Un contrat de 300 milliards entre OpenAI et Oracle : pari ou folie ?

OpenAI aurait signé avec Oracle un contrat de 300 milliards de dollars sur 5 ans. Un pari audacieux qui soulève des questions de financement et de stratégie pour le géant de l’IA.

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300 milliards de dollars sur cinq ans à partir de 2027, c'est la somme que compte investir OpenAI pour entraîner et faire tourner ses modèles d'IA sur l'infrastructure cloud d'Oracle. © maurice norbert - stock.adobe.com

OpenAI, la startup devenue fleuron de l’intelligence artificielle générative, a signé avec Oracle un contrat annoncé à 300 milliards de dollars sur cinq ans. Une somme vertigineuse, à la hauteur des ambitions de Sam Altman, mais aussi des interrogations qu’elle suscite : réalisme de l’accord, rupture avec Microsoft, enjeux énergétiques et financiers colossaux… Pour mieux comprendre les dessous de cette annonce, BDM a interrogé Jérôme Marin, journaliste et auteur de la newsletter Cafétech.

Un accord pharaonique… et réaliste ?

Le chiffre annoncé début septembre 2025 a de quoi faire tourner les têtes. 300 milliards de dollars sur cinq ans à partir de 2027, c’est la somme que compte investir OpenAI pour entraîner et faire tourner ses modèles d’IA sur l’infrastructure cloud d’Oracle. « Ce n’est pas une annonce officielle mais tout le monde a confirmé l’information, précise Jérôme Marin. Oracle a indiqué avoir signé 317 milliards de nouveaux contrats, et le Wall Street Journal a révélé que 300 milliards provenaient d’OpenAI. C’est donc à peu près sûr, les chiffres sont bons. »

OpenAI cherche de la puissance de calcul supplémentaire.

Depuis 2019, OpenAI utilisait exclusivement Microsoft Azure, en échange des 13 milliards investis par le géant de Redmond. Mais cette exclusivité a fini par peser. « OpenAI disait depuis des mois qu’ils n’avaient pas assez de capacités de calcul. Ils ont renégocié avec Microsoft pour obtenir l’autorisation d’aller voir ailleurs. Ils continuent d’utiliser Azure, mais ils cherchent de la puissance supplémentaire. »

Oracle a su se positionner. « L’avantage d’Oracle, c’est d’abord ses prix, bien plus bas que ceux d’Amazon ou Microsoft, et aussi ses technologies, notamment dans le networking, c’est-à-dire les réseaux qui connectent les GPU entre eux. OpenAI semble avoir signé un contrat de 5 ans qui commencera à 30 milliards en 2027, puis augmentera progressivement pour atteindre 300 milliards. Et s’ils dépensent plus, ils paieront plus. »

Non, OpenAI n’a pas cet argent (…) et ne prévoit pas d’être rentable avant 2029 ou 2030.

Pourtant, OpenAI n’a pas cet argent et fait face à d’importantes pertes, explique Jérôme Marin : « Ils ont levé 20 milliards en début d’année, ils devraient en récupérer 20 de plus d’ici fin 2024. Mais ils perdent énormément : 5 milliards de pertes l’an dernier, sans doute plus cette année. Aujourd’hui, plus tu utilises leur IA, plus ça leur coûte, et plus ils perdent. Ils ne prévoient pas d’être rentables avant 2029 ou 2030. » Un risque que prend également Oracle avec cet accord : « Si OpenAI n’arrive pas à lever l’argent nécessaire ou à atteindre ses objectifs, Oracle se retrouve avec des data centers construits pour rien. »

OpenAI s’éloigne-t-il de Microsoft et Nvidia ?

Au-delà de la puissance de calcul, ce contrat illustre la recomposition des alliances d’OpenAI. La relation avec Microsoft, partenaire historique et investisseur majeur, s’est dégradée. « Pour moi, c’est un divorce à l’amiable. Cela fait plus d’un an que ça va mal entre Microsoft et OpenAI. Microsoft a mis 13 milliards dans OpenAI, mais quand Sam Altman a été viré avant de revenir, Microsoft a paniqué : ils avaient mis tous leurs œufs dans le même panier. Du coup, ils ont commencé à travailler de leur côté, à recruter, à développer leurs propres modèles. »

Du côté d’OpenAI, le mécontentement n’est pas non plus récent. « Ils reprochaient à Microsoft de ne pas fournir assez de ressources. Ils ont même laissé entendre que certains modèles étaient en retard parce qu’ils n’avaient pas eu assez de puissance de calcul pour l’entraînement du modèle. »

Signer avec Oracle, c’est une étape supplémentaire vers un détachement de Microsoft.

Résultat : une relation faite de tensions et de renégociations. « Microsoft doit récupérer 49 % des profits d’OpenAI jusqu’à un certain montant. OpenAI veut changer ça. Ils ont annoncé un accord la semaine dernière sur ce sujet. Mais très clairement, signer avec Oracle, c’est une étape supplémentaire vers un détachement de Microsoft. Dans quelques années, OpenAI pourrait n’avoir plus aucune relation avec eux. »

Parallèlement, OpenAI a annoncé sa volonté de fabriquer ses propres puces à la suite d’un accord avec Broadcom. Un détachement d’une dépendance à Nvidia ? Pas exactement. « Tout le monde développe des puces : Google, Amazon, Microsoft, Meta, note Jérôme Marin. Le fait de développer sa propre puce ne veut pas dire concurrencer Nvidia. Les puces Nvidia sont indispensables pour l’entraînement. Mais OpenAI, avec Broadcom, veut concevoir des puces dédiées à certains besoins, comme l’inférence, c’est-à-dire faire tourner les modèles une fois qu’ils sont entraînés. Pour ça, on n’a pas besoin d’une puissance énorme. » Mais plutôt d’un outil spécifique.

Pour entraîner les prochaines générations de GPT, OpenAI aura absolument besoin des GPU de Nvidia.

L’objectif d’OpenAI reste d’optimiser les coûts et l’efficacité. « Les puces Nvidia sont généralistes, faites pour convenir à tout le monde. Une puce maison peut être plus efficace, consommer moins d’électricité, et mieux correspondre aux besoins d’OpenAI. Mais ça ne veut pas dire qu’ils ne dépendront plus de Nvidia. Pour entraîner les prochaines générations de GPT, il leur faudra absolument les GPU de Nvidia. »

Jusqu’où peut aller OpenAI ?

Perdre de l’argent pour grandir n’a rien d’inhabituel dans la Silicon Valley. Mais les montants engagés par OpenAI sont d’une autre dimension. « C’est classique de perdre de l’argent au début, rappelle Jérôme Marin. Amazon n’a pas gagné d’argent pendant des années. Mais dans de tels montants, c’est inédit. OpenAI prévoit de brûler 115 milliards de dollars d’ici 2030. Ça, ça ne s’est jamais vu. »

Lever 20 milliards il y a dix ans, ce n’était pas possible. Aujourd’hui, ça l’est.

Ces sommes s’expliquent par deux phénomènes, selon le journaliste. « D’abord, l’IA est une rupture technologique majeure, qui pourrait, comme le pense OpenAI, tout révolutionner. Donc perdre 115 milliards en dix ans, ce n’est pas si grave si derrière tu en gagnes beaucoup plus. Ensuite, il y a aujourd’hui beaucoup plus d’investisseurs qu’avant : des fonds souverains, des Saoudiens avec SoftBank, les Émiratis… Lever 20 milliards il y a dix ans, ce n’était pas possible. Aujourd’hui, ça l’est. »

Mais toutes les annonces ne se valent pas. « Le contrat à 300 milliards avec Oracle, c’est un vrai contrat. Par contre, le projet Stargate, annoncé à 500 milliards en janvier, c’était du flan. Ils avaient promis 100 milliards investis dès 2025, et rien n’a été engagé. C’était un effet d’annonce politique », alors que Donald Trump devenait le 47e président des États-Unis.

Un pari sur l’avenir.

Faut-il alors croire à ce nouvel engagement ? « Sam Altman a toujours vu très grand. Il a déjà dit plusieurs fois qu’il investirait des centaines de milliards. Donc, dans ce contexte, ce n’est pas fou. 60 milliards par an, c’est énorme, mais Google dépense déjà 85 milliards par an en investissements. »

La vraie question est ailleurs. « Aujourd’hui, ça paraît fou par rapport aux chiffres d’OpenAI. Mais si dans deux ou cinq ans, ils atteignent 200 milliards de chiffre d’affaires, alors ce contrat sera justifié. Si ça ne marche pas, ce sera disproportionné. Personne ne sait comment ça va évoluer : c’est un pari sur l’avenir. »

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Jérôme Marin, journaliste et auteur de la newsletter Cafétech

Journaliste, Jérome Marin a notamment été correspondant pour La Tribune à New York, puis pour Le Monde à San Francisco, avant de créer Cafétech en 2020, « la newsletter qui décrypte l’actu tech ».

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