Comment l’IA transforme le métier de CM : nouveaux usages, compétences clés et bonnes pratiques

Pour mieux comprendre de quelle manière l’IA générative impacte la profession de community manager, nous avons interrogé Médina Koné, professeure déléguée de l’axe marketing et communication digitale à l’IIM Digital School.   

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De nombreux étudiants ont déjà intégré les outils d’IA dans leurs missions de CM. © Dee karen - stock.adobe.com

Les différents usages de l’IA selon les générations de community manager

Alors que les outils d’IA générative bouleversent le quotidien de nombreux professionnels, le métier de community manager, spécialisé dans la création de contenu et l’animation de communautés en ligne, est particulièrement impacté. L’IA offre un gain de temps et de productivité indéniable, en particulier sur des tâches répétitives et à plus faible valeur ajoutée. Elle permet aussi de mieux argumenter, de produire en masse, ou encore d’apporter des propositions auxquelles un CM n’aurait pas pensé. Pour Médina Koné, professeure déléguée au sein de l’axe marketing et communication digitale de l’IIM Digital School, qui forme les futurs community managers depuis sa création en 1995, ces derniers sont de plus en plus à l’aise avec ces outils. Elle a même identifié plusieurs générations de CM qui utilisent l’IA.

« Il y a ceux qui sont déjà sur le marché du travail depuis très longtemps et qui ont plus ou moins, quel que soit leur âge, intégré progressivement les outils d’IA, notamment pour la retouche d’images ou la création de vidéos. » Dans les salons professionnels, si ces experts de la communication digitale n’utilisaient pas systématiquement des outils d’édition ou de retouche d’images par IA, Médina Koné rappelle que beaucoup d’entre eux ont commencé par des outils IA de retranscription ou de traduction, ce qui leur permettait de publier directement des posts sur les réseaux sociaux comme X (ex-Twitter).

Autre profil : la génération d’étudiants qui a rapidement absorbé les différentes phases de développement des IA, notamment après le Covid, pour produire plus de contenus, et surtout plus rapidement. « Ils arrivent sur le marché face à une concurrence qui a une culture plus large de la création de contenu et qui utilise déjà ces outils. » Si de nombreux community managers ont d’ores et déjà intégré ChatGPT dans le cadre de leurs missions, la professeure déléguée prévient : « Ce qui est intéressant, c’est quand ils n’ont plus ChatGPT ou qu’il faut rentrer dans le détail. Au moment de la production en masse, le vocabulaire devient le même, sans oublier les erreurs des IA. Il faut savoir se relire et détecter ces hallucinations. » Son conseil : demander au chatbot IA de se corriger lui-même et, pour de la rédaction de contenu, ne pas hésiter à lui fournir des éléments concrets, tels que des dates, des chiffres et du contexte.

Un jeune CM peut facilement tomber dans le piège de l’IA qui invente des contenus. Il faut donc de l’expertise pour bien se relire. Quand on produit du contenu en masse, c’est compliqué. L’IA doit être appréhendée comme un assistant qui peut faire des erreurs d’interprétation. Ce sont des hallucinations algorithmiques. J’ai cité ChatGPT, mais ce n’est pas le seul.

L’importance de la sociologie, de la lecture et de sortir de sa bulle, pour faire la différence en tant que CM

Pour apprivoiser ces solutions basées sur l’IA générative, il est indispensable pour les futurs community managers de se former, afin de les utiliser efficacement et à bon escient. Parmi les « nouvelles » compétences à acquérir figure la sociologie. « Un bon CM devrait être un bon sociologue, confirme Médina Koné. J’introduis cette année des notions de sociologie et un peu d’anthropologie dans mes cours. Je pense aussi à la psychologie de masse, qui consiste à comprendre les phénomènes derrière un buzz, une success story, comment cela se déclenche et quel est l’impact. » Grâce à ces notions, les CM vont pouvoir mieux anticiper et être présents « avant, pendant et après ces phénomènes ». L’objectif : atténuer un bad buzz, surfer sur une tendance virale, ou apporter des informations complémentaires à ses abonnés.

Il faut sortir de l’univers de sa marque pour avoir une vision globale.

Même si cela peut paraître surprenant, la professeure déléguée de l’IIM recommande aux futurs community managers d’arrêter de « swiper », d’appuyer sur pause et surtout de se remettre à lire pour rechercher plus de cadre sur des sujets complexes. « Le CM est dans l’urgence, il n’a pas le temps, il s’épuise. Je le vois chez nos étudiants qui témoignent de leur capacité à sortir de l’enfermement en testant une nouvelle approche informationnelle. Chez des professionnels : il y a un épuisement face à la quantité de production à faire ou à la répétition. Lire permet de poser son esprit, de prendre du recul, de changer la temporalité. C’est important de ne pas être en permanence dans l’action-réaction. » Avec des objectifs souvent élevés à atteindre, en termes de production, de KPI, d’engagement, cette dynamique liée à la productivité peut nuire à la qualité des contenus, même à l’ère de l’IA générative.

C’est comme un élastique, il faut que les community managers se détendent un peu de temps en temps.

À chaque amphi de rentrée, Médina Koné constate également un décalage générationnel face à l’usage des réseaux sociaux. Lorsqu’elle interrogeait, il y a 6 ans, ses 250 étudiants, âgés entre 17 et 25 ans, un quart d’entre eux en moyenne répondaient qu’ils se rendaient régulièrement sur Facebook. Honte ou réalité ? Lors de l’amphi de la rentrée 2025, la professeure déléguée de l’IIM n’a observé que 3 ou 4 mains levées pour cette même question. « Cela pose un véritable problème. Cela signifie que la quasi-totalité d’entre eux peut passer à côté d’un carrefour d’informations où se trouve un public, certes vieillissant, mais qui correspond à la majorité de la population française », déplore-t-elle. Elle ajoute : « C’est là que notre enseignement reposant sur nos connaissances des besoins des professionnels prend tout son intérêt ! Nous détectons ces signaux et nous y répondons pour que nos étudiants s’adaptent aux diverses industries, tailles d’entreprises et segments de la population. »

L’IIM enseigne aux étudiants en bachelor, en master 1 et en master 2, l’art de « diversifier les réseaux sociaux, pour gagner en finesse et en pertinence en matière de profils, ciblage et de comportements. Cela permet de découvrir qu’il existe un éventail bien plus large de consommateurs et d’usagers ». Cet enfermement générationnel, que certains instaurent par méconnaissance ou réflexe, représente en effet un risque majeur pour leur futur métier de community manager, qui est de plus en plus orienté vers le ROI, voire associé aux résultats des ventes. En devenant des experts des réseaux sociaux qui ne comprendraient pas suffisamment bien leur audience, ils pourraient rencontrer des difficultés à répondre à leurs besoins à travers leurs propositions de contenu. « Ils ont tous les mêmes réflexes et, lorsqu’on leur propose une manière différente d’appréhender un nouveau produit, ils sont complètement déboussolés. Pour pallier ce manque criant de culture comportementale, j’ai choisi d’intégrer beaucoup plus de culture cette année dans mes cours. »

Autre expérience pédagogique proposée par l’école : les IIMCO, à savoir des missions de conseils opérationnels réalisés avec des entreprises, à l’image de Dyson ou de Poulet Braisé. Si ces marques sont bien connues des étudiants, les adresser comme un sujet marketing leur permet de découvrir d’autres catégories de consommateurs.

Sortir de leur propre réalité, c’est quelque chose de très important parce qu’ils restent souvent enfermés dans une bulle. Notre rôle à l’IIM est de leur faire découvrir des codes culturels différents. Pour cela, je les emmène à la télévision, à la radio. Ils voient ainsi l’impact des médias traditionnels sur les réseaux sociaux, pour qu’ils ouvrent un peu plus leur réflexion.

Une formation professionnelle, pointue et de référence, pour relever les défis du community management à l’ère des outils IA

L’axe marketing et communication digitale de l’IIM, qui fête cette année les 30 ans de sa création, permet aux futurs CM d’acquérir les compétences techniques indispensables, ainsi que les soft skills nécessaires pour réussir dans ce domaine. « Sur la pédagogie de notre axe, nous restons très à la pointe. Nous observons les signaux faibles, nous travaillons comme un hub. Il ne s’agit pas de courir derrière une nouveauté, nous allons d’abord identifier les tendances, aller sur le terrain, contacter les acteurs du secteur, et échanger avec eux. » Avec de bons résultats à la clé : le bachelor Marketing et communication digitale est par exemple classé n°1 du classement Eduniversal 2025 des meilleurs masters et MBA de France dans cette spécialité.

C’est rassurant, cela montre la solidité de notre programme. Avec les 30 ans de l’école que nous fêtons cette année, nous avons des milliers d’alumni répartis dans des entreprises diverses. C’est un réseau fort, qui bénéficie de notre groupe d’écoles interconnectées*.

Du côté des outils d’IA pour les CM, pour Médina Koné, il existe une concentration autour des mêmes outils, avec ChatGPT en tête. « Le dirigent d’OpenAI semble vraiment focus sur le comportement humain et la façon de l’utiliser, un peu comme les réseaux sociaux. Il rend l’outil le plus accessible possible. Est-ce qu’il y aura de l’éthique dedans ? Je continue à penser que ChatGPT reste un bon outil. » Du côté de Google, si de nombreux observateurs annonçaient sa possible chute, il reste bel et bien un acteur clé à suivre.

J’avais fait une Learning expedition à San Francisco, en 2018. J’avais pu assister à des démos d’IA. Ces outils avaient déjà été développés, mais ils n’étaient pas encore sortis des cartons, c’était encore au stade expérimental. On nous parlait déjà des hallucinations et de leur impact. Il y avait une notion de responsabilité, de business et d’éthique.

Sa recommandation pour bien maîtriser les outils d’IA dans le community management : « Les CM ont une responsabilité, elle consiste à vérifier, douter, automatiser la vérification, notamment dans les grands projets. » Les bots, qui peuvent filtrer ou répondre aux haters, sont une solution intéressante afin de répondre en masse, tout comme les agents qui vont permettre d’automatiser des tâches. Mais l’IA doit rester comme un correcteur d’orthographe amélioré : « Elle assiste les community managers, mais elle ne doit pas remplacer leur rôle de stratège. »

Quid du futur du CM à l’ère de l’IA ? S’il n’est pas question ici de sortir une boule de cristal, certaines tendances semblent se dessiner dans ce secteur en pleine mutation. « Il va y avoir une convergence des métiers : le CM va s’occuper des communautés, assisté par des agents d’intelligence artificielle. Beaucoup de choses vont pouvoir être automatisées. Je pense que le métier va se mélanger entre production de contenus et un volet commercial, car on va demander de plus en plus aux CM des résultats factuels. » Un certain écart pourrait également émerger, selon les niveaux d’expérience.

Il devrait y avoir une graduation entre des community manager de premier niveau, qui feront simplement exister une marque, et ceux qui réussiront à percer, à montrer qu’ils sont vraiment dans la performance, et plus seulement dans l’entretien d’une relation et d’une existence en ligne, conclut la professeure déléguée.

Devenir community manager avec l’IIM

*L’IIM fait partie du Pôle Léonard de Vinci, qui regroupe aussi l’EMLV, école de management, et l’ESILV, école d’ingénieurs, ndlr.

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