Comment Adobe orchestre sa présence mondiale sur les réseaux sociaux

Chez Adobe, les réseaux sociaux ne servent pas qu’à diffuser du contenu. Ils s’appuient sur la créativité des communautés pour faire rayonner la marque.

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Pour Jared Carneson, curiosité et résilience sont les deux compétences clés pour réussir dans le social media. © Bendix - stock.adobe.com
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Jared Carneson dirige la stratégie sociale mondiale d’Adobe, où il pilote les contenus, l’influence, la veille et l’intelligence sociale du groupe. Pour BDM, il décrypte cette stratégie et explique comment la marque profite de son positionnement privilégié, directement au côté des créatifs.

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Jared Carneson, Head of social media

En tant que Head of social media chez Adobe, Jared Carneson dirige une équipe mondiale et interfonctionnelle qui gère les partenariats avec les influenceurs et les créateurs, la création axée sur les réseaux sociaux et l’engagement de la marque à travers l’ensemble du portefeuille de produits.

Vous considérez les réseaux sociaux comme un espace de co-création avec les communautés plutôt qu’un simple canal de diffusion. Comment cette vision influence-t-elle la manière dont Adobe gère son écosystème social aujourd’hui ?

C’est une dimension essentielle de notre philosophie. Adobe crée des outils formidables, mais ce sont les gens qui les utilisent qui leur donnent vie. Sans eux, ce n’est que du logiciel. Ce qui compte vraiment, c’est l’histoire racontée à travers les communautés créatives.

Quand une création parvient à émouvoir et à inspirer, c’est extrêmement puissant.

Ces créateurs sont de véritables partenaires. Ils aiment créer, et nous aimons mettre en avant leur travail, voir ce qu’ils imaginent, ce qu’ils partagent. Quand une création parvient à émouvoir et à inspirer, c’est extrêmement puissant.

Nous croyons donc à une approche ouverte et collaborative, et aussi à la diversité des contenus. Adobe a cette chance unique de servir la communauté créative tout en en faisant partie. Là où d’autres marques cherchent encore comment collaborer avec les créateurs, nous sommes directement impliqués dans le processus créatif. Cela rend la relation beaucoup plus naturelle et authentique.

Comment définissez-vous la « voix » de la marque Adobe sur les différentes plateformes, et comment adaptez-vous cette voix selon les audiences ou les produits ?

C’est l’un de nos plus grands chantiers, et vous avez sans doute déjà remarqué certaines évolutions dans notre ton ou notre stratégie. Une partie repose sur l’expérimentation, une autre sur des recherches approfondies pour comprendre ce qui motive les comportements et ce que les gens attendent d’une marque sur les réseaux.

Les utilisateurs viennent sur les plateformes pour plusieurs raisons : être informés, divertis, inspirés, soutenus ou formés. Nous essayons donc de proposer un écosystème qui englobe ces différents besoins. Le volume et le type de contenu varient selon les communautés. Par exemple, dans la communauté Premiere, les gens recherchent surtout des conseils pratiques et des retours d’expérience : c’est une approche tournée vers l’éducation et l’inspiration.

D’autres espaces privilégient plutôt les actualités et les innovations. Tout dépend de ce qui fait sens pour la communauté. Et puis, chaque produit a sa propre personnalité. Acrobat, par exemple, s’est orienté vers un ton plus léger et humoristique autour du monde du travail, ce qui fonctionne très bien. Photoshop, lui, s’exprime davantage à travers la créativité et la mise en avant des créations de sa communauté.

Comment trouvez-vous le bon équilibre entre le contenu produit par la marque et le contenu issu de la communauté ?

C’est une question que beaucoup de marketeurs se posent : à quel point faut-il mettre en avant le produit, et quand faut-il s’effacer ? Chez Adobe, comme nos outils font partie intégrante du flux de travail des créatifs, l’équilibre se crée assez naturellement.

Dans nos communautés sociales, nous mettons en avant ce qui profite à la communauté avant tout.

Nous partons toujours d’une idée simple : un contenu « social-first » doit donner plus qu’il ne prend. Il doit apporter une vraie valeur, qu’il s’agisse d’inspiration, d’information ou d’apprentissage, et être « remarquable », c’est-à-dire susciter l’envie de commenter, de partager, d’interagir.

Nous privilégions donc les contenus dont les gens peuvent tirer quelque chose, tout en intégrant nos produits de façon organique. Les espaces publicitaires sont davantage centrés sur le produit. Mais dans nos communautés sociales, nous mettons en avant ce qui profite à la communauté avant tout.

Quel rôle jouent les données et l’écoute sociale dans vos décisions de gestion de cet écosystème mondial ?

Les données sont au cœur de tout ce que nous faisons. Mon équipe sait que je suis obsédé par ça : je veux comprendre pourquoi une idée fonctionne, comment elle fonctionne, ce qui motive un comportement.

Les réseaux sociaux sont une source incroyable, et encore largement sous-exploitée, d’études de marché. Les gens y partagent leurs opinions, leurs ressentis, leurs créations. Ce serait une erreur de ne pas analyser ces signaux. L’écoute sociale nous aide à comprendre nos communautés, à anticiper leurs attentes et à ajuster nos stratégies pour mieux les servir.

Adobe s’adresse à une audience mondiale. Quels défis rencontrez-vous pour maintenir la cohérence de la marque tout en adaptant les messages aux spécificités locales ?

C’est une question délicate, et je vais sans doute me faire taper sur les doigts par notre équipe brand (rires), mais je pense que la diversité de contenu est ce qui fonctionne le mieux sur les réseaux sociaux. Nous privilégions donc la pertinence locale et la liberté créative avant tout.

Nos grandes campagnes mondiales sont évidemment cohérentes, elles respectent nos codes visuels et notre identité. Mais nous laissons aux équipes locales la latitude nécessaire pour créer ce qui résonne le mieux dans leur marché. Cette diversité rend le contenu plus vivant, plus engageant. Plutôt que de chercher une uniformité absolue, nous voulons produire des choses uniques, qui évoluent, qui surprennent. C’est ce qui capte réellement l’attention des audiences.

Quelles compétences clés recommanderiez-vous à un professionnel des réseaux sociaux qui souhaite réussir dans un écosystème technologique et à grande échelle comme celui d’Adobe ?

Je dirais qu’il faut avant tout deux qualités : la curiosité et la résilience.

La curiosité, d’abord, parce qu’il faut sans cesse chercher à comprendre comment les choses fonctionnent, pourquoi un contenu marche ou non, et être guidé par les données pour affiner sa démarche.

Et la résilience, car le social media évolue très vite. On crée beaucoup, et tout ne fonctionne pas. L’échec fait partie du processus, et il faut savoir en tirer des enseignements. Ces deux qualités, curiosité et résilience, sont indispensables pour progresser et durer dans cet environnement.

Avec l’essor de l’IA et des créateurs influents, comment structurez-vous la stratégie social media d’Adobe pour renforcer l’engagement tout en restant fidèle à l’identité de la marque ?

Le débat autour de l’IA est passionnant, et on a déjà connu des moments similaires dans l’histoire. Quand la photographie est apparue, on parlait de la « mort de la peinture ». Mais la photo a ouvert la voie à de nouveaux courants, avant de devenir un art à part entière.

Nous vivons la même chose avec l’IA. Certains la perçoivent comme une menace, d’autres comme une formidable opportunité. Elle bouleverse les pratiques, mais elle permet aussi aux créatifs de gagner du temps et de se concentrer sur ce qui compte le plus : l’idée, la vision, la narration.

Chez Adobe, nous intégrons l’IA dans nos outils pour qu’elle soit au service du créateur, jamais à sa place. Celui qui veut peindre ou illustrer à la main peut toujours le faire ; celui qui produit à grande échelle peut s’appuyer sur l’IA pour automatiser les tâches répétitives.

Sur le plan de la marque, c’est une période d’expérimentation. Nous testons, nous apprenons. L’enjeu, c’est de trouver le bon équilibre : ne pas en faire trop, ni trop peu. Le tout en restant fidèle à ce qui définit Adobe, à savoir la créativité et la valorisation du travail des créateurs.

Quelles tendances majeures anticipez-vous dans la gestion des réseaux sociaux dans les prochaines années, et comment Adobe s’y prépare-t-il ?

L’IA va profondément transformer la manière dont les histoires sont racontées. Elle démocratise la création : de plus en plus de gens vont pouvoir produire, expérimenter et diffuser leurs idées. On verra émerger de nouveaux talents, parfois très jeunes, et une explosion du volume de contenu. Cela va rendre la compétition pour l’attention encore plus intense.

Adobe s’est positionné pour accompagner ce mouvement. Nous voulons donner à chacun les moyens de créer, quel que soit son niveau. Quelqu’un qui est à l’aise en vidéo pourra demain se lancer dans la 3D grâce à l’IA. Notre rôle, c’est d’aider les créateurs à franchir ces étapes et à élever leur travail.

Nous observons aussi l’apparition de nouveaux formats et de nouveaux genres, comme des courts-métrages ou séries entièrement générés par IA. C’est un espace en pleine construction, qui finira par devenir une forme artistique à part entière.

Enfin, un enjeu crucial se dessine : la traçabilité et la sécurité du contenu. D’où nos initiatives comme le Content Authenticity Initiative et les Content Credentials. Ces outils agissent comme des labels de transparence. Ils indiquent comment une image a été produite, si elle a été générée ou modifiée par IA, et permettent aux auteurs de revendiquer la paternité de leur travail. Nous voulons protéger les créateurs et garantir la confiance dans ce qu’ils publient.

Pensez-vous que les réseaux sociaux puissent s’effondrer ?

Les réseaux sociaux ont déjà connu plusieurs vies. À l’origine, ils servaient à rapprocher les gens, à créer du lien. Puis, peu à peu, les plateformes sont devenues de véritables médias, avec leurs propres logiques de publication. C’est ironique : elles ont bouleversé le monde de l’édition, pour finalement devenir des éditeurs elles-mêmes.

Je ne pense pas qu’elles vont disparaître. Nous sommes trop attachés à la facilité de connexion et de partage. C’est dans la nature humaine de vouloir échanger, montrer, raconter. En revanche, la manière dont nous utilisons ces espaces change.

On observe une montée du « dark social », c’est-à-dire des échanges privés sur WhatsApp, Discord ou d’autres plateformes. Et une autre tendance forte : le retour aux communautés de niche. « La niche devient le nouveau mainstream », comme on dit. On voit apparaître des réseaux très ciblés, par exemple Peanut, une application dédiée aux jeunes mamans, qui recréent des espaces de confiance et de proximité.

Ces formes plus intimes vont se développer, mais les grandes plateformes resteront. Elles évolueront peut-être dans leur rôle, mais elles ne disparaîtront pas.

Les marques doivent-elles aller dans ces espaces de niche ou au contraire rester à distance ?

Certaines marques ont toute leur place dans ces espaces, parce qu’elles apportent une vraie valeur. Elles soutiennent la communauté, favorisent la croissance des créateurs et contribuent à faire vivre l’écosystème.

Il faut parfois accepter que certains espaces ne sont simplement pas faits pour nous.

Mais il y a aussi des espaces qui doivent rester sans marque, et c’est tout aussi légitime. Certaines communautés tiennent à préserver leur intimité ou leur authenticité. Lorsqu’une marque s’y invite sans y être vraiment la bienvenue, la réaction peut être très forte, et ce n’est pas nécessairement une mauvaise chose.

Tout est une question d’équilibre et d’écoute. Il faut comprendre où la marque peut vraiment enrichir l’expérience, et où elle risquerait au contraire de la perturber. C’est un processus d’apprentissage permanent : tester, observer, ajuster, et parfois accepter que certains espaces ne sont simplement pas faits pour nous.

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