Édouard Lauwick, Rakuten Advertising : « l’affiliation est encore un levier manuel, où les relations restent très humaines »
Senior vice-président de Rakuten Advertising pour l’Europe du Sud, Édouard Lauwick a dressé pour nous un état des lieux du marché de l’affiliation, ses acteurs et ses tendances pour les mois à venir, à l’occasion de la dernière édition d’Inbound Marketing France.
Rakuten Advertising est une filiale du groupe japonais Rakuten, crée en 1997, qui est présent dans de nombreux secteurs d’activités : e-commerce (marketplace), bancaire, santé (recherche contre le cancer), cryptomonnaie et téléphonie (en tant qu’opérateur au Japon).
Cette division Advertising de Rakuten développe des technologies d’optimisation des campagnes online des annonceurs et propose une offre globale. Elle s’articule ainsi autour de 3 grands métiers, l’affiliation, une activité programmatique : targeting et retargeting, et enfin une activité advertising, pour la commercialisation des inventaires des assets du groupe Rakuten.
À l’occasion de la dernière édition d’Inbound Marketing France, fin janvier, nous avons rencontré Édouard Lauwick, senior vice-président de Rakuten Advertising pour l’Europe du Sud, qui nous a dressé un état des lieux du marché de l’affiliation et ses tendances, ses principaux acteurs et la manière dont Rakuten Advertising les accompagne dans la gestion de leurs campagnes.
Où en est le marché de l’affiliation actuellement ?
Quand on regarde le marché de l’affiliation depuis la France, c’est un levier marketing qui a toujours été mal-aimé. Mais quand on le regarde depuis les États-Unis ou d’autres pays dans le monde, on s’aperçoit que l’affiliation reste, pour l’ensemble des annonceurs, un levier important. Chez Rakuten, nous pensons qu’il s’agit d’un levier qui n’a pas encore fait sa mue, son pivot technologique.
Tous les leviers de la communication online aujourd’hui se sont « technoisés ». Même si le terme n’est pas très beau, cela signifie que nous avons rajouté de la technologie, de l’automatisation et de l’intelligence dans tous les leviers marketing online. Cela a été le cas pour le display, avec le machine learning et le programmatique, comme pour les autres leviers, avec de plus de en plus de logiciels qui prennent des décisions intelligentes. Et ce faisant, nous avons amélioré les performances.
Pourtant, cela n’a pas été le cas pour l’affiliation, qui est demeuré un levier extrêmement manuel, où les relations restent très humaines avec les annonceurs d’un côté, les affiliés de l’autre, et la plateforme au milieu. Il n’y a pas eu ce pivot du marché sur lequel nous travaillons.
Quelles actions avez-vous mis en place pour apporter ce changement ?
Toute la logique d’automatisation, de machine learning, d’utilisation de la data qu’on a pu avoir en display, nous essayons de l’amener dans l’affiliation. Comment choisir les bons annonceurs lorsque vous êtes un affilié ? Comment diffuser le bon message au bon internaute au bon moment ?
Nous avons lancé une nouvelle fonctionnalité de dynamic commissioning qui est une première étape : la commission que va toucher l’affilié va être fonction de la typologie de l’internaute, qui est en train de faire une transaction. Nous allons regarder s’il s’agit d’un ancien ou d’un nouveau client et quel type de produit il achète. L’annonceur pourra fixer des rémunérations différentes en fonction de la valeur ou l’importance de l’achat en cours. Si l’on analyse bien la valeur qu’amène chacun de ces affiliés et qu’on les rémunère en fonction, on peut avoir une approche intelligente et scientifique. Cela permettra de sortir du cliché que l’on peut avoir sur ce marché.
Quels sont les acteurs concernés par l’affiliation ?
Fondamentalement, il s’agit d’un levier qui s’adresse à tous les types d’acteurs, que ce soit un très grand groupe ou une TPE, du moins en théorie. En pratique, nous remarquons qu’il y a une prime à la marque. Il est possible d’en faire si vous êtes une petite entreprise, car économiquement le modèle est viable. Le volume que ces petites entreprises peuvent en espérer sera juste moins important que pour les plus gros annonceurs.
Quel est votre rôle auprès des annonceurs ?
Nous parvenons à intéresser beaucoup d’annonceurs internationaux pour être accompagnés en France, mais aussi dans les autres marchés sur lesquels nous sommes présents. Sur le marché de l’affiliation, les plateformes se sont très souvent contentées de proposer du tracking et la mise à disposition d’un réseau d’affiliés pour les annonceurs. Mais la notion de service était jusque-là absente pour expliquer ou guider les annonceurs, pour les aider à construire une stratégie d’affiliation.
Grâce à notre plateforme d’affiliation Rakuten, nous avons une approche différente. Nous essayons de construire avec nos annonceurs une stratégie d’affiliation pour tirer le meilleur parti de l’ensemble des affiliés, quelle que soit leur typologie. Nous analysons la performance des affiliés, s’ils amènent de nouveaux clients ou certains qui n’étaient pas revenus depuis longtemps, s’ils génèrent des ventes incrémentales, quel est le niveau de marge des clients qui sont amenés par l’affiliation… Nous essayons d’apporter un accompagnement important et une co-construction de la stratégie d’affiliation pour l’annonceur. Et, au fur et à mesure, nous tentons de bouleverser technologiquement les plateformes d’affiliation en y mettant de plus en plus d’automatisation et de machine learning.
Que répondez-vous aux critiques sur l’automatisation de l’affiliation ?
La technologie avec le machine learning vient automatiser un certain nombre de process en vue d’améliorer les performances. Mais mettre de l’automatisation ne signifie pas retirer de l’humain, les gens doivent continuer à se parler et ont besoin au contraire de se rencontrer. L’affiliation est un métier super humain : c’est la constitution d’un réseau d’apporteurs d’affaires. Il y a une communauté d’intérêts avec les annonceurs et les affiliés avec lesquels ils travaillent. Ils ont un vrai besoin de relations humaines étroites, de feedbacks, pour savoir ce qui fonctionne.
Quels sont les avantages de l’affiliation pour les annonceurs ?
L’avantage de l’affiliation comparé à tous les autres leviers marketing (le search, le retargeting, le prospecting, etc.) est qu’elle est pérenne et récurrente. Plus ça va durer, plus vous allez améliorer vos performances. Comme vous allez partager la marge ou le chiffres d’affaires avec vos affiliés, par définition, vous partez sur une base économique saine. Il s’agit du seul levier sur Internet où il y a un véritable partenariat. Les annonceurs parviennent à un équilibre financier grâce à l’affiliation, c’est ce qui est très intéressant pour eux.
Avec les plateformes d’affiliation comme celle de Rakuten Advertising, les entreprises internationales, qui ont la capacité de livrer dans de nombreuses zones géographiques, peuvent aussi se constituer un réseau d’apporteurs d’affaires et commencer à faire du business sans quitter leur bureau. Nous avons la possibilité de leur constituer ce réseau partout dans le monde. C’est un véritable intérêt car aujourd’hui il y a peu d’acteurs qui sont capables de lancer des campagnes en affiliation dans le monde entier.
Quels sont les inconvénients de l’affiliation ?
L’affiliation nécessite que l’on y passe du temps, et donc que l’on y consacre des ressources pour que cela fonctionne réellement. Créer des relations avec des affiliés, les rencontrer, discuter avec eux, passer des deals… Cela prend beaucoup de temps. Comme les types d’affiliés sont protéiformes (emailleurs, couponning, influenceurs, etc.), il faut faire attention que la rémunération fixée à chacun soit juste et corresponde à la valeur réelle que cela apporte. Si tout le monde est rémunéré de la même manière, ce n’est pas juste. Par exemple, le site de couponning, qui est tout au bout de la chaîne au moment où l’internaute va passer à la transaction, n’a pas du tout la même valeur dans ce qu’il créé pour vous en tant que marque qu’un influenceur, un site de contenu ou un blog sur la mode. Il faut faire attention à ces différents équilibres. Cela demande du travail, de la réflexion. Comme l’affiliation est sur du long terme, qu’il s’agit d’un marché pérenne et récurrent, cela nécessite de l’investissement de la part des entreprises.
Quelles sont les tendances de l’affiliation ?
Les marques ont besoin de plus en plus de conseils et d’accompagnement, notamment pour les plus gros annonceurs, qui vont mobiliser beaucoup de ressources chez nous pour les aider, voire même gérer à leur place leur programme. D’autres internalisent des ressources pour faire grandir leur programme d’affiliation de manière autonome. Ils vont nous demander la technologie pour le faire, et la mise à disposition d’un réseau. De temps à autres, ils vont également nous demander des conseils, par exemple avant de se lancer sur un marché à l’international, ou des rapports sectoriels pour mieux connaître les typologies d’affiliés. Cela nous permet de nous concentrer sur cette valeur ajoutée, que nous pouvons apporter à nos annonceurs du point de vue du conseil. Cela rend le métier plus intéressant.