Comment évolue le paysage social media en 2023 : le décryptage de Jean-Noël Buisson

Nouvelles applications, essor des copycats, graal de la génération Z, créateurs en crise, arrivée de l’IA… Décryptage complet du marché des réseaux sociaux !

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Vers une archipélisation des réseaux sociaux... © Andreas Prott - stock.adobe.com

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Jean-Noël Buisson, Responsable veille et analyse pour l'agence Image 7

Diplômé de l’IPAG Business School, Jean-Noël a commencé chez Sony Music avant d’intégrer Lagardère Publicité, puis Europe 1, où il a notamment élaboré la stratégie de la station sur les réseaux sociaux. Entre 2016 et 2020, il a occupé le poste de Responsable adjoint du département Analyse au Service d’Information du Gouvernement (SIG), chargé de monitorer les jugements des médias et de l’opinion pour le cabinet du Premier ministre. Il est Responsable du service veille et analyse d’Image 7 depuis janvier 2021.

Inspiré d’un récent dossier de Digiday sur le phénomène de la fragmentation du marché des réseaux sociaux, Jean-Noël Buisson décrypte dans cette tribune, le paysage social media en perpétuelle mutation, éparpillé « façon puzzle », et riche de nouveaux défis pour les acteurs de la communication. Agences, créateurs de contenus, mais aussi éditeurs et plateformes, tous doivent composer avec ce nouveau paradigme.

Plateformes alternatives, retour de hype et copycats

Début 2022, Clubhouse débarquait et les attentes autour de l’audio étaient immenses. Depuis, le vent a tourné pour cette application, mais – ces dernières années – on ne compte plus les nouveaux entrants (BeReal, Gas, Hive Social…), les renaissances (Mastodon), et bien sûr le rouleau compresseur TikTok. À chaque fois, les majors historiques des réseaux sociaux s’emparent de la dernière fonctionnalité en vogue pour l’imiter : Twitter Spaces, YouTube Shorts, Instagram Reels… les copycats se multiplient.

Résultat : tout finit par se ressembler, et les plateformes, terrifiées à l’idée de perdre des parts de marché risquent de brouiller leur positionnement.

Entre vagues de licenciements, vieillissement des audiences sur Facebook et déboires dans le metaverse, l’étoile de Mark Zuckerberg a pâli. Sa conversion au modèle semi-payant interroge. Comme chez Twitter, où Elon Musk semble piloter un bateau ivre. Curieusement, on parle moins de YouTube et de Snapchat, qui affichent pourtant des chiffres d’audiences considérables chez les jeunes sans s’attirer les foudres reçues par TikTok. Le géant chinois, accusé de tous les maux ou presque (contenus toxiques, sécurité des données, addiction aux écrans…), est même menacé de bannissement en Occident. Enfin, LinkedIn poursuit son bonhomme de chemin sur un segment bien identifié.

Des audiences de plus en plus silotées

Cette fragmentation illustre le passage d’une culture de masse à une culture de niche, faite d’expériences en ligne toujours plus individualisées, où la recommandation algorithmique règne en maître avec le risque d’amplifier les bulles de filtres, si tant est qu’elles existent. L’idée d’une vaste « agora » numérique est définitivement enterrée, nous sommes entrés dans l’ère des communautés en ligne de plus en plus segmentées. Elles pivotent vers des sphères privées (ce qui pose un problème en matière de veille) et s’organisent autour de centres d’intérêt ou d’influenceurs. Ces derniers constituent autant d’opportunités pour adresser des cibles extrêmement qualifiées.

Les agences : des stratégies « omnisociales » à réinventer

Les marketeurs doivent s’adapter en permanence à cet archipel de réseaux sociaux. Dans ce contexte, impossible d’opter pour une approche globale et indifférenciée. Investir sur une ou deux grosses plateformes ne suffit plus. Meta n’est plus l’alpha et l’oméga de l’achat publicitaire social media : une stratégie de diversification est souvent nécessaire.

Il est pertinent de raisonner en format et non plus seulement en plateforme : plutôt qu’une « stratégie TikTok » on optera pour une stratégie de vidéos courtes. Il faut aussi être capable d’opérer des ciblages de plus en plus fins, y compris géographiques.

Un paysage fragmenté signifie plus de contenus à distribuer, et donc une remise à plat des process de production, de partenariat, mais aussi de recrutement (faut-il externaliser, privilégier des profils généralistes ou des experts des plateformes émergentes ?), sans compter l’inflation des coûts. Bonne nouvelle, les options pour se connecter à son audience se multiplient. L’impératif pour l’engager : bien la connaître pour trouver la meilleure façon de lui présenter un contenu. On pourrait ajouter : ne pas se disperser, savoir qui l’on est, et ce que l’on veut dire.

Le graal de la Gen Z

Protéiforme, c’est la génération que tous s’arrachent. Problème, elle est exigeante, et surtout, elle n’est pas dupe (cf. le phénomène de #deinfluencing sur TikTok). Les consommateurs de la Gen Z sont familiers des mécaniques de promotion d’influenceurs auxquels ils sont exposés depuis de longues années.

Dans l’ADN de cette classe d’âge : un engagement quasi permanent sur les écrans, mais de manière plus « distraite » avec une capacité à faire plusieurs choses à la fois. Pour cette génération, la nature de chaque réseau social va de soi, les fonctionnalités sont limpides, attention donc aux faux pas et à la maîtrise des codes de chaque écosystème.

La seule proposition de valeur qui trouve grâce aux yeux de la Gen Z tient en un triptyque : sincérité, transparence, authenticité.

Les médias : moins de trafic, plus de marketing

Pour les médias, le temps de réévaluer le rôle des plateformes est venu. Longtemps, elles ont été perçues par les éditeurs comme de simples moteurs de trafic. Et pour cause, Twitter ou Facebook leur apportaient des volumes de visites entrantes à deux chiffres. Aujourd’hui, la donne a changé, et l’essor des formats vidéo verticales et éphémères amène les médias à envisager les réseaux sociaux différemment.

L’idée est moins de rediriger une audience vers les sites, mais plutôt de construire et d’enrichir leur image de marque au sein même des réseaux sociaux.

Les créateurs au bord de la crise de nerfs

Pour les créateurs, maintenir une présence sur plusieurs plateformes demande des efforts considérables. L’opacité et le diktat des algorithmes de recommandations sont une source de stress permanent. C’est le cas sur TikTok, où l’algorithme provoque d’importantes variations d’audience, et sur Instagram, qui modifie très souvent les règles du jeu. Cette incertitude créée chez les créateurs une forme d’anxiété. Pour la surmonter, chacun doit se poser les bonnes questions : la plateforme est-elle populaire pour ma cible ? Mon contenu est-il adapté à ses codes ?

Et maintenant l’IA

L’effet de blast provoqué par l’arrivée de ChatGPT donne le vertige et, sans doute, une idée de notre futur. Pour les plateformes aussi, la rupture qui s’ouvre est celle de l’intelligence artificielle accessible à tous. L’existence même des réseaux sociaux est menacée par le déluge de contenus de synthèse qui s’annonce. Vidéos, photos, audios générés par l’IA : comment les distinguer des contenus réels ? Comment les modérer, éviter les fake news ? Quelle règlementation adopter quand les plus grands experts réclament un moratoire, ou vont même jusqu’à imaginer l’extinction pure et simple de l’humanité ?

La possibilité d’une île ?

La fin prochaine des réseaux sociaux est évoquée à longueur d’articles, leur décentralisation aussi (même chez Meta). D’autres encore imaginent leur fusion, puisque tous les contenus ou presque convergent vers un seul format : la vidéo courte, répliquée de plateforme en plateforme.

« Everything old in social media is eventually new again », résume parfaitement Digiday. Archipelisation croissante, disparition, ou rapprochement des plaques tectoniques ? Bien malin celui qui prédira le futur des réseaux sociaux. Une chose est sûre : leur échelle n’est pas celle des temps géologiques. Tout peut aller très vite et l’histoire montre qu’aussi puissantes soient-elles, les entreprises de technologie, comme les empires ou les espèces, peuvent un jour finir par disparaître.

Explorer les métiers de la création de contenu

Les métiers de la création numérique regroupent des profils aux compétences variées. On retrouve des spécialistes de chaque format (écrits, vidéos, illustrations...) ainsi que des experts social media qui maîtrisent les réseaux sociaux. Ils sont créatifs, précis, à l'écoute des tendances et de leurs audiences. Leur quotidien évolue très rapidement, au rythme des plateformes. Voir tous les métiers de la création de contenu
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