Design émotionnel : un retour vers une communication authentique

Shirley Jagle, co-fondatrice de l’agence de création et de design Kairos Agency, nous explique comment le design émotionnel parvient à placer l’humain au cœur des projets web.

Isometric mobile development illustration
Crédit : GettyImages / IkonStudio

Pouvez-vous présenter Kairos et ses actions dans le domaine du design émotionnel ?

J’ai fondé Kairos Agency aux côtés de Louis Bernard et Martin Avisseau. Nous concevons les stratégies nécessaires aux entreprises pour être visibles et transmettre leur message, quel que soit le support. Nous travaillons sur de la création de marques, du développement de sites web, aussi bien que sur de la gestion de trafic. Notre approche consiste à concevoir des expériences créatives et digitales de plus en plus immersives, intuitives et les moins invasives possible.

C’est pour nous à la fois une question de valeurs, voire d’éthique, y compris dans nos créations. Kairos conçoit des interfaces web non agressives visant à réduire la pollution mentale liée à la navigation web parce que c’est un enjeu de plus en plus important.

Quels sont les besoins les plus courants pour vos clients ?

Nous avons tous de belles histoires à raconter et du mal à trouver les mots, à les rendre compréhensibles. Souvent, les clients qui viennent nous voir ont des offres très compétitives, innovantes dans leurs domaines, mais ont des difficultés à s’adresser à leurs cœurs de cible. Par exemple, ils vont chercher à refondre leur site web ou acquérir plus de trafic. Notre approche va être de remettre l’humain au centre du digital plutôt que d’avoir une première réponse technologique.

Lorsque l’on analyse avec nos clients l’état de leurs outils, ce sont souvent les mêmes éléments qui ressortent : une offre trop développée, trop de texte, l’information est mal hiérarchisée, leurs communications pas harmonisées … et manquent donc de clarté.

La première étape pour nous va donc être de se recentrer sur le “pourquoi ?”. Et c’est là que l’humain commence, que l’émotion est importante. Quelque soit le produit ou service, il a une raison d’être, répond à un besoin humain, il suffit de reprendre la pyramide de Maslow.

Crédit : GettyImages / mayrum

Ensuite viennent vos clients, les fameux personas clefs. Une fois qu’ils sont bien identifiés, on ne va pas utiliser les mêmes ressorts émotionnels selon que l’on s’adresse à un étudiant ou à une mère de famille. Et c’est seulement à l’issue de cette étape que vont arriver la stratégie et la technologie.

Dans les produits et les services, quels sont ces « petits trucs » émotionnels qui font la différence ?

C’est le bon terme, “petits trucs” ! Parce qu’on pense souvent à une révolution, alors qu’une émotion est faite de petits détails qui sont autant de reliefs donnant vie au digital.

Qu’est-ce qui est naturel, humain ? Les courbes. Tout est courbe, rien n’est ligne droite dans la nature. Dans le design d’interfaces digitales, cela se traduit par des arrondis, par une alternance de rythmes dans les sections. Cela me fait penser au site réalisé pour  les chorégraphes Patrick Dupond et Leila Da Rocha, White eagle dance.

Que veulent les humains ? Être heureux, s’amuser, être surpris, passer un bon moment.

Le design digital interactif est en train de connaitre ses heures de gloire : voir réagir un bouton, une image ou tout autre élément d’une page web lorsqu’on le survole procure beaucoup de satisfaction.

J’oubliais la couleur ! Le bleu est calmant et sérieux, parfait lorsqu’on raconte une histoire “corporate”, l’orange est dynamique il attire plus l’œil que n’importe quelle autre couleur. Le vert est la couleur dont on distingue le plus de variations, cela nous vient de nos ancêtres qui vivaient dans la jungle et devaient se protéger des prédateurs, alors si on veut se la jouer sauvage, c’est la bonne teinte ! C’est un petit clin d’œil aux fans de la série Fargo 😉

Sur le sujet, je conseille fortement le livre Design émotionnel d’Aaron Walter et L’étonnant pouvoir des Couleurs.

Quelles ont été les évolutions du design émotionnel ces dernières années ? Où en est-on aujourd’hui ?

Nous sommes passés d’une logique de saturation de l’espace et matraquage des cerveaux, ce qu’on a appelé l’achat de temps de cerveaux disponibles, à l’ère de la détox digitale. C’est le retour du vrai, vers une communication honnête.

Cela vient d’un mouvement profondément humaniste : on a besoin de se sentir chez nous partout, que notre expérience soit la plus fluide possible et surtout être tranquille. On veut du confort, ralentir le rythme de nos vies. D’où le succès du fameux “Netflix & chill”.

On passe donc de web designs saturés et clignotants à des images qui illustrent d’abord l’expérience produit, pour finalement arriver aujourd’hui à des interfaces effacées.

Crédit photo : GettyImages / vector_s

Ici l’expérience tentée est d’avoir un site qui raconte l’histoire d’un produit sur une seule page scénarisée, pour nous convaincre de l’acheter, c’est ce que l’on a fait pour notre client Balbine Spirits.

Les menus burgers passent de 3 traits à 2, c’est un détail qui en dit long : simplifier jusqu’au bout.

Cela vient notamment de deux évolutions : d’abord avec la pénétration du marché des mobiles et tablettes, les designers se sont à nouveau posés la question de l’usage de la main, du pouce dans une interface digitale, jusqu’à remettre l’interface en question. Et ensuite, l’âge d’or de l’animation a été introduit par les fameux sites en Flash. Bien que dépassés et non optimisés SEO, ils offraient de nombreuses possibilités créatives. Ces possibilités sont en train d’être retrouvées aujourd’hui avec les PCs que nous possédons, de plus en plus puissants et capables d’afficher de la 3D sur le web. C’est ce que nous avons exploité sur le site de Kairos.

Comment voyez-vous l’avenir de ce domaine ?

Je crois beaucoup à la libération de nos cerveaux, au développement du design éthique. Moins de notifications, de pollution. Et attention, je ne suis pas rétrograde quand je dis ça ! Des technologies comme l’IA doivent être au service de l’humain pour le libérer.

L’enjeu c’est donc d’exploiter et analyser les données utilisateurs, de façon éthique, c’est à dire avec consentement. Un autre enjeu réside dans la capacité de nos équipements à lire les technologies, je pense notamment à la 3D qui est très gourmande en ressources énergétiques alors qu’elle est la plus saillante pour nos yeux. Cela implique de développer la capacité de calcul, un enjeu écologique à concilier avec nos besoins de design.

Enfin et surtout, tous ces exemples d’interactions digitales cités sont possibles sur les sites vitrines et expérientiels, mais c’est loin d’être le cas sur les sites e-commerce. Amazon développe des magasins sans passage à la caisse en réel, atteignant une parfaite fluidité. Sur internet, leur interface utilise tous les codes classiques. Le pas à franchir pour cela est important. Qui réinventera le design e-commerce demain ?

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1 commentaire
Commentaire (1)
  • Pruvot Caroline

    Nous avons souhaité partager no « petits trucs », nos « moments » dans notre site web :-))

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