Droits de douane : la riposte européenne devrait cibler les géants du numérique

La guerre commerciale déclarée par Donald Trump ce mercredi n’est pas du goût des dirigeants européens, qui préparent une riposte sur les services numériques.

Tarrifs USA 2025
Les tableaux présentés par Donald Trump affichent les nouveaux droits de douane appliqués à chaque pays. © US Trade Representative

Pour Donald Trump, ce mercredi 2 avril 2025 marquait le retour de l’« indépendance économique » des États-Unis. Mais ce Liberation Day signe plutôt le début d’une guerre commerciale entre la première puissance mondiale et le reste du monde, illustrée par d’austères tableaux de nouveaux droits de douane appliqués en représailles contre la quasi-totalité des États du globe. L’Europe, qui n’est pas épargnée par les nouvelles mesures, réfléchit à sa contre-attaque, qui devrait se concentrer sur les plateformes numériques.

20 % pour l’Europe et un étrange mode de calcul

Le mode de calcul mis en place par l’US Trade Representative, afin d’estimer le pourcentage à attribuer à chaque pays, semble pour le moins capillotracté. Il fonctionne de la manière suivante :

  • Trump prend le déficit commercial des États-Unis avec un pays,
  • Il le divise par les importations américaines en provenance de ce pays,
  • Puis il coupe le résultat en deux — ce qui donne le pourcentage du tarif appliqué.

Une réponse simpliste, qui ne tient pas compte des véritables causes des déséquilibres commerciaux, comme l’épargne et l’investissement aux États-Unis. Thomas Sampson, professeur associé à la London School of Economics, explique ainsi au Financial Times :

Tant que les États-Unis n’épargnent pas suffisamment pour financer leurs propres investissements, ils doivent emprunter au reste du monde. Et cela les oblige à avoir un déficit commercial. Les droits de douane ne changent rien à cette logique.

Dès le 3 avril, Emmanuel Macron n’a d’ailleurs pas manqué d’appeler les entreprises françaises à geler leurs investissements aux États-Unis.

Pour l’Europe, ce sera donc 20 %, qui viennent s’ajouter aux taxes déjà existantes. Un tarif douanier nettement inférieur aux 34 % appliqués à la Chine, mais bien supérieur à celui imposé au Royaume-Uni et à l’Australie (10 %). Il représente une menace pour les entreprises européennes — dont les prix des produits aux États-Unis pourraient exploser — et, par ricochet, pour la croissance et l’emploi.

L’Europe veut cibler les services numériques

Depuis mercredi, l’Europe s’active pour trouver une riposte. Mi-avril, des taxes portant principalement sur l’acier et l’aluminium, décidées en amont, entreront en vigueur. Elles devraient être suivies de mesures visant les services numériques, comme l’a confirmé à RTL la porte-parole du gouvernement, Sophie Primas, mentionnant spécifiquement les GAFAM. Cette décision s’explique à la fois par la position ultradominante des services numériques étasuniens sur le marché européen, mais aussi par le déséquilibre commercial dans ce secteur. En effet, si l’Europe affiche un excédent sur les produits, elle enregistre un déficit en matière de services numériques.

L’idée de taxer les géants du numérique n’est pas nouvelle. L’Union européenne avait déjà tenté d’instaurer une taxe sur les GAFAM en 2018, mais le projet avait échoué faute d’unanimité entre les États membres. Plusieurs pays avaient alors mis en place leurs propres dispositifs. En France, une taxe de 3 % sur le chiffre d’affaires des géants du numérique réalisé sur son sol avait ainsi été instaurée, avant d’être suspendue dans le cadre des négociations à l’OCDE pour un accord fiscal mondial.

Taxes sur les services numériques américains : quels risques pour les Européens ?

Une telle riposte ne serait pas sans conséquences pour les internautes français, qui pourraient constater des hausses de prix sur certains services (abonnements à Netflix, iCloud, ou encore services proposés par Google et Microsoft) ou même voir certaines fonctionnalités jusqu’ici gratuites devenir payantes.

Pour les entreprises, encore largement dépendantes des services américains, la note pourrait également s’alourdir, comme le souligne Ludovic Subran, économiste en chef du groupe Allianz, à Libération : « L’Europe a une balance excédentaire sur les biens avec les États-Unis, mais c’est du côté des services où cela peut poser de graves problèmes. Les entreprises européennes achètent beaucoup de services d’entreprises américaines et elles pourraient se retrouver à payer la facture, par exemple pour les services digitaux. » Des augmentations de prix qui, à nouveau, pourraient se répercuter sur les consommateurs.

À l’inverse, l’affaiblissement de certains mastodontes du numérique, conjugué aux préoccupations croissantes autour de l’utilisation des données et des tentatives de manipulation de l’opinion mises en lumière ces derniers mois, pourrait favoriser le développement d’un écosystème numérique souverain en Europe.

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