Décryptage : comment se lancer dans une stratégie d’ABM

Deux experts nous livrent les clés de compréhension nécessaires avant de se lancer dans une stratégie d’ABM.

ABM concept illustration.
L'ABM, une stratégie incontournable pour la performance commerciale des entreprises BtoB.

Le sujet de l’ABM a particulièrement émergé cette année, animant les conversations des professionnels du commerce et du marketing et alimentant les évènements dédiés, à commencer par Inbound Marketing France, dont nous sommes partenaires. Mais que se cache-t-il derrière ce terme d’Account-Based Marketing ? Qui est concerné par cette stratégie ? Comment la mettre en place pour optimiser sa prospection ? Deux experts du sujet ont répondu à toutes nos questions et livrent leurs conseils pratiques : Gaëtan de Moncuit, responsable de la business unit ABM au sein de l’agence Winbound, et Benoit Marcellin, directeur général de la solution Nomination.

Pour commencer, si vous deviez chacun donner une courte définition de l’ABM, que diriez-vous ?

Gaëtan de Moncuit : il existe en effet de nombreuses définitions différentes, mais tout le monde se retrouve sur la finalité. Pour moi, c’est une stratégie BtoB qui consiste à conquérir ou faire de l’upsell auprès d’un nombre de comptes défini, limité, et à fort potentiel. L’objectif est de concentrer ses efforts sur ces comptes les plus stratégiques.

Benoit Marcellin : pour compléter, je dirais qu’ABM signifie account-based marketing, donc marketing basé sur des comptes. Or, il ne s’agit pas que d’une stratégie marketing, c’est une stratégie marketing ET commerciale. On aurait tort de se limiter à une définition réductrice liée uniquement au marketing. C’est pour cela que l’on a tendance à ne plus parler d’ABM, mais d’ABX, account-based experience, ou d’ABE, account-based engagement.

À quels types d’entreprises s’adresse cette stratégie ?

Gaëtan : cela s’adresse à des entreprises BtoB. Un autre prérequis est d’être capable d’avoir de gros paniers, au moins sur une partie de sa clientèle. Vous pouvez être une petite entreprise, mais si vous vendez des produits qui coûtent deux millions de dollars, vous pourrez vous lancer dans l’ABM même si vous êtes 5 dans votre start-up. À l’inverse, vous pouvez être 5 000 collaborateurs et vendre des produits peu chers sans clients potentiels de grande envergure, et n’avoir aucun intérêt à vous intéresser à l’ABM. Cela va souvent avec le fait de travailler sur une niche. Quand vous êtes sur un terrain de jeu réduit et que vous n’avez que quelques comptes éligibles à vos offres, l’ABM devient particulièrement pertinent.

Avant de se lancer, il est très important d’aligner le commerce et le marketing. Les deux métiers doivent être présents pour assurer toutes les chances de succès.

Qui, dans l’entreprise, est légitime pour lancer une stratégie d’ABM ? Par ailleurs, y a-t-il des prérequis pour bien démarrer ?

Benoit : on ne se lève pas un matin en se disant : « tiens, si je faisais de l’ABM ? ». Cela part généralement d’un enjeu, souvent plutôt de la direction générale. Comment faire pour aller chercher des grands comptes ? Pour trouver des clients pouvant peser à terme 10, 20, 30 % du chiffre d’affaires ? C’est avant tout pour répondre à ces questions de business que l’on en vient à souhaiter lancer une stratégie d’ABM. Ce sont souvent des entreprises assez matures qui ont déjà activé un certain nombre de leviers d’acquisition, qui arrivent à générer des leads mais qui souhaitent améliorer leur qualité. On arrive à une certaine saturation du marché, donc plutôt qu’un cold email classique, une approche ABM va permettre de se différencier, d’apporter de la valeur. C’est un choix stratégique qui doit permettre, par sa qualité, par sa précision, d’aller percer des comptes coffre-fort qui sont difficiles à atteindre.

Gaëtan : avant de se lancer, il est très important d’aligner le commerce et le marketing. Il faut être capable de s’asseoir autour d’une table avec les sales et les marketeurs, être sûr qu’ils aient une vision commune des objectifs et de ce qu’ils veulent faire de l’ABM. Les deux métiers doivent être présents pour assurer toutes les chances de succès. On explique généralement qu’il est nécessaire de créer une task force, une équipe dédiée à l’ABM. Il faut au minimum un sales et un marketeur pour qu’elle soit efficace.

La vidéo de présentation du baromètre annuel du marketing des comptes stratégiques

Une fois que l’on a décidé de se lancer dans l’ABM, quelles sont les premières actions à mettre en place, notamment en termes d’acquisition de compétences ou d’accompagnement ?

Benoit : pour moi, l’enjeu majeur est d’accepter de concentrer ses efforts sur un tout petit terrain de jeu. Le premier sujet, c’est d’être sûr de savoir à qui vous voulez parler, et pourquoi. Cela commence par la liste des comptes que vous voulez viser, mais aussi les contacts que vous souhaitez activer dans ces entreprises. Le deuxième élément important est de comprendre ce que l’on veut leur dire pour leur donner envie d’engager la conversation avec nous. Ce ne sont ni des outils ni des formations spécifiques qui vous donneront ces informations. Une fois ces deux sujets adressés, il peut y avoir une déclinaison en termes de production de contenu marketing, d’outils d’amplification, de suivi… Mais ce n’est pas une condition préalable, selon moi.

Il faudra en revanche missionner des personnes sur le sujet, créer une task force ABM, ce qui peut se révéler compliqué quand les équipes sont déjà bien occupées. Les sales ont déjà des objectifs de vente, les marketeurs ont des programmes d’acquisition à conduire, ce n’est pas toujours simple de mobiliser de manière significative du temps d’opérationnels. Cela peut dans ce cadre être une bonne idée de faire appel à un chef de projet externe, quelqu’un qui va animer la task force, porter le projet, aller chercher le savoir, poser les jalons, etc. L’accompagnement apporté fera gagner du temps à tout le monde, évitera des erreurs et sera un gage de succès.

Gaëtan : une agence spécialisée apporte en effet un savoir-faire et une méthodologie. Elles permettent notamment de définir les clients idéaux, au contraire des clients rêvés, car ils sont souvent différents. Il faut savoir être réaliste, utiliser des méthodologies spécifiques pour déterminer l’ICP, l’Ideal Customer Profile. Cela permettra d’avoir un point de départ cohérent, de choisir les bons comptes pour commencer de manière efficace.  Parce que vous avez beau avoir une stratégie ABM très travaillée, si dès le point de départ vous avez pris les mauvais comptes, cela ne fonctionnera pas.*

La notion de dynamique de la data est très importante dans l’ABM.

Quelle importance a la data dans le cadre d’une stratégie ABM ?

Benoit : la data peut permettre d’identifier de manière précise les structures que l’on souhaite adresser. Par exemple, quand on parle du CAC 40, on parle de 2 500 entités en comptant toutes les filiales. Prendre le temps de qualifier son CRM, de mapper tous ses comptes, d’identifier tous ses prospects n’est pas toujours bien fait dans les entreprises. La data va aider à passer des caractéristiques théoriques du client idéal à une liste de comptes bien identifiés.

Gaëtan : une fois que l’on a listé les comptes clés, le grand enjeu est d’arriver à être pertinent dans son approche. Il faudra connaître son compte, son activité, son marché, identifier les sphères de décision. Pour cela, des outils et de la data seront nécessaires pour faire la différence. Cela pourra aider à trouver les personnes ciblées, mais aussi leurs coordonnées, comme permet par exemple de le faire Nomination. Et cela fera gagner énormément de temps en comparaison de ce que des personnes pourraient faire seules dans leur coin sur LinkedIn ou à travers des recherches…

Benoit : il y a une problématique importante à prendre en compte quand on aborde ce sujet de la data. Généralement, par définition, on travaille sur de gros paniers quand on fait de l’ABM. Il s’agit donc souvent de grands groupes, de structures relativement complexes. Cela engendre des cycles de vente assez longs, qui peuvent atteindre 18 à 36 mois. Cela implique donc de créer une relation à long terme pour ne pas se faire oublier de ses interlocuteurs, voire de savoir et s’adapter quand ces derniers changent de poste ! Dans ce cas, il faudra reprendre un nouveau cycle avec son remplaçant. Cette notion de dynamique de la data est très importante dans l’ABM.

Quel rôle peut jouer un CRM dans ce cadre ?

Gaëtan : le CRM est un bon réceptacle pour identifier, noter les informations, structurer sa connaissance. Le sujet, c’est clairement celui du carburant du CRM. Il n’est jamais complet, il n’est jamais à jour, il n’est jamais couvrant par rapport à votre marché. Vous devez donc aller chercher de l’information externe, réaliser des plans de comptes pour comprendre comment ils sont structurés, comment les décisions sont prises, comment ils travaillent. Pour cela, il faut adopter une posture inverse de celle de l’inbound marketing. Plutôt que de faire venir les gens sur votre site pour consulter ou télécharger des contenus avant de qualifier leur intérêt potentiel, vous partez de la qualification en elle-même pour ensuite donner envie à votre interlocuteur de s’intéresser à vous. Il faut être crédible dans son approche, avoir toutes les informations nécessaires sur votre contact, son entreprise et son marché, pour nourrir votre conversation, personnaliser votre proposition et lui fournir du contenu qui correspond le mieux possible à ses besoins et attentes.

Comment s’organiser pour récolter et suivre les données permettant de réussir sa stratégie ABM ?

Benoit : il y a 3 organisations possibles. Première option, une organisation très centrée sur les sales. Les commerciaux en charge du compte doivent faire ce travail de veille. Deuxième option, dans certaines entreprises plus matures, des personnes sont dédiées à cette collecte d’informations et à sa centralisation. Dans ce cas, elle est souvent réalisée au sein de l’équipe marketing. Enfin, troisième option, il y a des organisations qui sous-traitent cette collecte à des tiers, sous forme de revues de presse spécifiques, ou via des outils de veille par exemple. Généralement, plus les entreprises sont avancées dans leur stratégie ABM, plus elles ressentent le besoin d’avoir des cellules quasiment dédiées.

Pour résumer, y a-t-il des conditions nécessaires pour s’assurer le succès de sa stratégie ABM ?

Gaëtan : pour commencer, il faut que le marketing et les sales soient pilotés par le même objectif, qu’ils tirent dans le même sens, et qu’ils soient d’accord sur la méthodologie. Quitte à partager des primes de résultats communes. Ensuite, il ne faut pas se tromper de terrain de jeu. Vouloir aller chasser du logo, choisir de prospecter des entreprises du CAC 40 pour faire plaisir à sa direction mais se tourner vers de vrais comptes avec de forts potentiels avérés. Et se limiter à quelques comptes, ne pas en retenir plusieurs centaines, bien sûr. Cela aidera à maîtriser au mieux ses cibles et donc à être pertinent dans son approche. Enfin, si je devais citer une troisième condition du succès, ce serait l’intelligence du marketing développé : avoir le bon discours, le bon contenu.

Benoit : pour terminer sur une note positive, nous remarquons que même quand une mise en place n’est pas parfaite en matière d’ABM, on observe souvent des résultats positifs. Cela nécessite du travail, de l’amélioration continue, mais il ne faut pas hésiter à se lancer !

Le baromètre annuel du marketing des comptes stratégiques en vidéo

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