Décryptage : le monitoring et la gestion de crise des marques à l’ère des médias sociaux

Focus sur le monitoring des marques en ligne avec Aurélien Tissoux, directeur du pôle digital de Publicis Consultants.

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Crédit : Getty / ojogabonitoo
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L’influence digitale est sur toutes les lèvres. Mais avant de penser à peser sur les opinions de ses consommateurs potentiels, encore faut-il mettre en place des outils de mesure pour écouter les conversations et comprendre le ressenti des internautes. Comment les marques gèrent-elles leur monitoring à l’ère des médias sociaux ? Dans quels objectifs ? Comment préparent-elles les crises potentielles qui peuvent subvenir ? Aurélien Tissoux, directeur du pôle digital de Publicis Consultants, décrypte dans cette interview ce sujet, plus que jamais d’actualité.

Pour commencer, peux-tu te présenter ? Quel est ton rôle au sein de Publicis Consultants ?

A l’issue de mon parcours au CELSA, j’ai dédié un mémoire de fin d’études à l’opinion en ligne et à l’impact du web 2.0 (comme on disait alors) sur la réputation des entreprises. J’ai commencé ma carrière chez l’annonceur avant de poursuivre en agence. Chez Publicis Consultants, je dirige le pôle d’expertise dédié au digital. Concrètement, l’équipe travaille notamment sur des dispositifs de veille, du social media management, des relations influenceurs et des activations digitales, au sens large. En parallèle, je reste assez impliqué au CELSA où j’enseigne les problématiques de réputation en ligne.

Travailler sur l’influence digitale d’une grande marque est un vaste sujet. Quels sont les principaux objectifs recherchés par ces marques ? Entre monitoring, conseils, identification d’opportunités, gestion de crise…

Les objectifs ont logiquement trait au business et à la réputation, lesquels sont bien sûr intimement liés. Pour agir en faveur de ces objectifs, plusieurs leviers sont mobilisables et complémentaires. Au-delà de ceux que tu évoques dans ta question, ne négligeons pas les relations médias, le service conso, l’expérience produit ou utilisateur qui concourent eux aussi à l’influence et à la réputation en ligne. Le « digital » n’est plus, depuis longtemps maintenant, un monde à part mais son appréhension nécessite des expertises et des méthodes particulières.

Quels outils de monitoring utilisez-vous ? Et comment faites-vous le tri entre les nombreux messages reçus, notamment pour repérer ceux qui peuvent avoir un impact plus fort, ou qui relèvent d’une tendance plus globale ?

Nous utilisons les principaux outils du marché (Talkwalker & co) sans jamais négliger des approches « à la main ». Des outils performants existent, des méthodes davantage inspirées du brassage de grands volumes de données permettent de nouvelles choses, mais une des clés fondamentales reste de se mettre à la place du public, de suivre ses usages, lesquels passent par exemple par de simples requêtes Google, l’utilisation de certaines applis, les échanges sur certains espaces conversationnels, etc. On trie dès lors à l’aide des outils, mais aussi en pondérant manuellement, ce qui en réalité exige de considérer toutes les données, à la fois pour pallier les imperfections des filtres automatiques mais aussi d’appréhender tout ce qui est observable, dans la perspective d’approches très qualitatives.

Comprendre les messages reçus nécessite de parfaitement connaitre les communautés qui les portent. Comment sont organisées les équipes pour y parvenir ?

L’enjeu est de se nourrir, d’observer, de toujours suivre les conversations, les lieux où interagissent les communautés, le tout de façon continue. Le meilleur moyen d’être pertinent sur un sujet est de l’observer sur le moyen-long terme, en profondeur. Aussi travaillons-nous souvent auprès de clients et de sujets que nous connaissons bien tout en nous efforçant de garder un recul, un regard extérieur qui fait en partie la pertinence du fait de s’adresser à un partenaire extérieur, à même d’avoir recul et vue d’ensemble.

Crédit : Getty / Feodora Chiosea

A quel moment un signal faible devient-il un signal fort ? Quand passez-vous d’un monitoring plutôt passif à une alerte, puis d’une alerte à une gestion de crise ?

Pour l’anecdote, on a longtemps considéré qu’un sujet apparu en ligne devenait préoccupant quand il était repris par les médias « traditionnels ». C’est bien sûr depuis longtemps révolu.

Même si la question est souvent posée, je ne peux y répondre précisément. En réalité, cela dépend d’un tas de paramètres tels que la criticité de la situation, le fait ou non qu’il y ait erreur ou tort de la part de la marque ou de l’entreprise, la visibilité réelle du signal, visibilité auprès de qui, etc. On a souvent tendance à limiter le passage d’un signal faible à une situation sensible sur la base d’indicateurs de volume (audience, reach, engagement, etc.) Or, sur un sujet de niche, 100 partages peuvent constituer un phénomène important, là où dans d’autre cas 500 commentaires négatifs n’ont rien de grave (notamment s’ils se concentrent sur une publication qui en contient 10000, globalement positifs…) De la même façon, un tweet publié par la bonne personne à un moment donné va avoir un impact massif alors qu’il pourrait passer inaperçu 2 minutes après. C’est donc du cas par cas.

Comment sont anticipées ces crises potentielles ? Avez-vous plusieurs scénarios à votre disposition, des bonnes pratiques récurrentes ?

Je considère que les fondamentaux de la gestion de crise n’ont pas tellement changé. Ceci dit, le « digital » est un outil formidable, ne serait-ce que parce qu’il permet de repérer ces signaux faibles dont nous parlions. Cependant, on ne peut pas tout anticiper, ni même tout voir. Les bases demeurent quoi qu’il en soit une cartographie aussi complète que possible des risques, une surveillance permanente de ce ou ces périmètres sensibles (à l’aide ici d’une social monitoring, notamment), puis l’élaboration de scenarios, éléments de langage, etc. Donc oui, des scénarios sont établis, souvent des simulations sont effectuées sur la base de crises probables, mas une fois de plus, tout n’est pas toujours anticipé et la gestion même de la crise est évidemment clé. La première des bonnes pratiques, selon moi, est de prendre un moment pour qualifier la situation, prendre du recul, contextualiser, savoir où on en est. Ça peut paraître évident, mais on a tendance aujourd’hui à considérer qu’il faut répondre ou intervenir immédiatement. Certes, il est fondamental d’agir de manière rapide, mais il ne faut pas se précipiter ou surréagir. C’est aujourd’hui un vrai risque car on considère souvent aujourd’hui qu’il faut répondre à tout, tout de suite. Ça n’est pas si simple et chaque situation est unique. Enfin il ne faut pas négliger la sortie de crise : clore la séquence et en tirer les enseignements.

A contrario, le travail réalisé doit permettre de repérer des opportunités, aussi bien en matière de positionnement que de business. Comment cela se passe-t-il ? Et plus globalement, quel lien peut-il y avoir entre le travail réalisé en ligne et les produits eux-mêmes ?

Il existe de nombreux liens, en premier lieu celui lié à l’expression des consommateurs. Les avis et les conversations disponibles en ligne constituent une matière en perpétuelle évolution permettant, si elle est bien traitée, une sorte d’étude conso permanente. Il existe de nombreux exemples de produits façonnés à travers l’avis de communautés, c’est au-delà de la sphère du digital un vrai mouvement de fond, comme l’illustre par exemple la marque C’est qui le patron ?

Le rapport aux marques n’est pas uniquement physique ou digital, il est global. Quel impact cela a-t-il sur ton champ d’intervention ? Comment en tenir compte pour donner des conseils pertinents ?

En effet. On en vient à la définition globale de la notion de réputation qui ne saurait être liée uniquement au « on » ou au « offline » ! De la même façon, l’expérience de marque est globale. Pour utiliser un exemple évident, Tripadvisor illustre très simplement cet aspect : les avis qui y sont publiés sont le fruit d’une expérience « dans la vie réelle », qu’elle concerne le service ou la qualité de plats, etc. et ils sont agrégés sur un support numérique, appli et site. L’impact sur mon champ d’intervention est…qu’il est lié à d’autres choses que mon champ d’intervention. Il me serait par exemple difficile d’aider un client dont les produits seraient fondamentalement mauvais et le service client incompétent à avoir une image positive en ligne. Les marques et entreprises se doivent d’être en cohérence mais c’est aujourd’hui quelque chose qu’elles ont complétement intégré.

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