« Les consommateurs zappent très vite » : pourquoi les marques doivent miser sur l’authenticité ?
Miser sur l’authenticité, en 2025, est-ce une un pari risqué ou un levier de performance ? Charlotte Hautbois, directrice conseil de l’agence SAUVAGES, penche pour la seconde option. Elle explique pourquoi, lors d’un entretien accordé à BDM.

Charlotte Hautbois, Directrice conseil chez SAUVAGES
Évoluant dans le milieu de la communication depuis plus de 10 ans, chez l’annonceur ou en agence, Charlotte Hautbois a rejoint KERA GROUPE en 2018. Au sein du groupe de communication breton, elle occupe le poste de directrice conseil de l’agence SAUVAGES depuis 2020.
Quels signaux, dans les comportements des consommateurs ou dans l’air du temps, expliquent le retour en force de l’authenticité comme valeur de marque en 2025 ?
Je pense que ça vient d’abord des consommateurs, en effet. Et surtout des nouvelles générations, notamment les moins de 30 ans, qui attendent plus de la transparence. On cherche vite à savoir qui sont les marques, qui sont les fondateurs, qui est derrière. Ça amène forcément une question d’authenticité.
Aujourd’hui, les consommateurs commentent beaucoup, mais surtout, ils zappent très, très vite. On peut quitter une communauté, du moins en tant que client, à cause d’un bad buzz, par exemple. À l’inverse, on peut aussi adhérer à une autre marque grâce à quelque chose de positif, comme un nouveau produit, une collaboration ou une égérie. Mais sur un bad buzz, ça peut aller très, très vite. Surtout s’il existe un décalage entre ce qui est affiché, le discours de marque, et la réalité. On peut avoir une grosse partie de la clientèle qui part d’un coup.
Les marques n’ont pas eu le choix, aujourd’hui, que d’être beaucoup plus authentiques, et de travailler leur identité. Aujourd’hui, elles partagent du contenu plus transparent, qui va au-delà du « comment ça se passe dans nos bureaux » et des afterworks. Sur les engagements de la marque, ses valeurs, ses convictions, ce qu’elle porte vraiment au-delà de son produit ou service.
Lors d’une conférence à IMD, vous aviez mentionné ce chiffre : 80 % des marques se considèrent comme authentiques, mais seuls 37 % des consommateurs partagent ce sentiment. Comment justifier un tel écart ?
Les marques ont conscience qu’il faut être authentique. Et donc elles essayent, mais ce n’est quand même pas naturel, surtout pour celles qui ont l’habitude d’une communication maîtrisée, léchée, presque lisse. Elles se pensent authentiques parce qu’elles ont fait deux ou trois vidéos avec leurs fondateurs ou leur équipe en interne, mais ça va au-delà.
Il faut être transparent dans ses valeurs, et apporter des preuves. Notamment pour celles qui revendiquent une valeur très forte, comme l’inclusion. Si aucune preuve de l’engagement n’est apportée, les consommateurs iront voir ailleurs. Il y a plein de marques aujourd’hui qui s’engagent sur des sujets presque politiques, qui ont des convictions fortes, des engagements forts, des preuves tangibles.
Certaines marques doivent considérer qu’il s’agit d’une prise de risque…
C’est le cas. On ne peut pas plaire à tout le monde. Mais je pense qu’en étant vraiment engagé, aligné entre ses valeurs, sa marque, ce qu’on montre et ce qu’on prouve aux consommateurs, on génère aussi de la fidélité.
Quels sont les signes qu’une marque a intégré l’authenticité dans tous les volets de sa communication ?
C’est le plus compliqué, surtout pour une marque très présente online, mais aussi offline. Il faut être hyper cohérent, aligné sur tous les supports. Aucune différence ne doit être perceptible, que ce soit sur le site web, les réseaux sociaux, le discours de marque, mais aussi celui porté par les collaborateurs sur le terrain, les ambassadeurs, etc.
Visuellement, il faut que ce soit maîtrisé. Que tous les supports, toutes les activations soient alignés sur la marque, bien sûr. Mais il y a aussi le discours. Et ça, c’est plus compliqué. Il faut qu’il soit intégré par tous les collaborateurs. Plus il sera vrai, moins on aura besoin de l’inventer ou de se raccrocher à quelque chose qu’on a écrit quelque part, juste pour « placer » des valeurs. Si c’est vraiment vécu en entreprise, porté naturellement, c’est fluide.
L’authenticité, pour le coup, ça ruisselle très vite – tout comme le fait qu’on ne le soit pas.
Comment identifier ce qui est authentique dans une entreprise ? Où va-t-on chercher ça ?
C’est compliqué. Ça dépend beaucoup de la taille de l’entreprise. Plus elle est grande, plus il peut y avoir une dilution du discours et de la marque.
C’est un travail de fond. Il faut engager les équipes au maximum, les intégrer dès le début du processus. Et la différence est flagrante : nous, on l’a vu chez un de nos clients, BAM Emballages, une entreprise bretonne. Entre ce que ressentaient les clients sur le terrain, auprès des commerciaux ou chargés de clientèle, et les supports de communication, il y avait un immense décalage. Sur le terrain, il y avait une vraie sympathie : la marque était considérée comme familiale, très sympa, alors que ses supports donnaient une image hyper froide, industrielle, sans lien de proximité. La direction n’avait pas conscience de ça. Elle était persuadée que ses supports de communication transmettaient les valeurs du terrain. C’est pour ça que les entreprises doivent faire des enquêtes terrain, chercher du retour qualitatif.
Est-ce qu’en voulant « faire vrai », les marques ne risquent-elles pas de toutes finir par se ressembler ?
C’est là où l’accompagnement de marque est important. Il faut travailler le positionnement, les valeurs, mais aussi se situer dans son univers concurrentiel. On ne va pas inventer le storytelling d’une boîte. Les valeurs sont censées déjà exister. On va les faire ressortir.
Par contre, il faut aussi se positionner face à la concurrence, mettre les bons mots, faire ressortir les points différenciants. Et c’est là où l’IA ne pourra pas tout faire. Il faut un accompagnement en conseil et plateforme de marque, pour trouver la bonne dose d’authenticité et faire émerger la différence.