Comment le XV de France utilise la data pour améliorer ses performances
L’analyse de la donnée est devenue un enjeu essentiel pour l’équipe de France de rugby, qui s’appuie sur des partenaires data scientists pour remporter la Coupe du monde.

La Coupe du monde de rugby bat son plein. Le XV de France nourrit de grandes ambitions et court après un premier sacre mondial. Pour aider l’équipe à performer, le staff tricolore s’est associé à SAS pour analyser des milliers de données collectées au cours des matches et des entraînements. Julien Piscione, responsable du département des sciences du sport et de la performance à la Fédération française de rugby, et Sahbi Chaieb, senior data scientist chez SAS, ont expliqué, à l’occasion du salon Big Data & AI Paris, comment la data est collectée et utilisée par le staff du XV de France.
Avec quels outils collecter de la data dans le rugby ?
La capacité à collecter des données n’est plus la problématique première dans le monde du sport, et en particulier du rugby. De nombreux outils permettent d’obtenir des statistiques individuelles et collectives auprès des joueurs et des équipes. Certains ne sont pas nouveau. « Les joueurs portent par exemple des gilets connectés pour analyser leur activité individuelle », explique Julien Piscione. Ils permettent par exemple d’obtenir des données GPS très utiles pour le staff. Des drones sont aussi déployés lors des entraînements.
Mais le XV de France utilise également « des ballons intelligents connectés permettant d’obtenir des données comme la vitesse des passes ». Le rugby est également « un sport de combat », c’est pourquoi les joueurs sont équipés de « protèges-dents instrumentés, qui analyse notamment les accélérations de la tête, pour mieux gérer les états de forme et de fatigue ». Sans oublier « de petits outils d’analyse biologique », collectant par exemple une goutte de sang auprès des joueurs pour mieux gérer la récupération physique.
Le véritable enjeu, c’est l’analyse de la donnée
Pour Julien Piscione et grâce aux nombreux outils à disposition, « l’enjeu n’est plus dans le recueil de données ». En effet, plus de 360 000 données sont récoltées à chaque match. « L’accès est assez extraordinaire », se réjouit le responsable performance de la FFR. « Tout l’enjeu est d’analyser cette data pour avoir un avantage concurrentiel dans la prise de décision. L’intégration de ces données dans le processus décisionnel a été une transformation radicale. Maintenant, elles font partie de la prise de décision dans les matches, les entraînements, etc. »
Je décide avec la data, a déclaré Fabien Galthié, sélectionneur du XV de France.
La France est « peut-être la seule nation à avoir un data scientist dans le staff ». Il faut analyser le profil des autres équipes, leurs forces et leurs faiblesses, « pour identifier des scénarios plausibles de match sur lesquels nous travaillons ». Il a donc fallu développer des processus d’analyse précis, avec une contrainte de temps importante.
L’apport de SAS dans l’analyse de la donnée
Pour ce faire, la Fédération française de rugby s’est appuyée sur SAS Viya, une solution cloud de collecte et d’analyse de données. « Avec le support de SAS, nous nous sommes mis à réfléchir sur tout, sans rien nous interdire, avec en fil rouge une question : que devons-nous faire pour battre les équipes adverses ? », a révélé Fabien Galthié. Sahbi Chaieb et ses équipes ont donc travaillé à la mise en place de neuf modules de jeu sur SAS Viya. « Ce qu’on construit, ce sont des dashboards et des rapports, qui permettent d’accéder facilement à la donnée, pour les experts métier qui sont les pros du rugby », a expliqué le data scientist.
Ainsi, 1492 matches internationaux ont été exploités par le XV de France au sein de SAS Viya. Ont-ils permis à l’équipe de battre la Nouvelle-Zélande en ouverture de la Coupe du monde ? « Nous avions par exemple repéré qu’après trois temps de jeu sans progresser, il y avait une véritable prise de risque, donc il fallait prendre de la distance et jouer au pied. C’est ce qui a été fait, et bien fait, par les joueurs », se réjouit Julien Piscione. « C’est un exemple précis qui repose sur des analyses fines de données. » Mais la data est aussi venue améliorer l’entraînement individuel de chaque joueur en le personnalisant, afin de savoir s’il fallait diminuer ou augmenter sa charge de travail, dans le but « que tous les joueurs soient au top de leur forme le jour J ».
Quel avenir pour la data dans le rugby ?
Bien sûr, les innovations vont continuer et la data va revêtir une importance majeure, et ce, dans tous les domaines. « À moyen terme, l’analyse automatique de la vidéo sera centrale. C’est éminemment complexe et, si on y arrive, cela nous donnera un avantage énorme et on montera encore d’un cran dans l’analyse de nos adversaires ». En effet, pour le moment, les analystes vidéo travaillent toujours « manuellement ». L’IA générative pourrait aussi être d’un grand soutien, « pour permettre aux coaches de dialoguer directement avec la donnée, améliorant encore l’accessibilité ».
« Notre objectif est aussi d’industrialiser le traitement des données », ajoute Sahbi Chaieb. Le but ? L’étendre aux autres équipes de France, comme la sélection féminine, ou le rugby à 7. La data pourrait aussi permettre de découvrir les futurs talents du XV de France et de lisser certains biais. « Comment pourrait-on trouver nos futurs internationaux et identifier les meilleurs joueurs grâce à la data ? », questionne Julien Piscione. « On a aussi remarqué qu’un jeune né en janvier avait huit fois plus de chance d’entrer dans la filière de formation qu’un autre né en décembre. C’est un énorme biais que nous devons corriger et c’est un enjeu de la data. »
Bien sûr, tout ne repose pas sur la donnée. « C’est un véritable outil de communication au sein d’un staff, voire même entre les clubs et les sélections. Mais au final, la prise de décision restera humaine », conclut Julien Piscione. Et elle reposera sur les épaules des experts… du rugby cette fois !