Le CTO de Doctolib revient sur les challenges techniques provoqués par la crise sanitaire

Doctolib, service de gestion en ligne des consultations pour les professionnels de santé et solution de prise de rendez-vous en ligne pour les patients, représente 60 millions d’utilisateurs, notamment en France, en Italie et en Allemagne. Face à la période inédite de pandémie, la plateforme a été tout particulièrement sollicitée, se trouvant confrontée à des situations exceptionnelles. Durant une conférence donnée à l’événement Tech.Rocks Summit, Philippe Vimard a souhaité partager son expérience de CTO et les leçons tirées durant 4 temps forts de la crise sanitaire.

1. Leçon n°1 : Face à un problème insoluble, changer le problème

Le 16 mars 2020, le discours du Président Emmanuel Macron annonce la mise en place du confinement, ce qui implique l’interruption des activités de première ligne pour les professionnels de santé. La vidéoconsultation s’impose alors comme la solution adaptée à cette problématique pour Doctolib, qui teste d’ailleurs la téléconsultation depuis 1 an. Ce service qui permet également aux médecins et aux patients de bénéficier de l’e-prescription et du partage de documents en ligne, ainsi qu’au paiement en ligne, est alors utilisé par 1 500 professionnels sur Doctolib. La plateforme doit maintenant équiper 40 000 professionnels en 2 semaines.

D’une part, Doctolib rend le service gratuit et change sa manière d’équiper et de former les professionnels de santé à cet outil. La plateforme mise sur le self-onboarding et sélectionne un groupe de commerciaux, qui partagent des connaissances sur le produit, mais aussi sur les problématiques du terrain, pour venir en aide au service client. Le résultat : 38 000 médecins proposent la téléconsultation en 2 semaines. L’impact à long terme : une amélioration de l’approche commerciale, en même temps qu’une amélioration du produit.

2. Leçon n°2 : Aucun besoin n’est immuable à 100 %

En décembre 2020, l’État de Berlin sollicite Doctolib lors de l’ouverture de 6 mégacentres de vaccination. La problématique rencontrée par la plateforme : un usage loin du service proposé initialement par Doctolib, notamment car les mégacentres ont un agenda restreint, mais aussi car la logistique ou encore l’approche diffèrent pour chaque centre de vaccination.

Si les équipes techniques œuvrent sur l’ajustement du produit afin de rencontrer le besoin, les problèmes de gestion semblent inextricables. Doctolib décide finalement d’informer le Sénat de Berlin que s’il souhaite un service de rendez-vous efficace, il doit adapter son protocole. Ainsi, pour Philippe Vimard, le CTO et les équipes techniques se doivent de challenger le besoin et les partenaires business afin de maximiser l’impact technique.

3. Leçon n°3 : Adapter rapidement son modèle opératoire et mettre de côté ses « best practices »

En janvier 2021, Doctolib est retenu pour organiser la campagne de vaccination en France, en 48h, et assurer la prise de rendez-vous dans 2000 centres à travers le territoire. Le défi technique : paramétrer des rendez-vous en fonction de la première ou deuxième dose, et des différents vaccins proposés. Cette mise en place demande des ajustements constants. Le CTO de Doctolib note ainsi que la meilleure organisation à adopter dans ce cas de figure est de mobiliser des équipes entièrement dédiées à la vaccination, plutôt que disrupter en mobilisant occasionnellement certains collaborateurs. Pour Philippe Vimard, il semble ainsi indispensable de savoir ajuster son modèle opératoire le plus rapidement possible et être prêt à abandonner ses bonnes méthodes, telles que le processus et contrôle qualité, afin de gagner en fluidité.

4. Leçon n°4 : Maîtriser son contexte légal

Le 8 mars 2021, Doctolib reçoit une requête du Conseil d’État, haut tribunal administratif en France, chargé de conseiller le Gouvernement, mais aussi de contrôler les litiges entre particuliers et organismes publics. Cette requête vise notamment « la suspension du partenariat avec la société Doctolib en ce qu’il repose sur un hébergement des données de santé auprès d’une société américaine, le rendant incompatible avec le règlement général sur la protection des données (RGPD) ». Doctolib intervient alors en procédant au chiffrement des informations stockées auprès du fournisseur américain Amazon Web Services (AWS).  Ainsi, il apparaît à Philippe Vimard qu’il est nécessaire, pour un CTO, de maîtriser les enjeux réglementaires et légaux, et qu’il est le seul à pouvoir challenger les implications techniques profondes.