimiste. L’intégration de l’IA dans les cursus académiques, la formation des enseignants et une meilleure sensibilisation aux opportunités qu’offre cette technologie pourraient être les clés pour rattraper ce retard.