Forcer l’inscription à une newsletter contre un avantage gratuit : c’est légal, ça ?

La création de livres blancs est une méthode privilégiée par les marques pour booster l’inscription des lecteurs à leur newsletter. Mais que dit la loi sur cette pratique ?

Livre Blanc Webinar Legal
L'utilisateur doit clairement consentir à recevoir la newsletter pour y être inscrit. © Monster Ztudio - stock.adobe.com

Certaines pratiques numériques courantes restent juridiquement ambiguës pour les non-initiés. Entre usages bien ancrés, zones grises du droit et récentes évolutions réglementaires, il est difficile de savoir précisément ce qui est autorisé, toléré ou interdit. Pour y voir plus clair, BDM publie une série d’articles qui explorent la légalité de ces pratiques, avec l’éclairage d’avocats spécialisés en droit du numérique et en propriété intellectuelle.

Dans cet article, nous nous intéressons à la pratique consistant, pour une marque, à inscrire automatiquement un internaute à sa newsletter lors du téléchargement d’un livre blanc, de l’inscription à un webinar ou de tout autre avantage conditionné par une inscription. Pour ce faire, nous nous appuierons sur l’expertise de Maître Yann-Maël Larher, du cabinet YML Avocat, et Maître Jérôme Giusti, du cabinet Metalaw.

Contenu gratuit contre inscription à la newsletter : une pratique courante

Le téléchargement d’un livre blanc, l’accès à une étude sectorielle ou la participation à un webinar sont rarement totalement gratuits. En réalité, l’utilisateur « paye » en fournissant ses données personnelles, le plus souvent son adresse email, que la marque utilise ensuite pour ses communications marketing.

Ce mécanisme s’inscrit dans une logique bien connue de génération de leads : offrir un contenu à (plus ou moins) forte valeur ajoutée en échange d’une inscription à une newsletter ou d’une autorisation de prospection commerciale. Du côté des entreprises, c’est un moyen efficace d’élargir leur base de contacts et de qualifier leurs prospects.

Dans bien des cas, cette inscription ne se limite pas à un simple échange volontaire : elle est automatique. L’adresse email fournie pour télécharger un contenu est directement utilisée pour abonner l’internaute à la newsletter de la marque, sans que celui-ci ait toujours donné un accord explicite. Mais cette pratique est-elle conforme à la réglementation ?

Est-ce légal de forcer l’inscription à la newsletter ?

Comme souvent avec les données personnelles, c’est la question du consentement libre et éclairé qui est en jeu. « Selon le Règlement général sur la protection des données (RGPD), l’utilisateur doit clairement consentir » (art. 4 et 7 du RGPD), rappelle ainsi Maître Larher, pour qui « conditionner l’accès à un livre blanc à une inscription obligatoire à une newsletter revient à imposer un choix qui n’en est pas un, ce qui rend le consentement invalide ».

La CNIL et le Comité européen de la protection des données (CEPD) rappellent que le consentement n’est valable que s’il est donné sans contrainte. Dans ce contexte, l’abonnement à une newsletter n’est généralement pas nécessaire à la fourniture du service principal, à savoir l’accès au livre blanc. Cette pratique s’apparente donc à un « consentement forcé », explique Yann Maël Larher.

Toutefois, la nécessité de transmettre l’adresse email peut être exigée pour la transmission du livre blanc, mais « cette collecte ne doit pas servir d’office à des fins de prospection sans consentement distinct », précise l’avocat. Les sanctions peuvent aller du simple avertissement jusqu’à une amende proportionnelle au chiffre d’affaires de l’entreprise (jusqu’à 20 millions d’euros ou 4 % du chiffre d’affaires mondial).

Inscription à la newsletter : les bonnes pratiques à suivre

Même constat pour Maître Jérôme Giusti, qui confirme que, dans ce cas de figure, « le consentement n’est ni libre ni éclairé ». Le cofondateur du cabinet Metalaw ajoute : « Les deux opérations de traitement, à savoir pour accéder au livre blanc et à la newsletter, doivent être clairement séparées, avec un choix distinct pour chacun. »

Mieux vaut proposer une case optionnelle d’abonnement à la newsletter en proposant à l’utilisateur une case à cocher, sans y subordonner l’accès au livre blanc, suggère Maître Giusti en alternative.

Pour vous assurer de respecter les bonnes pratiques, Yann-Maël Larher rappelle : « Le consentement doit être positif et explicite, par exemple via une case non pré-cochée accompagnée d’une mention claire du type : ‘Je souhaite m’inscrire à la newsletter’. » Certaines conditions d’inscription, comme la durée de l’abonnement, la fréquence d’envoi ou les finalités de traitement, devront également être indiquées.

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Yann-Maël Larher, Avocat en droit du travail et du numérique

Yann-Maël Larher est avocat au Barreau de Paris, docteur en Droit, spécialisé en droit du travail, droit du numérique et cybersécurité. Il conseille entreprises et collectivités sur l’impact des technologies sur le travail. Il est également membre du Conseil d’Administration de l’Association Française des Docteurs en Droit (AFDD).

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Jérôme Giusti, Avocat spécialisé en innovation et numérique

Jérôme Giusti est avocat au barreau de Paris, spécialisé en propriété intellectuelle et en droit du numérique. Engagé sur les questions d’innovation responsable, il codirige également l’Observatoire justice de la Fondation Jean Jaurès.

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