Design : pourquoi les biais cognitifs freinent votre créativité ?

Noémie Lecorps, experte en design, nous démontre en quoi les biais cognitifs peuvent être un piège pour le travail quotidien des designers.

design-biais-cognitifs
Les ateliers de design fiction peuvent être un bon moyen de développer sa créativité. © jolygon - stock.adobe.com

« Designer dans la vraie vie ou comment prendre en compte les biais cognitifs et créatifs pour élever son design ? » : c’est le nom de la conférence à laquelle nous avons assisté dans le cadre de l’événement Et demain ? organisé par La Cantine Numérique à Nantes. Noémie Lecorps, CEO de Présent et UX design specialist, nous explique quels sont les biais cognitifs qui impactent directement le développement de notre créativité, et nous livre des clés pour les contourner afin de continuer à être efficace dans la production d’idées créatives.

Un test pour cerner ce qui se cache derrière les biais cognitifs

Tout commence par un simple test. Prenez une feuille de papier et un crayon et dessinez les exemples suivants : une cuillère à café, une laisse pour un petit chien, un moteur de recherche pour un site de réservation d’appartements de vacances, une structure d’une page d’accueil d’un site de streaming de séries, un composant de paiement à intégrer sur des sites tiers. Si ce qu’on vous demande de dessiner vous fait penser à des éléments que vous connaissez, vous allez vous en inspirer à l’instar de l’exemple du « site de streaming » que vous allez probablement rattacher à « Netflix ou Amazon » de façon inconsciente.

Quand on voit les exemples, entre les premières idées que vous avez dessinées et les patterns les plus connus, on voit qu’on a juste copié-collé ce qu’on a déjà vu et ce qu’on a l’habitude d’utiliser, met en lumière Noémie Lecorps.

À la suite de ce test, Noémie Lecorps nous interroge : « Est-ce que vous avez fait preuve de créativité ou est-ce que vous avez été hanté par certains fantômes qui font que cela a complètement influencé les premières idées que vous avez commencées à drafter ? ». Que se cache-t-il derrière ces fameux fantômes ? Ce sont les biais cognitifs qui vont surgir face à 4 problèmes rencontrés par notre cerveau :

  1. Le « trop-plein » d’informations : « votre cerveau va trouver une stratégie pour pouvoir traiter la somme des informations, et il doit prioriser. Il n’a pas une charge cognitive assez importante pour traiter l’entièreté de toutes les informations. »
  2. Le manque de sens : « s’il y a des trous dans la raquette, votre cerveau va inventer ce qui manque selon lui pour que ce soit logique. »
  3. Notre façon de mémoriser : « il y a des biais dans notre manière de ce qu’on va retenir, de l’importance de certains souvenirs par rapport à d’autres. »
  4. Le sentiment d’urgence : « quand on est dans une situation de peur, de stress ou d’urgence, on a un comportement prévisible et on est davantage manipulable ».

Ces 4 typologies de biais cognitifs nous permettent d’avoir une idée de comment ils vont impacter notre créativité : « À la base, quand vous prenez une décision, quand vous devez faire un choix, vous avez une intention de démarrage, de vouloir créer quelque chose, on a une évaluation des coûts et des bénéfices dans votre cerveau (évaluation de tous les choix et solutions possibles), et ensuite vous allez prendre une décision pour réaliser une action. C’est ce qui se passe normalement en théorie, mais en pratique, on passe de l’intention directement à l’action. Le biais cognitif est là pour nous faire gagner du temps. »

6 types de biais cognitifs chez les designers

À la suite de ce premier état des lieux, Noémie Lecorps nous présente 6 types de biais qui ont le plus d’impact sur le travail des designers :

  1. Le biais de confirmation : « quand quelqu’un dit ou fait quelque chose qui va dans votre sens, vous allez lui donner plus d’importance, vous allez surévaluer. »  C’est une problématique car on va chercher des informations qui confirment ce qu’on pense.
  2. L’effet de halo : « on va se laisser influencer ». Si quelqu’un est très compétent dans un secteur et qu’il se lance dans un secteur complètement différent, on va d’emblée lui attribuer des qualités. C’est un effet de rayonnement, et c’est notamment pour cela que l’influence fonctionne très bien aujourd’hui.
  3. L’effet Einstellung : « lorsque vous avez fait un premier design et que vous n’arrivez pas à itérer ». Votre cerveau a trouvé une solution évidente du premier coup, il bloque et n’arrive pas à voir d’autres possibilités. En équipe, cela peut être problématique si vous bloquez de cette façon, car envisager une autre solution vous demande une charge cognitive beaucoup plus importante. Dans ce cas-là, les ateliers créatifs peuvent être intéressants : « aller chercher dans la fiction et l’imaginaire, raconter une histoire à votre cerveau, le laisser décrocher de la problématique actuelle pour pouvoir l’emmener ailleurs. »
  4. L’aversion à la perte : « on déteste perdre quelque chose ». En design, si vous voulez innover et apporter des modifications, c’est le principe de « perdre tout le temps et ne pas s’y attacher ». Il y a une problématique sur l’attachement à ce qu’on a déjà fait, et cela n’aide pas à créer de nouvelles idées.
  5. Le biais de faux consensus : « quand vous pensez que les gens sont d’accord avec vous alors que non ». Ce biais est notamment très important lors des tests utilisateurs car on peut vite se retrouver à penser à la place de l’utilisateur.
  6. L’ancrage : « on se fait avoir en étant hyper sensible à la première information qu’on a sur un sujet ». Cela peut influencer par la suite la manière de voir tout un projet.

L’importance de s’interroger sur la santé de sa créativité

La créativité, c’est quoi ? « C’est la capacité de générer des idées innovantes, disruptives, qui apportent quelque chose, pas de faire un copier-coller et du standardisé. Nous notre job, c’est d’être créatif, de chercher quelque chose de différent et de proposer de nouvelles expériences » rappelle Noémie Lecorps.

Confrontés aux dark patterns, nos biais cognitifs vont devenir des biais dans notre créativité. En tant que designer, il peut être pertinent de prendre le temps d’évaluer l’état de santé de sa créativité : « c’est quoi mon bilan personnel créatif en tant que designer ? ». Parfois, on se repose sur des process trop standardisés. Ce sont des biais qui permettent de gagner du temps, mais la problématique est qu’on ne se pose plus certaines questions essentielles : « Pourquoi on le fait ?, est-ce que c’est vraiment la meilleure méthode pour le projet ? Est-ce que ça sert à ce que j’essaye de résoudre ? Est-ce que ça permet de sortir de mon cadre ou est-ce que j’applique quelque chose avec lequel je me sens en sécurité ? »

Les clés pour élever votre design

Pour conclure, Noémie nous livre certaines clés pour élever son design et s’ouvrir à d’autres horizons créatifs :

  • Penser à ralentir : « quand vous êtes en train de créer quelque chose, si vous sentez que tout est évident, c’est un biais. Le but c’est de prendre le temps et de changer de casquette. »  Parfois, en se mettant dans la peau de quelqu’un d’autre, cela peut aider à développer votre créativité.
  • Penser à son hygiène créative : « avant de commencer un projet, videz votre cerveau, dites-vous : quels sont les a priori que j’ai en démarrant ? ». L’objectif est de les noter pour les mettre de côté afin de s’ouvrir et de se dire : « comment je pourrai voir ce projet autrement ? ». Ne pas hésiter à sortir de sa zone de confort : « allez vous confronter à d’autres systèmes, personnes et environnements. »
  • N’être attaché « à rien » : « laissez-vous le droit chaque jour de changer d’avis, de remettre en question vos goûts » et « continuez d’apprendre, de remettre en cause vos connaissances ».

Si vous sentez que vous avez une créativité un peu fatiguée, Noémie Lecorps vous propose aussi de tester les ateliers de design fiction. Le principe « on est aujourd’hui en 2024, on va se projeter en 2080 avec un pitch ». En partant sur un projet très différent de la réalité d’aujourd’hui, cela oblige à réfléchir autrement et à développer davantage sa créativité. « Challenge accepted » ?

Sujets liés :
1 commentaire
Commentaire (1)
  • Lecorps Noémie

    Le replay de la conférence est disponible ici : https://youtu.be/SB70it_KNUk?si=PmA9op3lBf865VxF
    hésitez pas à partager vos questions

Ajouter un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Visuel enquête Visuel enquête

Community managers : découvrez les résultats de notre enquête 2025

Réseaux, missions, salaire... Un webinar pour tout savoir sur les CM, lundi 29 septembre à 11h !

Je m'inscris

Les meilleurs outils pour les professionnels du web